Lors de son annonce à l’E3 2019, l’initiative Marvel’s Avengers développée par Crystal Dynamics et commandée par Square Enic n’était pas très claire. Maintenant qu’on en a fait le tour, on a l’impression que c’est une belle opportunité ratée.
“Appelez l’équipe B !”
5 ans de développement pour Marvel’s Avengers, ça laisse des traces.
Il aura fallu plusieurs émissions organisées par Square Enix pour comprendre où le titre voulait emmener les fans des Avengers. Parce que le problème premier du titre de Crystal Dynamics, il est là : il ne sait pas où concentrer son attention à force de vouloir faire plein de choses.
On sent que le projet a contenu de nombreux remaniements pendant sa gestation, et que ça soit pour sa campagne solo ou sa partie en ligne, il y a un potentiel certain qui n’est pas atteint. Et c’est franchement dommage, parce que si j’étais réticent sur plein de choses, à commencer par le buzzword jeu-service, il y a des choses très chouettes qui subsistent dans ce foutoir.
On va y aller par étape.
Hulk Smash Bros.
Crystal Dynamics n’avait pas menti : chaque héros propose un gameplay qui lui est propre, tout en gardant une cohérence globale assez intéressante de mécaniques qu’on retrouve chez les uns et les autres sans que cela choque. Iron Man et Thor peuvent bien évidemment voler à volonté, bien que cet aspect pas mal sous-exploité (non, Marvel’s Avengers, ce n’est pas en augmentant le FOV que tu vas fais croire qu’on va vite).
Via des compétences qui se débloquent au fur et à mesure de la progression, les combos possibles se diversifient et les impacts sur le combat se multiplient. J’oserais presque dire qu’il y a un petit côté free-flow à la Batman Arkham, mais quand ça fonctionne, bon sang ça fonctionne. C’est surtout l’utilisation de la barre d’énergie de chaque personnage qui est intéressant, comme un état invincible pour Hulk, un multiplicateur de dégât pour Black Widow, ou une réserve pour les attaques plus puissantes d’Iron Man, capable de changer d’armement à distance selon la situation.
Chaque héros propose un gameplay qui lui est propre, tout en gardant une cohérence globale assez intéressante.
On s’amuse à maîtriser le personnage et à trouver quelques tactiques efficaces selon les situations, mais dès que les ennemis de classe supérieure sont un peu trop nombreux dans l’arène, les combats deviennent extrêmement brouillons, ce qui est un problème à la fois pour la lisibilité et la clarté du gameplay. Il arrive régulièrement qu’on se fasse bolosser sans aucun répit ou chance de riposter, parce qu’il y en a absolument dans tous les sens.
Et encore, c’est sans aborder l’aspect sac à PV qui oblige le joueur à rester à jour au niveau de son équipement, où le moindre écart de niveau se transforme en véritable enfer, rallongeant de façon exponentielle le temps qu’il faut pour vaincre un ennemi, tout en raccourcissant son espérance de vie. Malgré des talents et des statistiques qui poussent le joueur à se spécialiser, tout cela ne sert pas à grand-chose, car le bourrinage fonctionne la plupart du temps, même à haut niveau. Bon point cependant, le loot trouvé sur le terrain ne concerne que le héros actuellement joué.
Il arrive régulièrement qu’on se fasse bolosser sans aucun répit ou chance de riposter, parce qu’il y en a absolument dans tous les sens.
Là, on parlera sûrement de goût, mais Marvel’s Avengers est un autre exemple qui a tendance à prouver qu’il est très difficile d’allier un jeu purement action dans son gameplay avec mécaniques de progression pensées pour le seul besoin de la rétention. On fait évoluer son équipement de façon machinale, jusqu’à devenir une corvée obligatoire entre deux missions. D’habitude, je trouverais très bien le fait que l’équipement n’empiète pas sur l’allure d’un héros, mais ça n’aide clairement pas l’envie d’aller chercher du meilleur matos.
Encore une fois, il y a de bonnes idées, comme le système d’exécution avec ses coéquipiers qui ajoutent vraiment du plaisir de jeu au spectacle, la sensation de voir les Avengers travailler de concert pourrait toucher n’importe quel fan de Stan Lee, mais les problèmes de jouabilité en combat transforment souvent les rêves de super-héroïsme en cauchemar. Sans parler de la caméra qui en fait des tonnes et du magnétisme qui vous fera souvent taper la mauvaise cible.
Géantification
Pourtant, le premier contact avec Marvel’s Avengers était encourageant… malgré sa direction artistique (trop) lourdement inspirée du MCU. Crystal Dynamics a su s’entourer d’acteurs dans le milieu du jeu vidéo pour incarner les Super Friends (c’est vraiment l’ambiance que propose cette nouvelle interprétation de l’univers Marvel), mais on ne peut s’empêcher — pendant un temps — de n’y voir qu’une équipe de cosplayers qui essaient d’imiter Chris Evans ou Robert Dawney Jr. Heureusement, le titre transpire d’amour pour l’univers Marvel qui feront plaisir aux connoisseurs, mais il y a trop de trucs empruntés aux films pour que le jeu se dégage une réelle personnalité. Même les attaques spéciales et la façon de se mouvoir des héros proviennent du MCU !
Marvel’s Avengers a toutefois une arme secrète : Kamala Khan. Grande fan des Avengers depuis toute petite, Kamala a subi une mutation lors du A-Day, la catastrophe qui a provoqué la séparation des Avengers. Des années plus tard, elle découvre d’elle-même l’origine de l’incident qui remet beaucoup de choses, y compris l’autorité de l’AIM, une organisation qui vise à maintenir les Inhumains en détention.
On ne peut s’empêcher — pendant un temps — de n’y voir qu’une équipe de cosplayers qui essaient d’imiter Chris Evans ou Robert Dawney Jr.
C’est le cliché de l’ado qui sera chargée de réunir la vieille bande en froid est là, mais ça fonctionne plutôt bien, car le studio responsable du reboot de Tomb Rider a tout de même pris le temps de penser à la dynamique des personnages et proposer des nuances bienvenues par rapport aux films. Si de nombreux aspects techniques sont ratés dans le feu de l’action, les scènes cinématiques performance capturées sont d’excellente qualité et vraiment engageantes. C’est déjà ça.
C’est là qu’on sent réellement qu’il y a eu une dissonance entre l’équipe créative et Square Enix qui voulait son gros GaaS à lui, car la campagne est vachement chouette et se donne les moyens d’offrir quelques moments sympas, comme Iron Man qui se construit une armure de fortune dans le feu de l’action ou Kamala Khan traquée par les troupes de l’AIM. Mais dès qu’il s’agit de faire du remplissage, on se prend tous les défauts du reste du jeu dans la tronche : des environnements et des objectifs recyclés ad vitam nauseam.
Marvel’s Avengers a toutefois une arme secrète : Kamala Khan.
Malgré un final assez satisfaisant, les ambitions narratives s’estompent très rapidement, avec des soucis qui s’apparentent parfois à du gâchis. Il y a des sets-up qui n’ont pas de pay off, des événements qui s’écrasent comme un Leviathan Chitauri dans une avenue de New York, et c’est la pauvre Kamala qui en souffre la première. Dommage, parce que le personnage de Ms. Marvel méritait un peu mieux que ça. Oh, et puis… ces cinématiques qui se mettent pause si on ne presse pas le bouton du QTE sont assez tordantes. Du jeu vidéo moderne dans toute sa splendeur.
Tout ça pour quoi ? Faire des missions qui n’ont pas de sens, tabasser toujours les 4 mêmes boss en boucle dans des combats toujours plus brouillons, et du loot qui n’inspire rien. Il y a bien les missions emblématiques liées aux héros et les séries de missions qui apportent un brin de scénario en plus, mais rien ne les différencie dans leur structure d’une mission bateau : des zones à capturer beaucoup trop petites, des trucs à détruire, toujours les mêmes vagues d’ennemis à éliminer, etc.
Les ambitions narratives s’estompent très rapidement, avec des soucis qui s’apparentent parfois à du gâchis.
L’Initiative Avengers et sa fausse profondeur de progression se donne pourtant du mal pour vous garder scotcher : les personnages sont long à monter au niveau maximum, des missions journalières qu’on remplit sans même y réfléchir, des jauges de réputation sans aucun intérêt et pas moins de 15 personnages sont déjà programmés (de ce qu’on comprend du datamining du jeu).
Plus vous restez jouer à Marvel’s Avengers, plus serez exposés aux microtransactions proposés. Certes, il ne s’agit que d’éléments cosmétiques et le Battle Pass des 6 premiers héros sont offerts, mais leur avancement est bloqué derrière un timegate quotidien, régulant de façon planifiée votre envie de débloquer ce beau costard pour Hulk.
Pas Excelsior
Maintenant, il faut aborder les sujets qui fâchent. Vraiment.
J’ai évité d’en parler jusque là, mais Marvel’s Avengers est criblé par des problèmes techniques en tout genre : crashes sur consoles, framerate au ras des pâquerettes sur ma PS4 Pro en mode “performance” quand l’action s’emballe (je n’ose imaginer sur une fat), bugs d’affichage, bugs de collision, bugs de script, des personnages invisibles, un moteur sonore qui boucle, de trop nombreux sous-titres mal synchronisés avec l’audiodescription, même quand cette dernière est désactivée, etc, et cetera, ET CETERA. Ma console faisait autant de bruit qu’un héliporteur du SHIELD pendant toutes mes sessions de jeu.
Mon problème récurrent préféré, c’est quand Iron Man invoque le Hulkbuster : Tony Stark pose un genou à terre, le cercle de matérialisation apparaît et reste planté là, comme un con, plusieurs secondes… le temps que la console charge le modèle de la gigantesque armure. Véridique, ce problème n’est absolument pas présent dans la version PC (pas sans problèmes), ce qui prouve que les jeux cross-gen sont vraiment une catastrophe pour ceux qui aimeraient profiter à fond de leur jeu sur la génération actuelle. Patch Day One ou pas. Patch Day +10 non plus.
Marvel’s Avengers est criblé par des problèmes techniques en tout genre.
Je dramatise peut-être, mais il me semble qu’il n’y a pas une seule mission que j’ai terminée sans avoir rencontré un des problèmes techniques cités plus haut, et pas toujours liés au manque de puissance des consoles actuelles. Mais les plus rageants, c’est vraiment celles qui softlock le jeu, comme un ennemi encore vivant qui bloque la progression, balancée à travers un mur infranchissable, obligeant à relancer un combat déjà bien long… ou carrément la dernière action d’une mission qui fait planter le script, obligeant à relancer TOUTE la mission.
Soyons clairs, j’ai une dent contre Marvel’s Avengers, et je ne vais même pas aborder les problèmes de matchmaking et les IA, sinon je vais irradier de rayons Gamma.
“Avengers, ramassez les morceaux”
Marvel’s Avengers avait tous les arguments pour être un chouette jeu de superhéros à faire avec les copains, mais les soucis visuels, de game design et techniques sont tellement nombreux que le titre est difficilement recommandable. L’histoire de Kamala Khan est la petite surprise qui ne laisse pas indifférent, mais qui n’atteint pas son plein potentiel par l’envie de Square Enix de rentabiliser le bousin sur des années via des mécaniques de rétention sans aucun intérêt. Ah si, vendre des skins. Là-dessus, il n’y a pas de soucis.
Ce qu’on a aimé :
- Kamala Khan
- Une campagne solo avec des moments forts…
- Cinématiques vraiment jolies
- Des héros aux gameplays bien distincts
- Il y a quand même de la profondeur dans ces combats
Ce qu’on n’a pas aimé :
- … mais qui n’atteint pas son potentiel
- Souvent illisible et confus
- Contenu qui tourne en rond bien trop rapidement
- Système de loot sans réel intérêt
- IA alliée trop peu dégourdie
- Objectifs bateaux et ennuyeux
- Soucis techniques en veux-tu, en voilà
- Temps de chargement vraiment longs
Ce jeu est fait pour vous si :
Vous rêvez d’intégrer les Avengers ; vous n’êtes clairement pas difficile en matière de jeu vidéo.
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous trouvez les jeux-service ronflants ; vous ne supportez pas les bugs bloquants.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- PS4 Pro en alternant mode “4K” et “performance”
Marvel’s Avengers est disponible sur PC, Xbox One et PlayStation 4, et bientôt sur Xbox Series S/X et PlayStation 5.