Raaah, arrêtez de grimacer comme ça. League of Legends n’est qu’un ersatz de DOTA, mod de WarCraft III et vous le savez. Bon, il propose sa propre vision accessible mais profonde du genre, mais tout de même. Alors que Valorant n’est qu’une copie (intéressante) de Counter-Strike, Legends of Runeterra sort de sa bêta et s’avère aussi n’être qu’une copie (intéressante) de HearthStone. Le problème, c’est que je le trouve bien meilleur.
Fiat Lux
Arf, encore un jeu de cartes. C’est sympa comme tout, mais vu le succès insolent d’Hearthstone (qui reste le jeu le plus rentable de l’histoire) et la tétrachiée de jeu qu’il a inspiré, on commence à saturer. Tenez, pas plus tard que la semaine dernière, SEGA a annoncé un jeu de cartes Total War. Vous voulez jouer à un jeu de cartes Total War, vous ?
À côté de ça, vous avez l’excellent Gwynt tiré de The Witcher III qui souffre d’un manque de joueurs, le correct Elder Scrolls: Legends qui a souffert d’un manque de joueurs (lui aussi), Magic: The Gathering Arena qui aura mis du temps à s’imposer et Shadowverse qui est un truc de weebs.
Vous l’aurez compris, c’est un marché aussi bondé que la ligne 13 et il est donc difficile de se faire une place confortable dans le milieu. Seulement, quand on s’appelle Riot Games, on peut aisément profiter de sa notoriété pour développer une multitude de jeux compétitifs en parallèle… dont un jeu de cartes qui est une première étape dans l’élargissement de la licence League of Legends. Quitte à s’inspirer d’Heroes of Warcraft jusque dans son univers, voilà Legends of Runeterra.
Quand on s’appelle Riot Games, on peut aisément profiter de sa notoriété pour développer un jeu de cartes qui est une première étape dans l’élargissement de la licence League of Legends.
J’ai envie de me moquer du jeu, mais j’ai beau essayer de faire preuve de mauvaise foi , je n’y arrive tout simplement pas. Soyons francs, le titre est léché et l’interface bien pensée, qu’on soit sur PC, tablette ou mobile (ma vieille Shield K1 tient encore le choc). Le titre fait de gros efforts pour introduire les néophytes au genre du JCC et toutes les infos sont claires ou accessibles en un ou deux clics.
De plus, l’univers de LoL qui est pourtant all over the place arrive à trouver une certaine cohérence avec des illustrations vraiment qualitatives, associées à des effets spéciaux qui ne sont pas fainéants pour un sou. Pour un gars qui a connu les tout premiers instants de League of Legends pendant ses années lycée, je vous jure que ça fait un choc. C’est toujours un ersatz de celui de Warcraft, mais je commence sincèrement à l’apprécier.
J’ai envie de me moquer du jeu, mais j’ai beau essayer de faire preuve de mauvaise foi , je n’y arrive tout simplement pas.
Au niveau de la présentation, Runeterra fait vraiment des efforts marquants, notamment via des lignes de dialogues diverses et non redondantes, avec même des interactions entre les créatures présentes sur le terrain ! Ça évite la routine et apporte une ambiance vraiment intéressante pour éviter la lassitude.
Why so Darius ?
On retrouve le principe des créatures à invoquer sur le plateau avec le duo dégâts/vie, mots clés et capacités spéciales, et des sorts aux effets simples ou complexes mais variés. À tour de rôle, les deux joueurs gagnent des points de ressources à dépenser pour jouer leurs cartes et le premier à réduire les points de vie de l’adversaire à zéro gagne la partie.
Tout en s’inspirant de la concurrence, Legends of Runeterra arrive tout de même à s’inventer une vision du game design au premier abord simple mais efficace. Soyons clairs, le titre de Riot Games n’invente vraiment rien, mais il manipule les codes du genre avec beaucoup soin, sans tomber dans les pièges habituels.
Le titre de Riot Games n’invente vraiment rien, mais il manipule les codes du genre avec beaucoup soin.
Finalement, le plus compliqué à appréhender (et expliquer, d’une certaine manière) dans Legends of Runterra est son système de round qui déroute un brin, mais qui rythme plutôt bien les parties, donnant surtout des occasions aux joueurs de se ressaisir d’un coup dur inopiné. Chaque joueur joue une seule carte à tour de rôle jusqu’à épuisement de la mana disponible, mais seul un des deux peut attaquer pendant le round, quand il le désire. Une fois le round terminé, le jeton passe à l’adversaire.
Même si le titre doit sans doute son existence à HearthStone, il y a tout de même une grosse influence de Magic: The Gathering. Les créatures sont engagées toutes en même temps pour attaquer les points de vie de l’adversaire (oui, le Nexus… boh) et son opposant peut choisir qui défendra contre qui. De nombreuses compétences et mots clés vont alors venir foutre un joyeux boxon dans le déroulé du combat, ayant souvent de jolies synergies avec les sorts.
Son système de round déroute un brin, mais rythme plutôt bien les parties.
En plus du système de round régit par les cartes, on est étonné de retrouver un système de sorts à plusieurs vitesses : certains nécessitent un tour pour être joués, d’autres peuvent être lancés en plein combat (jusqu’à former une pile d’attente avec ceux de l’adversaire) et d’autres sont tout simplement instantanés, histoire de créer de jolies stupeurs. L’autre bonne idée concernant les sorts et de créer une réserve pour leur utilisation si vous avez été économe le round précédent (dans l’incapacité de jouer des cartes, quoi).
Bien évidemment, les champions de League of Legends sont à l’honneur. Considérés comme des créatures standards au départ, les champions peuvent monter de niveau quand certaines conditions sont remplies, débloquant des mots clés et des effets souvent très puissants. Il n’est pas rare que les mécaniques d’un deck se reposent énormément sur un champion en particulier. Une partie se termine d’ailleurs assez rapidement une fois ce stade atteint, la première phase servant surtout à tenter de mettre en place sa stratégie finale.
Les champions peuvent monter de niveau quand certaines conditions sont remplies, ce qui débloque des mots clés et des effets souvent très puissants.
On est un peu dérouté lors des premières parties. Il arrive même régulièrement qu’on passe un tour par mégarde, alors que l’occasion d’attaquer était pour nous. À force de prêter attention aux différents indices donnés par le plateau qui se laisse dompter facilement, le tout s’enchaîne bien et reste fluide de façon surprenante, ce qui est toujours la hantise des jeux de cartes à tours imbriqués. Une partie dépasse d’ailleurs rarement les 8 minutes.
En lorgnant une fois de plus du côté de Magic, les différentes régions de Runeterra permettent de proposer des ambiances et des mécaniques qui leur sont propres. Les possibilités évidentes offertes par chaque région sont assez viables, mais c’est en associant les différents styles de jeu qu’il est possible de créer des decks vraiment intéressants (et partager son code à la manière d’Artifact). Bien sûr, il y aura toujours une meta à respecter à haut-niveau, mais dans l’ensemble, il y a de nombreuses synergies à découvrir.
“La banque gagne toujours”
Toujours dans les surprises agréables, le modèle économique de Legends of Runeterra n’est pas vraiment prédatrice. Riot avait mis cet aspect en avant lors de la présentation du jeu, mais il faut avouer que les nombreuses manières de débloquer des cartes sont tout sauf contraignantes. Pour commencer, le jeu ne propose même pas d’acheter des boosters de cartes, ce qui est assez cocasse pour un JCC !
Attention, il y a bel et bien des boosters, mais uniquement sous forme de récompenses en remplissant la progression d’une région choisie au préalable, ce qui permet au passage de choisir dans quel ensemble de cartes vous désirez taper en premier. Il est bien sûr possible de créer une carte que l’on désire précisément, et c’est là que Runeterra tire sa carte maîtresse : soit via un système de fragments générés par les doublons, ou soit via des jokers présents dans les boosters, qui peuvent être échangés contre n’importe quelle carte de même niveau de rareté dans la collection.
Le jeu ne propose même pas d’acheter des boosters de cartes, ce qui est assez cocasse pour un JCC !
Le truc, c’est que ces jokers peuvent être achetés directement contre de l’argent réel (pour un coût plutôt acceptable), ce qui a le potentiel de balayer complètement l’aspect aléatoire de la progression, déjà mise à mal par la présence même des jokers dans les boosters. Sans rire, ajoutez à ça d’énormes récompenses à récupérer tous les mardis et des Expéditions équivalent à l’Arène d’HearthStone mais en mieux pensé et plus juste, et vous pourrez compléter la collection en seulement quelques semaines.
Bien entendu, Legends of Runeterra est tout de même pensé pour que les joueurs crachent leur thune, mais ceux qui ne voudront pas attendre pour constituer le deck de leur rêve pourront se rabattre sur les options cosmétiques comme le dos des cartes, sa partie du plateau ou des emotes.
Engageant
Legends of Runeterra est déjà un excellent JCC : la réalisation est digne du studio, utilise intelligemment son matériau de base, se révèle être assez complet avec pas mal de subtilités qui lui sont propres, et avec un modèle économique plutôt sain par dessus le marché… ce qui est rare pour le genre. Si vous avez une bonne trouzaine d’extensions de retard sur HearthStone, Runeterra pourrait être l’alternative que vous attendiez.
Ce qu’on a aimé :
- Son modèle économique
- L’ambiance sur le plateau
- Des innovations intéressantes pour le genre
- De nombreux mots clés qui se complètent et se laissent dompter
- Un système de round particulier mais qui fonctionne
- Les didacticiels qui exposent bien les nombreuses mécaniques
Ce qu’on n’a pas aimé :
- L’interface de création de deck
- Les premières parties sont assez douloureuses à assimiler
- Beaucoup trop de decks de débutants croisés dans les parties normales
- Avoir plusieurs exemplaires d’un champion demande un gros investissement
Ce jeu est fait pour vous si :
Vous aimez les jeux de cartes à collectionner et que vous voulez changer de crèmerie.
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous avez claqué 80€ de boosters dans HearthStone lors du lancement de la dernière extension.
Configuration de test :
- Un PC
- Une tablette NVIDIA Shield K1
- Un Samsung Galaxy S7 Edge
Legends of Runeterra est disponible sur PC, Android et iOS.