Le premier jeu de Warhorse Studios déboule avec sa violence, ses caractères bien trempés, ses chevaux et le crottin qui va avec (pas forcément les chevaux). Bref, le Moyen-âge quoi. Kingdom Come: Deliverance coupe les cheveux en quatre à grands coups d’épée, mais le titre marque néanmoins l’esprit au fer blanc.
Maman si tu voyais ma vie
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Sigismond est un homme qui a probablement quelque chose à compenser : il envoie une immense armée exterminer les habitants de Skalice, ce qui inclut les parents de Henry. Ce dernier parvient à s’enfuir au château voisin et y trouve des alliés de son suzerain, survivant lui aussi. Dès lors commence une quête de vengeance pour le jeune Henry.
Pouah ! Un gueux !
Le titre de Warhorse Studios se pose en véritable RPG, et il convient de le rappeler à l’heure où la mode est principalement aux action RPG. Cela signifie une importante emphase sur l’écriture et un rythme plus lent que pour le genre mentionné ci-avant.
Et l’écriture est effectivement de qualité. Pleinement ancrée dans le Moyen-âge, elle ne fait aucune concession sur la vulgarité marquant l’époque, bien loin de la Renaissance et de ses perruques poudrées. La plupart des personnages dégagent une personnalité propre, ce qui rend les dialogues assez savoureux.
En cela, Kingdom Come: Deliverance rappelle un peu The Witcher 3. Principal regret : si les tournures de phrase nous transportent effectivement dans le temps, on aurait aimé voir davantage de mots issus de cette époque sombre.
L’écriture est effectivement de qualité
Le scénario du titre est très intéressant et une bonne partie des quêtes secondaires ont également bénéficié d’un bon travail d’écriture, ce qui fait que j’ai vraiment pris plaisir à les entreprendre. Warhorse Studios réussit à nous livrer une histoire prenante dans un contexte médiéval réaliste et donc dépourvu de dragons et de magie. Henry se pose en personnage héroïque (ou anti-héroïque, selon vos choix) à la force de sa volonté et de sa détermination, s’extirpant de sa basse extraction.
Henry, archer talentueux, mais seulement quand il est raide bourré
Comme mentionné ci-avant, le rythme de Kingdom Come: Deliverance est celui d’un RPG, aussi les dialogues occupent une place importante. Ce qui n’est pas pour déplaire aux vues de leur qualité.
En revanche, “rythme plus lent” ne doit pas signifier “pas de rythme du tout” et c’est un reproche que l’on peut faire au titre de Warhorse Studios : certaines phases présentent des cinématiques longues et peu espacées, dans lesquelles vous n’avez aucune incidence.
Alors d’accord, c’est de la narration, mais quand c’est trop, c’est trop. Il aurait été possible de faire avancer l’histoire de manière plus intelligente et Warhorse montre à d’innombrables reprises qu’il sait comment s’y prendre, alors pourquoi ne pas aller jusqu’au bout ?
L’aspect RPG se retrouve aussi et surtout dans le développement de personnage, excellent
L’aspect RPG se retrouve aussi et surtout dans le développement de personnage, excellent. Dans la plus pure tradition du genre, vous gagnez des niveaux, mais les développeurs ont décidé d’éviter de se faciliter la vie et ont adopté ce que l’on peut retrouver dans Albion Online, par exemple : plus vous pratiquez une compétence, plus vous devenez doué pour celle-ci. Et cela fonctionne pour strictement tout : battez-vous à l’épée et vous développerez les compétences “épée” et “combat”, parlez et gagnez en “éloquence”, buvez et devenez alcoolique (ne prenez pas ça pour un conseil ou une excuse à votre vie dépravée, s’il-vous-plaît) !
Et le mieux, c’est que l’écrasante majorité des compétences (et il y en a un paquet) disposent de leur propre développement et de sous capacités, ce qui vous amène à tailler un personnage littéralement sur mesure. Les sous-capacités sont de plus élaborées judicieusement, ce qui vous obligera à orienter votre personnage d’une manière ou d’une autre.
Pour reprendre l’exemple de l’alcool, vous pouvez vous spécialiser en “bière” et tolérer 50% plus de binouze dans votre organisme, par contre le vin vous saoule deux fois plus vite et la gueule de bois pour ce breuvage est prolongée. Si vous vous spécialisez en “vin”, c’est l’inverse. Cela peut paraître anodin, mais pour amener certains personnages à parler, il faut les faire boire, je vous laisse imaginer les conséquences si vous devez vous battre après une cuite à la bière alors que vous êtes œnophile.
Enfin, ça c’est si vous n’avez pas sélectionné le talent qui vous permet d’être bien plus doué à l’arc lorsque vous êtes bourré (et moins lorsque vous êtes sobre, bien entendu).
Cachez ce sang que je ne saurais voir
Warhorse Studios pousse le vice du jeu de rôles encore plus loin en changeant la perception des gens à votre égard en fonction de la façon dont vous vous présentez à eux. Dégainez vos armes et tout le monde autour de vous va se montrer un brin nerveux (en même temps, ça ne vous donne pas l’air d’un type diplomate).
Mais ça, c’est assez commun comme élément dans un jeu moderne. Là où Kingdom Come: Deliverance se démarque, c’est que vos vêtements, leur état ainsi que celui de votre visage ont un impact sur la façon dont vous êtes reçu.
Essayez donc de parler à un noble avec des habits déchirés et tachés, la lèvre fendue et le visage contusionné. C’est encore pire si vos frusques sont souillées de sang. Vous aurez alors des malus plus ou moins importants en fonction de la façon dont vous présentez et il sera difficile de convaincre votre interlocuteur.
En revanche, restez dans le même état si vous souhaitez persuader un voyou et vous n’aurez aucun problème, il se peut même que vous récoltiez des bonus. Croyez-moi, vous apprendrez à faire usage des bains, armuriers et tailleurs.
C’est pour ça : j’lis jamais rien. C’est un vrai piège à cons c’t’histoire-là. En plus j’sais pas lire.
En parlant de persuasion, Kingdom Come: Deliverance vous propose trois options pour y parvenir (la plupart du temps) : éloquence, émotion et violence. Si vous êtes une brute épaisse, la violence vous ira à merveille par exemple, tout en sachant que le développement de compétences propre au jeu est aussi valable ici (plus vous choisissez d’être violent, plus vous deviendrez convaincant par ce biais).
Malgré tout, les développeurs ont fait un beau travail à ce niveau puisqu’il vous faut aussi tenir compte du contenu de la ligne que vous choisissez d’utiliser.
En effet, trop souvent dans les RPG se retrouve-t-on à sélectionner une réponse en fonction de l’attribut dont elle dépend (intelligence, charisme, force, etc.) Le titre compare votre montant d’éloquence/émotion/violence à celui de votre interlocuteur et vous donne raison si votre valeur est supérieure (tout en sachant que celle de la personne en face de vous vous est inconnue à moins de la connaître un minimum)… sauf que la cohérence du propos et son contenu sont pris en compte dans le calcul.
Ainsi, si vous discutez avec un homme particulièrement hargneux et que vous voulez le convaincre de vous révéler où se cache un de ses proches, vous pouvez choisir l’éloquence et lui dire qu’il ne sert à rien de s’énerver ou bien privilégier l’émotion et lui dire que vous comprenez sa colère, parce que le proche en question l’a déçu, n’est pas facile à vivre, etc.
Précisons au passage que vos options de dialogue seront influencées par vos dialogues précédents et ce que vous aurez découvert – impossible de parler du caractère d’un proche si vous n’en avez pas entendu parler par quelqu’un d’autre.
Revenons à nos moutons : vous aurez beau exceller en éloquence, parler de sa colère à l’homme pourrait bien l’énerver encore davantage, tandis qu’aller à la racine de cette colère en jouant sur l’émotion et la compréhension pourrait vous octroyer gain de cause, même si votre valeur “émotion” est inférieure à celle de votre interlocuteur.
Causes et conséquences
Et la cerise sur le gâteau, c’est que vous aurez l’occasion de constater que vos décisions ont de réelles conséquences dans l’univers du jeu, même si elles peuvent paraître insignifiantes de prime abord. Là où d’autres jeux prétendent arriver à ce résultat, mais que la conséquence la plus grave qui peut vous arriver est d’ajouter un combat à votre progression, Kingdom Come: Deliverance offre quelque chose de plus substantiel.
Votre réputation et vos choix auront des conséquences sur l’aventure que vous vivrez. Pour résoudre une enquête, il se peut par exemple que vous ayez à fricoter avec un homme d’église à la vie plus dissolue que ce qu’il prétend. Il pourrait bien vous révéler ce qu’il sait afin de vous aider à boucler votre quête, mais il faudra l’aider à se tirer d’un pétrin. Si vous acceptez, mais que vous ne parvenez pas à le tirer d’affaire, non seulement il vous tournera le dos alors qu’il représente pour ainsi dire votre seule piste, mais en plus de cela il risquera l’excommunication. Si vous y parvenez, il ne sera pas inquiété et vous aurez gagné un allié ainsi que l’estime des gens du coin.
Je m’excuse du peu de détails donnés, mais il serait balo que vous vous retrouviez spoilé. Sachez simplement que ce que vous déciderez au cours de votre périple aura des conséquences.
La bagarre
Si Kingdom Come: Deliverance fait la part belle aux dialogues, les combats sont également de la partie. Proposant un système proche de ce que peuvent offrir des titres comme For Honor ou Chivalry: Medieval Warfare, les combats exigeront de vous que vous appreniez à frapper juste.
Une étoile à cinq branches vous aidera à orienter vos coups correctement. Il est aussi possible de feinter en changeant de direction au dernier moment et d’apprendre des enchaînements en développant ses capacités de combat.
La parade est également de la partie et il vous faut appuyer sur la touche correspondante lorsque l’ennemi amorce une frappe et qu’un petit bouclier apparaît alors au milieu de l’étoile.
Vous allez en baver au début, puis vous apprendrez à connaître les animations des frappes et vous deviendrez de plus en plus fort. Sur la progression du joueur, Kingdom Come: Deliverance a très bien joué son coup et le développement des capacités en parallèle se fait naturellement, ce qui vous octroiera davantage de possibilités pour mener à bien vos combats.
Il m’est arrivé de vraiment prendre mon pied au cours de certains échanges particulièrement sympathiques et nerveux.
Une fois maîtrisé, l’art du combat se montre plutôt fluide et il m’est arrivé de vraiment prendre mon pied au cours de certains échanges particulièrement sympathiques et nerveux.
En revanche, les ennemis peuvent attaquer à plusieurs et le problème réside dans l’immense difficulté à parer les coups venant de ceux qui ne se situent pas dans notre champ de vision. En effet, l’apparition du petit bouclier au centre de l’étoile est momentanée et on apprend à y réagir en conjonction avec l’amorce du mouvement de frappe par l’adversaire… quand on ne voit pas cet adversaire, il est presque impossible de parvenir à parer.
On pourrait se tenir vigilant, sachant qu’un ennemi n’est pas dans notre champ de vision, mais le problème supplémentaire est que ses frappes sont rares et, de fait, il faut bien se concentrer sur le pouilleux en face de soi qui, lui, ne retient pas ses coups.
De plus, le verrouillage est vraiment peu pratique, le changement de cible est pénible et si l’on bouge trop sa vision, on peut perdre ledit verrouillage. “Enlève le verrouillage” me direz-vous. Impossible. C’est con, hein ?
Délivre-nous du bug, amen
Il faut dire ce qui est, Kingdome Come: Deliverance n’est pas un modèle de beauté – sans pour autant être laid, bien au contraire. Les paysages sont certes réussis, mais des détails manquent à l’appel. De près, certaines textures se montrent vraiment grossières et on peut parfois avoir des impressions de “plastique” assez peu flatteuses. En revanche, la lumière est très bien gérée et les couchers de soleil par-delà les forêts sont saisissants.
Le tableau d’ensemble est cohérent et la direction artistique fait le job, mais les animations faciales sont à revoir, de même que la synchronisation labiale, pas toujours très raccord. Avec le patch day one, les choses se sont améliorées, mais on ne touche toujours pas au but de ce côté, et c’est dommage, car cela ne rend pas justice à l’écriture vantée plus haut.
L’optimisation est aux fraises
Plus grave : l’optimisation est aux fraises. Sur une configuration GTX 1080 et Intel Core i5 4770K @4 Ghz, le titre se paie le luxe de ramer durant certaines phases. Le patch day one a, là encore, fait son office et régulé un peu la chose, mais ça ne m’a pas empêché de faire l’expérience de chutes de frame rate assez importantes et, évidemment, toujours aux plus mauvais moments.
En l’occurrence, je pense ici plus particulièrement à la première bataille en nombre qui m’a fait chuter à 20 FPS en configuration graphique “Très élevé”, même pas ultra… Vraiment dommage, car l’immersion s’en retrouve brisée, de même qu’une bonne partie de l’intérêt du combat. Gageons que les développeurs continuent de travailler sur le problème.
Au-delà de ça, j’ai pu être témoin d’une flopée de bugs plus ou moins gênants : personnages au pathfinding inexistant, chute sous la carte (une seule fois)… L’ensemble de l’expérience est bonne malgré tout, mais il reste du boulot à faire pour Warhorse Studios.
Un cheval qu’on aimerait parfois transformer en steak
Au rang des défauts du jeu, on peut citer une carte d’une taille certes confortable, mais dotée de grandes étendues… vides. On retrouve peu d’événements aléatoires.
À côté de ça, on tombe régulièrement sur des points d’intérêt – enfin soi-disant d’intérêt – tels que des sanctuaires, accidents, etc. Le problème c’est qu’une grande partie sont en fait des prétextes à une notification historique du codex. Le jeu visant la précision historique, pourquoi pas, mais donnez à ces éléments une fonction de gameplay par pitié.
Quant aux fameux accidents, ils n’ont pour la plupart aucun intérêt :
- “Hé regarde, une charrette éclatée sur le bord de la route !
- Ah cool ! Je vais pouvoir trouver du loot !
- Non, c’est juste une charrette éclatée sur le bord de la route, j’ai pensé que tu devrais le savoir.
Et qui dit Moyen-âge dit cheval ! Dommage qu’on ait le plus con de toute la Bohème. Entre son incapacité à grimper un petit escarpement ou à traverser des buissons, je ne sais que choisir…
Les paysages étant essentiellement verdoyants et boisés, “Findus”, comme je l’ai affectueusement nommé, est dans une galère pas possible et perpétuelle.
Dans une licence comme Assassin’s Creed, les chevauchées sont plutôt fluides et aisées. Dans Kingdom Come: Deliverance, c’est un calvaire dès qu’on ne se trouve plus dans une plaine.
[Notre monture] est dans une galère pas possible et perpétuelle
Quand une flopée de buissons bien plus fournis en feuillage qu’en branches et ne dépassant pas le ventre de l’animal l’empêchent d’avancer, c’est quand même triste.
C’est okaaaayyyyy !!
Kingdome Come: Deliverance se présente comme un excellent RPG dans la pure tradition du genre. L’impact de vos choix est bien au rendez-vous et surtout, ô surtout, le développement des capacités en accord avec le principe “plus vous pratiquez, plus vous apprenez” est purement jouissif, d’autant que vous serez forcé de choisir des bonus en contrepartie de malus, orientant ainsi votre personnage dans une voie.
Votre réputation (et donc vos actes de tous les jours) et votre apparence entrent également en ligne de compte.
Le talent de l’écriture et l’intelligence du développement des dialogues finissent de sceller l’excellence de Kingdom Come: Deliverance en tant que RPG grand crû.
Dommage que le côté technique soit en reste malgré les apports importants du patch day one. Le clipping, les chutes de frame rate constatées sur une machine de test pourtant très solide, les bugs plus ou moins gênants qui cassent l’immersion… tout ceci s’ajoute à des animations faciales à revoir, une navigation à cheval quand même bien relou (il faut dire ce qui est) et des portions de carte vides, manquant d’événements pour faire de ce périple une aventure rythmée et riche en découvertes.
Malgré tout, la richesse de l’aspect RPG m’a complètement séduit au-delà de ces soucis et les combats m’ont enthousiasmé une fois compris les principes de base et quelques niveaux gagnés dans les compétences appropriées.
► Points forts
- Écriture au taquet
- Choix de dialogue réalisés intelligemment
- Vos actes et choix ont de réelles conséquences
- Plus vous exercez dans un domaine, plus vous y développez des capacités
- Les sous capacités offrent pour beaucoup une dualité bonus/malus qui oriente le personnage
- Une fois maîtrisé, le système de combat promet de beaux échanges
- Les effets de lumière et le tableau d’ensemble sont chouettes à regarder
- RPG à l’extrême
- Scénario intéressant
► Points faibles
- Pas d’éditeur de personnage (pour l’immersion, ça craint en 2018)
- Des bugs relativement fréquents
- Chutes de frame rate importantes
- Verrouillage et combat à plusieurs à revoir
- Le cheval est bon pour les lasagnes
- Trop de vide dans cette carte, ça manque de vie et de spontanéité !
- Animations faciales en plastique
- Faut pas s’approcher de certaines textures sinon ça pique
- Le GPS vers les objectifs aurait mérité d’être plus clair
RPG pur jus
Testé sur PC. WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse offerte par l’éditeur de ce jeu.
Kingdom Come: Deliverance est disponible sur PC, Xbox One et PS4.
avec une promo pareil y’a des civeaway de clefs ?