Anciennement appelé Ion Maiden, Ion Fury sort d’accès anticipé avec l’ensemble de ses niveaux. Créé avec le moteur de Duke Nukem 3D, préparez-vous à un saut dans le temps assez déconcertant.
Moteur de construction
Ion Fury, c’est un peu le pari fou de créer un DOOM-like comme on en fait plus : de l’action non-stop et un level design fouillis qu’on explore à coup de cartes d’accès colorées. La nostalgie est forte depuis quelques années, mais des titres récents comme les excellents DUSK et Amid Evil ont prouvé que le genre du FPS old-school avait encore des trucs à dire.
Pourquoi “Ion Fury” ?
Si vous avez suivi un peu le jeu de loin et avez craqué pour l’accès anticipé suite à notre preview, vous vous rendez vite compte que le titre ne s’appelle plus Ion Maiden. Les avocats du groupe de heavy metal Iron Maiden (que je vénère) étant connus pour être des salopards notoires ont menacé Voidpoint d’un procès à la con pour des raisons que vous imaginez bien (Brütal Legends a eu une histoire similaire avec les mêmes gus). Même si le studio était sûrement dans son droit, il aurait été absurde de s’embourber et perdre de l’énergie dans une affaire judiciaire débile alors que la sortie du jeu approche. C’est quand même dommage parce que ça claquait pas mal.
Faire un soft qui ressemble à un jeu sorti il y a plus de 20 ans, c’est une chose, mais faire un jeu avec les MÊMES outils qu’à l’époque, c’en est une autre. En effet, Ion Fury a été créé en grande partie avec le Build Engine, le même moteur utilisé par Duke Nukem 3D sorti en 1996.
Fondé par d’anciens moddeurs spécialisés dans le moteur de 3D Realms qui ont aidé à le développer, Voidpoint utilise eDuke32, un fork du Build Engine qui fait le bonheur des joueurs qui joue toujours à Duke 3D de nos jours, et ce depuis très longtemps. Je me souviens l’avoir utilisé au moins une fois dans ma folle jeunesse.
Résultat des courses, le jeu pèse 90 Mo. 90… malheureux… méga… octets. Théoriquement, le titre pourrait tourner sur une machine des années 90, mais ne vous y trompez pas. Ion Fury compte bien faire vibrer la fibre nostalgique en tirant profit de votre battlestation moderne.
Le plus impressionnant viendra sûrement du fait que le titre sera compatible avec les derniers standards technologiques sans sourciller : 4K, framerate débloqué, plein écran sans bordure… je n’ai eu absolument aucun souci technique avec Ion Maiden Fury (zut) .
Le lien avec Duke Nukem 3D ne s’arrête pas là, puisque 3D Realms édite également le jeu. N’ayant plus les droits de Duke Nukem (c’est Gearbox qui en est devenu le gardien), le studio déchu avait sorti le sympa-mais-pas-ouf Bombshell en 2016, mettant en scène Shelly “Bombshell” Harrison… une héroïne badass pensée à l’origine pour être la sidekick sexy du Duke dans la toute première version de Duke Nukem Forever.
À l’image de son modèle, le jeu ne manque pas d’humour et Shelly balance — bien évidemment — des One Liners à chaque ennemi explosé. Les références fusent dans tous les sens et le titre a ce côté auto-conscient d’être une sorte de parodie (même si le mot est un peu fort) d’un jeu des années 90.
Si Shelly a perdu le côté sexy lourdingue de ces années-là, elle reste badass en toute circonstance. Ion Fury est donc un prequel de Bombshell, où l’héroïne travaille encore en tant que démineuse pour la Global Defense Force.
Une époque où tout était plus simple…
Justement, on ne s’attardera pas trop sur le scénario… parce qu’il n’y en a pas. Bombshell s’envoie des bières au bar après une longue journée de boulot lorsqu’une secte de cyborgs transhumanistes attaque Neo-Washington, et elle compte bien retourner à sa beuverie une fois qu’elle aura tué le salopard responsable de toute ce bordel. D’ailleurs, le grand méchant est doublé par le légendaire Jon St John, voix officielle de Duke Nukem.
De ce fait, on ne s’encombre pas des détails inintéressants (un jeu vidéo, c’est comme du porno, comme dirait John Carmack) et on rentre directement dans l’action. Les niveaux sont truffés d’ennemis et on dézingue à tour de bras sans penser au lendemain. Le feeling est étrange clavier/souris en main, le moteur n’étant pas pensé pour à la base, mais on s’y fait assez vite. Il faut rester constamment en mouvement pour éviter le plus gros des dégâts et progresser à tâtons pour ne pas se faire encercler inutilement.
Si l’arsenal est assez classique (revolver, fusil à pompe, mitraillette, arbalète), chacune possède un tir alternatif intéressant qui change complètement la façon dont elle est utilisée, mon préférée étant la possibilité de verrouiller les ennemis avec le revolver de Shelly, histoire de se la jouer McCree (très pratique contre les petits ennemis). Toutes sont utiles selon les situations, mais leur nombre limité et leur classicisme dessert un peu le feeling général du jeu. Pour un cousin éloigné de Duke Nukem, où sont les rayons à glace et les rétrecisseurs ?
La seule chose un peu originale réside dans les grenades de Bombshell qui en font sa signature. Balancez-en une dans une pièce et elle explosera à la tronche du premier ennemi rencontré. Les explosifs sont nombreux et ont l’utilité d’exploser les ennemis en choux-fleurs, libérant des morceaux d’armure au passage. DOOM 2016 est passé par là.
Les différents types d’ennemis n’ont pas l’air de se renouveler énormément durant l’aventure, mais leur complémentarité est bien pensé et on se crée rapidement une chaîne de priorité durant les combats pour éliminer les ennemis les plus relou selon la situation. C’est la marque des bons FPS à papa. La disposition des ennemis est souvent bien pensée pour un gameplay équilibré, mais dès qu’ils doivent se déplacer, ils sont complètement aux fraises, collant souvent les murs sans trop savoir quoi faire, et c’est pas facile des les déloger sans risque. On s’y fait, mais c’est quand même dommage.
Ne vous y trompez pas, Ion Fury est dur, très dur. J’ai terminé le jeu en difficile pensant pouvoir me reposer sur mes vieux réflexes de vieux gamer, mais j’ai quand même souffert, Shelly prenant assez cher à la première bastos. Comme il s’agit d’un DOOM-like à l’ancienne, pensez à user et abuser de la sauvegarde rapide, les autosaves étant assez rares.
Le vrai point faible du jeu viendra surtout de ses boss, un souci récurrent dans les FPS bourrins qui n’arrivent pas toujours à les rendre intéressants au-delà de leur donner une barre de vie énorme, d’autant plus que leur difficulté est bien trop inégale. Mention spéciale au vaisseau de largage qui a épuisé ENTIÈREMENT mon stock de munitions (ainsi que celui de l’arène), m’obligeant à tricher. Même pas honte.
Le level design est un art
Si les mécaniques de gunplay d’Ion Fury sont très correctes sans crier au génie, c’est surtout pour le level design qu’on joue à ce genre de jeu. DOOM a prouvé qu’avec les mêmes ennemis depuis 25 ans, on peut renouveler complètement l’expérience en ajoutant de simples niveaux. C’est clairement le cas dans Ion Fury et heureusement que Voidpoint a été très inspiré sur ce point.
On retrouve totalement ce feeling qu’on avait dans Duke Nukem 3D : des sprites soignés, des objets absolument partout et une interactivité avec le décor qui permet pas mal de folies. Difficile à l’expliquer, mais on clairement face à une suite spirituelle de Duke 3D. Ça se ressent.
Le truc, c’est que les niveaux sont bien plus grands que le titre sorti en 1996, avec énormément d’éléments en plus. Mine de rien, c’est quelque chose rendu possible avec les machines d’aujourd’hui. Pire, à la manière d’un Half-Life, les niveaux sont connectés les uns avec les autres de manière fluide.
La direction artistique des niveaux a du mal à se renouveler à partir de la deuxième partie entre des usines et des installations obscures, mais les différents environnements des 7 épisodes sont assez variés. Les rues de Neo-Washington donnent une sacrée claque et chaque niveau aura sa propre identité et sa propre manière de progresser. Comptez environ 15 heures pour en faire le tour.
Il est toujours question de chercher des cartes d’accès pour ouvrir la suite du niveau, mais se faire une carte mentale de l’environnement pour mieux gérer ses allez-retours est un vrai plaisir qu’on avait oublié depuis longtemps. Certains niveaux trouvent même de bons compromis entre linéarité et exploration à l’ancienne.
Le petit truc qui prouve que les gars de Voidpoint ont tout compris à l’héritage qu’ils portent sur leurs épaules, c’est la profusion de secrets qu’il y a dans un seul niveau. Oh. mon. dieu. Il y en a tellement, partout, et ils sont si vicieux qu’on en devient presque parano. Pourtant, ils ne vous prennent jamais en traître, il faut juste avoir l’œil ouvert une idée à la con à tester pour trouver quelques caches d’armes et de munitions bienvenues. Le pire, c’est que certaines zones secrètes sont de vraies récompenses en soi, entre easter eggs rigolo ou la simple satisfaction d’avoir résolu un puzzle retors.
Hold my beer
Ion Fury est un shooter tout juste correct qui n’est pas exempt de défauts, mais c’est un excellent DOOM-Like. Le jeu est simplement fun, le challenge est présent et le level design mérite à lui tout seul qu’on s’y attarde. La direction artistique liée au rendu du Build Engine propose quelque chose d’à la fois très familier et unique, nous enveloppant direct dans nid douillet débarqué des années 90. Si vous aimez les projets passionnés, Ion Fury est de la bonne came.
► Points forts
- Le charme visuel d’un Duke Nukem 3D
- Un level design très soigné
- Des secrets à en devenir fou
- Énormément de références et d’easter eggs
- Une héroïne badass, sans excès
► Points faibles
- Ça manque de folie dans le gameplay et l’arsenal
- On prend trop cher trop vite
- Des boss inintéressants ou juste frustrants
- L’humour n’est pas assez bien exploité
- Des répliques qui reviennent bien trop souvent
- Une bande-son inégale
Le FPS à maman
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA GTX 980 Ti
- CPU : Intel Core i7-6700k @4GHz
- RAM : 16 Go DDR4
- Installé sur un SSD
Ion Fury est disponible sur PC et le sera cette année sur PS4, Xbox One et Nintendo Switch.