Jurassic World: Fallen Kingdom vient de débarquer au cinéma et Universal a souhaité accompagner cette sortie avec celle d’un jeu de gestion. Intitulé Jurassic World Evolution, le titre de Frontier Developments (Planet Coaster, Elite: Dangerous) renferme du potentiel mais peine à convaincre en l’état.
Écriture préhistorique
Dans Jurassic World Evolution, vous êtes chargé de développer un parc à thème, et ce thème ce sont les dinosaures ressuscités. Enfin pas vraiment un seul parc puisque vous évoluerez sur cinq îles, chacune avec ses spécificités et difficultés, qui vont aller croissantes tout au long de la campagne. Seule la dernière carte offre le traditionnel bac-à-sable, ce qui veut dire que vous serez obligés de vous taper les îles préliminaires avant de pouvoir faire ce que vous voulez. Un choix pour le moins étonnant : considérant l’intérêt d’un mode bac-à-sable pour un tel jeu, c’est comme si Battlefield vous imposait de faire sa campagne solo pour avoir accès au multijoueur.
[Chaque division] est dirigée par un personnage qui se chargera de vous offrir des lignes de monologues toutes plus insipides les unes que les autres.
Pour assurer la réussite de votre parc qui compte beaucoup trop de dents acérées pour être rassurant, vous devrez composer avec trois divisions (qui n’ont rien à voir avec Ubisoft ou Massive Entertainment) : science, sécurité et divertissement. Chacune est dirigée par un personnage qui se chargera de vous offrir des lignes de monologues toutes plus insipides les unes que les autres, de la même manière que tous les autres personnages d’ailleurs – c’est dans de tels moments qu’on se rend compte qu’un personnage, avant d’être une voix et une gueule, c’est avant tout une écriture (pleurez bien en écoutant Nick Van Owen).
Les blagues insipides et tirades forcées mises de côté, les chefs de division vous proposeront des contrats qui auront pour effet d’augmenter votre réputation auprès d’une en la faisant automatiquement baisser auprès des autres. Autrement dit, accomplir une mission pour la sécurité diminue votre réputation auprès de la science et du divertissement. Allez savoir pourquoi, elle s sont de facto toujours absolument opposées (ce qui ne les empêche pas de vous filer des missions similaires).
La dynamique du titre est censée reposer sur la nécessité de développer son parc vs la nécessité de faire de l’argent vs la nécessité de proposer aux visiteurs un environnement sécurisé.
La guerre des boutons
Sauf que cette dynamique tombe un peu à l’eau à partir du moment où il n’y a pas de réelles conséquences à cette trichotomie. Vous pouvez tout à fait choyer les trois divisions sans que cela vous handicape véritablement, ce qui n’est pas nécessairement un mal puisque des seuils de réputation auprès de chacune d’entre elles permettent de débloquer des capacités et bâtiments. En revanche à partir de là, pourquoi instiller cette fameuse trichotomie ?
D’autant que, comme évoqué plus haut, les objectifs sont souvent similaires – quand ils ne sont pas absurdes. L’écriture reste un problème et pas que chez les personnages. Quand le responsable de la sécurité vous demande de lâcher un dino carnivore sur la foule pour qu’il en bouffe un certain nombre, juste pour tester les capacités de sécurité du parc, il y a de quoi pouffer de rire.
Pour ce qui est de la similarité, elle ne fait qu’amplifier une redondance déjà pas mal prononcée : faites générer du fric au parc, faites x fouilles, etc. Rien de très palpitant. Surtout, pitié qu’on arrête de me proposer des missions consistant à prendre des dinosaures en photo en train de manger/boire/jouer à la marelle – je croyais que le safari était réservé aux touristes, pas aux gardes que je paie.
Pitié qu’on arrête de me proposer des missions consistant à prendre des dinosaures en photo en train de manger/boire/jouer à la marelle.
Ce souci s’étend à un aspect gestion loin d’être foldingue. Vous n’avez aucune visibilité sur les visiteurs eux-mêmes. Visiteurs qui se trouvent être incroyablement conciliants/cons puisqu’ils se remettent remarquablement bien d’une attaque de T-Rex ou de la nécessité de se réfugier dans un abri blindé.
Pour tout dire, cela leur passe complètement au-dessus et les conséquences pour vos revenus ou la popularité de votre parc sont minimes. D’ailleurs vous pouvez très bien avoir un seul restaurant sur 10 km², ce n’est pas un problème. De la même manière que Jurassic World Evolution peut vous affirmer sans sourciller (bon il n’a pas de sourcils mais vous voyez l’image) que vous générez 120 000$ de revenus par minute avec un peu moins de 500 visiteurs. Ah quand même.
Jurassic Park DIY option roots
D’une manière générale, la gestion est assez rébarbative. En réalité, la seule chose qui doit vous préoccuper sont les dinosaures eux-mêmes. Pour le coup, Frontier Developments offre des perspectives intéressantes de ce côté-ci.
Les revenants du jurassique se montrent via de très belles modélisations et vous devrez rechercher des fossiles à travers le monde pour ensuite isoler les génomes des espèces disparues et les ramener à la vie. Une fois ceci fait, chaque dinosaure disposera de variables à gérer comme la sociabilité, l’accès à l’eau, la nourriture, la maladie, etc.
Les indicateurs de confort des dinosaures n’offrent pas que des seuils mais aussi des plafonds.
Il vous appartiendra donc de rechercher des remèdes pour les maladies qui auront tôt fait de se répandre si vous ne faites rien. D’autre part, les indicateurs de confort des dinosaures n’offrent pas que des seuils mais aussi des plafonds. Par exemple, un tricératops ne tolère qu’un nombre donné d’autres dinosaures dans son enclos, mais il lui en fait tout de même un minimum. Si vous ne satisfaites pas suffisamment de conditions de confort, vos précieux (parce qu’ils coûtent quand même une blinde) spécimens pourraient bien avoir envie de se faire la malle et il n’hésiteront pas à entamer les clôtures.
Vous devrez également faire attention aux régimes alimentaires. Je vous laisse imaginer ce qui se passe si vous enfermez un indécrottable carnivore avec des herbivores.
En parlant de bouffe, vous devrez aussi vous assurer du réapprovisionnement des mangeoires. On tombe ici dans l’aspect microgestion du titre, qui est mi-figue, mi-raisin. D’une part, Frontier Developments a eu la bonne idée de donner l’occasion au joueur de passer en vue à la troisième personne sur les jeeps de gardes et les hélicoptères d’intervention. Vous pourrez ainsi viser vous-même les dinosaures pour les anesthésier et les soigner. Un aspect sympathique les premières heures que vous finissez par transformer en tâche automatique.
Mais il faut tout de même que vous l’ordonniez par vous-même. Autrement dit un animal peut tout à fait crever d’inanition si vous ne donnez pas l’ordre à vos gardes d’aller remplir les mangeoires. Il n’y a aucun moyen de mettre en place des rondes ou des séries de tâches quotidiennes à effectuer. Je vous laisse imaginer le calvaire que cela devient dans un parc qui prend de l’envergure, d’autant qu’il faut aussi gérer les réparations, les attaques, les sabotages (eh oui)…
Rien d’autre qu’une excursion en forêt… il y a 65 millions d’années
Du côté visuel, Jurassic World Evolution remplit le contrat avec des graphismes soignés, y compris lorsque vous zoomez. Comme souligné auparavant, les dinosaures sont très bien modélisés et les animations sont au rendez-vous, notamment lors des combats. On aurait apprécié quelques actions un peu plus avancées du style un dino qui se roule dans l’eau, de même que des comportements propres à telle ou telle espèce (les vélociraptors chassent en meute, bon sang !) mais le résultat d’ensemble est très bon.
Du côté visuel, Jurassic World Evolution remplit le contrat avec des graphismes soignés.
Sur la première île, j’ai cependant été témoin de bords scintillants et d’un léger flou pas qui n’était pas du plus bel effet. Allez savoir pourquoi cela a disparu sur les autres îles, mais c’est tant mieux. Mention spéciale aux intempéries, les averses sont particulièrement réussies et donnent même envie qu’elles durent plus longtemps.
Côté contenu, Jurassic World Evolution fait le nécessaire avec ses 42 dinosaures et nombreux bâtiments. En revanche, on ne peut s’empêcher de noter l’absence de créatures aquatiques et aériennes, qui feront sans aucun doute l’objet de DLC à l’avenir. De même, pas de personnalisation au rendez-vous, excepté pour les jeeps des gardes, ce qui est tout de même très étonnant pour un jeu de gestion de parc à thème.
Une promesse pour demain vaut biens moins qu’un effort aujourd’hui
En définitive, Jurassic World Evolution est un titre de contemplation de dinosaure. On sent le potentiel et les idées aux racines du titre de Frontier Developments, mais mon petit doigt me dit que la sortie de Jurassic World: Fallen Kingdom les a obligés à sortir une version quelque peu bâclée sur le plan de la gestion (et c’est Universal qui est venu chercher le studio pour développer ce jeu, au passage). Pas de gestion des visiteurs, pas de customisation, une écriture plus que discutable, des missions redondantes, ça commence à faire beaucoup. Ajoutons une gestion de l’argent surprenante – dès que vous trouvez la combine, vous en avez à ne plus savoir quoi en foutre ; dans les temps difficiles, vous ne pouvez qu’attendre, sans possibilité d’accélérer le temps. Jurassic World Evolution est un très bon jeu pour les fans du concept de Jurassic Park/World qui cherchent avant tout du contemplatif. Pour les fans de parc à thème, il faudra être patient et attendre que les développeurs de Frontier Development permettent à leur titre de réaliser son plein potentiel.
► Points forts
- Modélisation des dinos
- Le titre est très beau
- Voix originales de plusieurs personnages emblématiques
- Contemplatif
- 42 dinosaures
- Possibilité de passer à la troisième personne
► Points faibles
- Contemplatif
- Aucune gestion des visiteurs
- Écriture qui tombe à plat
- Missions rébarbatives et incohérentes
- Pas d’animaux aquatiques et volants
- Manque des commodités (accélération du temps)
- Placement des bâtiments galère
- Le mode bac-à-sable uniquement après la campagne
- Gestion de l’argent à revoir
- Les dinosaures ont des comportements totalement génériques
- Pas d’automatisation des tâches élémentaires
- On tourne très vite en rond
Il manque la gestion dans le jeu de gestion
War Legend a bénéficié d’une copie PC fournie par l’éditeur de ce jeu.
Jurassic World Evolution est disponible sur PC, PS4 et XB1.