C’était inespéré, mais presque 20 ans après le dernier épisode canon de la série, Prime et Other M étant perçus comme des aventures parallèles, la saga Metroid revient enfin sur le devant de la scène avec Metroid Dread : une belle conclusion à un arc narratif qui a débuté il y a maintenant 35 ans sur NES.
T’as Dread ça
Après Metroid: Samus Returns paru en 2017 sur 3DS, remake de Metroid II: Return of Samus, MercurySteam a reçu la lourde tâche de créer une véritable suite à la franchise. Même si les Metroid ne sont clairement pas les jeux les plus vendus de l’univers Nintendo, la charge sur les épaules du petit studio espagnol semble énorme, tant la série a influencé l’industrie du jeu vidéo. Vous saviez que le genre du metroidvania est désigné par un mot-valise constitué par “Metroid” et “Castlevania” ? Oui ? Ah…
Du coup, comment continuer à revendiquer son statut de série précurseur quand tout semble avoir été dit sur le genre, notamment avec des jeux récents comme Hollow Knight ou Axiom Verge, nouveaux mètres-étalons des metroidvania ? En poussant les potards jusqu’à 11, en n’ayant pas peur de bousculer les joueurs et avec quelques twists à la formule originale.
E.M.M.I is away
Alors que l’espèce est sensée être éteinte après les événements de Metroid Fusion, le parasite X semble avoir survécu, et des traces ont été retrouvées sur la planète ZDR. Les E.M.M.I de la Fédération galactique, de super robots de reconnaissance, partis enquêter ont malheureusement rompu tout contact… ce qui n’est pas très engageant.
Une fois de plus, la Fédération galactique fait alors appel aux services de Samus Aran, la plus grande chasseuse de prime de la galaxie. Étant le seul être existant à être immunisé au terrible parasite qui est au centre de l’intrigue de la saga Metroid, Samus est dépêchée sur place pour découvrir ce qu’il se passe réellement.
Sans trop spoiler, ZDR s’avère être en réalité un piège géant pour Samus qui perd, encore une fois, toutes ses capacités au début de l’aventure. Le sous-titre “Dread” n’est pas choisi au hasard, puisque Yoshio Sakamoto a pour ambition depuis longtemps de proposer un opus Metroid axé sur la tension. M’enfin, encore plus que d’habitude.
Une fois de plus livrée à elle-même, et contrairement à l’habitude, Samus ne pourra pas s’en sortir en blastant tout sur son passage, car les invincibles E.M.M.I ont été piratés et reprogrammés pour la traquer et la capturer. Un contact avec les robots de la Fédération et c’est un Game Over (quasi)assuré.
Les invincibles E.M.M.I ont été piratés et reprogrammés pour traquer et la capturer Samus.
Si le principe d’ajouter des éléments d’infiltration et d’évitement est plutôt original pour un Metroid, il faut avouer que le résultat est… mi-figue mi-raisin.
Il existe quelques mécaniques pour éviter les robots et manipuler leur comportement, comme un camouflage optique, mais on arrête tout simplement d’essayer quand il nous rentre dedans pour la énième fois, trop souvent pas accident. Mais les moments les plus agaçants surviennent surtout dans des contextes où l’on se rend compte que l’on est dans l’incapacité de réagir… ce qui est bien trop récurrent pour être une phase de jeu équilibrée.
On arrête tout simplement d’essayer quand l’E.M.M.I nous rentre dedans pour la énième fois, trop souvent pas accident.
C’est vraiment dommage, parce qu’il se passe vraiment quelque chose quand on se prend au jeu du chat et de la souris, notamment grâce à un système plutôt malin de la “dernière chance” qui a le potentiel d’actionner de jolis ascenseurs émotionnels. Mais comme on finit par se faire coincer en boucle pour des raisons vraiment idiotes, la tension de la poursuite se transforme en simple fatalité, où l’on finira par lâcher des “pff, fais chier”.
Heureusement, l’atmosphère et l’ambiance sont au beau fixe dans les installations scientifiques de la planète ZDR. Quelques (quoique rares) animations d’arrière plan donnent un peu de profondeur à des décors malheureusement peu variés, mais certaines phases contribuent bien à la sensation de solitude et de claustrophobie chères à la licence.
Certaines phases contribuent bien à la sensation de solitude et de claustrophobie chères à la licence.
Toutefois, il est curieux de voir que Metroid Dread n’exploite pas davantage de zones plongées dans l’obscurité de façon criminelle. Quelques salles privées d’éclairage offrent une singulière sensation d’angoisse, tandis qu’on se réfère aux bandes lumineuses de la combinaison de Samus pour la repérer dans le décor. D’autant que le jeu se révèle être assez coloré, ce qui confirme que Metroid Dread était un titre idéal pour accompagner la sortie du dernier modèle de Switch et son écran OLED.
Ce n’est pas le Métroïde que vous cherchez
Je regrette vraiment que les rencontres avec les différents E.M.M.I soient plus frustrantes qu’engageantes, parce qu’avec Dread, jamais le gameplay d’un Metroid n’a jamais été aussi fluide et ciselé. MercurySteam met complètement à profit les expériences réalisées avec Samus Returns et réutilise certaines mécaniques de l’opus 3DS comme la visée libre et le contre au corps-à-corps qui permet de se débarrasser rapidement d’ennemis.
Tout au long de l’aventure, les mécaniques de déplacement ne cessent de s’enrichir et de se complexifier, au point de s’y perdre peut-être un peu trop dans les nombreux boutons. Mais maîtriser le panel de mouvements de Samus est une vraie récompense en soi. Certaines énigmes pour récupérer les bonus secrets demandent même une certaine créativité et une sacrée dose de sang froid. J’avais parfois même l’impression de répéter un combo de jeu de baston.
Tout au long de l’aventure, les mécaniques de déplacement ne cessent de s’enrichir et de se complexifier, au point de s’y perdre peut-être un peu trop dans les nombreux boutons.
Metroid Dread peaufine alors à l’extrême le gameplay signature de la série, bien qu’il se repose un peu trop sur un pool de capacités que l’on connaît déjà par cœur depuis plus de 30 ans. M’enfin, le souci que j’ai personnellement avec Dread c’est que, malgré un level design magistral, certaines capacités ne servent qu’à une ou deux reprises, afin de débloquer la progression immédiatement après obtention. Certaines vont même jusqu’à éclipser toutes les autres.
C’est d’ailleurs le point qui risque de diviser les fans : Metroid Dread est pensé pour être une gigantesque fuite en avant, et bien que Samus fasse de nombreux allers-retours dans les différentes régions de la planète ZDR, l’aventure est terriblement linéaire, comme Metroid Fusion a pu l’être avant lui.
Bien que Samus fasse de nombreux allers-retours dans les différentes régions de la planète ZDR, l’aventure est terriblement linéaire.
Ces allers-retours sont en réalité une illusion, car le fil conducteur n’est jamais très loin de la dernière salle débloquée. On comprend souvent qu’après coup que l’on vient de boucler sur une zone déjà visitée, mais en dehors de quelques rares occasions, les opportunités d’exploration sont en réalité terriblement limitée.
Paradoxalement, c’est très organique, et on se croit toujours ultra malin, car on avance rapidement et sans accrocs, mais le titre peut se révéler un peu déprimant quand on finit par se rendre compte de la supercherie. M’enfin, il faut avouer que c’est assez fort de proposer des régions aussi grandes, tout en réussissant à guider le joueur dans la bonne direction sans user d’indications grossières qui aurait été présentes dans n’importe quel autre jeu.
Il faut avouer que c’est assez fort de proposer des régions aussi grandes, tout en réussissant à guider le joueur dans la bonne direction sans user d’indications grossières.
C’est dommage pour un titre dont la série donnée son patronyme à un genre tout entier, mais une fois qu’on a compris l’expérience proposée par Dread, on finit par accepter et trouver des qualités là où on en attendait pas. En tout cas, malgré les choses que je peux reprocher à Metroid Dread, on ne s’ennuie pas une seule seconde pendant la dizaine d’heures que dure l’aventure.
En revanche, un petit conseil : tentez de faire Metroid Dread d’une traite. La moindre pause — même de quelques jours — risque de vous faire perdre le fil, et vous voilà en train d’errer à travers les régions de ZDR pendant quelque temps avant de comprendre où continuer votre progression. Voilà une occasion que j’ai trouvée pour dire que la carte n’est pas ouf de lisibilité non plus.
DOOMetroid
On ne va pas se lancer dans un débat sur la difficulté dans les jeux Nintendo, mais pour un titre first-party de 2021 qui sort sur Switch, Metroid Dread est… assez dur. Je ne parle pas d’une difficulté à la carte réservée généralement aux joueurs qui souhaitent terminer leurs jeux à 100%, mais bien du jeu dans son ensemble.
Pour un titre first-party de 2021 qui sort sur Switch, Metroid Dread est… assez dur.
Il n’y a rien d’insurmontable, loin de là, mais on sent que le titre s’adresse limite à une niche de joueurs qui se sont entamés les empreintes digitales sur les croix directionnelles d’une SNES ou d’une GBA, et c’est très bien ainsi. Metroid Dread n’hésite pas à bousculer les joueurs dans des phases de jeu pointu, survolés par des combats de boss dantesques.
On meurt beaucoup avant de comprendre ses différents patterns, mais la défaite d’un boss survient toujours pile au moment où on maîtrise la rencontre sur le bout des doigts. C’est très satisfaisait, surtout que le système de contre permet de proposer une mise en scène semi-interactive qui garde le joueur dans l’action tout en proposant un sacré spectacle… d’autant qu’il existe parfois plusieurs façons d’arracher la victoire, mais chut : ça serait spoiler.
La défaite d’un boss survient toujours pile au moment où on maîtrise la rencontre sur le bout des doigts. C’est très satisfaisait.
Certes, Dread recycle peut-être un peu trop ses sous-boss pour donner la sensation artificielle d’être retors, mais quasiment toutes les rencontres spéciales se révèlent un minimum engageant, et ce jusqu’à la fin. Et si vous en redemandez encore, vous pourrez toujours revivre l’aventure en mode difficile.
Mais s’il y a un truc qui m’a agréablement surpris en progressant dans Metroid Dread, c’est de voir à quel point la narration, pourtant minimaliste, arrive à iconiser Samus Aran. Grâce à la prise en main nerveuse, la “meilleure chasseuse de prime de la galaxie” n’a jamais été aussi agile et puissante, pour ainsi dire, badass.
C’est agréable de voir à quel point la narration, pourtant minimaliste, arrive à iconiser Samus Aran.
Alors que le malaimé Other M a peut-être eu le tort de donner un peu trop de caractérisation à Samus , Metroid Dread réintroduit la chasseuse de prime comme une guerrière compétente et imperturbable, mais pas dénuée d’émotions pour autant. Son expressivité passe par un langage corporel assez subtil, servi pas de très belles animations soignées. C’est bien plus efficace que n’importe quel dialogue mal écrit.
C’est surtout flagrant dans les fameuses mises en scène contre les boss, où Samus se permet même de se la péter un peu. On serait tenté de croire que Metroid Dread tire sur la corde du “silent protagonist”, mais c’est une tromperie très bien dosée qui donne une épaisseur au caractère de Samus là on ne l’attend pas (pourquoi ai-je envie de citer le DOOM Slayer, d’un coup ?).
On serait tenté de croire que Metroid Dread tire sur la corde du “silent protagonist”, mais c’est une tromperie très bien dosée qui donne une épaisseur au caractère de Samus là on ne l’attend pas.
On peut reprocher quelques trucs, comme la voix robotique étrange d’Adam (et son habitude de nous expliquer ce qu’on savait déjà), mais l’approche très focalisée et sans fioriture de la narration rend la conclusion de la saga Metroid, débutée il y a maintenant 35 ans, assez marquante.
Les actions de Samus ont bien plus d’importance que les mots, et MercurySteam a très bien réussi à rendre honneur à l’une des icônes féminines les plus importantes du Jeu vidéo, et sans la moindre faute de goût. Après une telle aventure, il est maintenant clair que la galaxie aura toujours besoin de Samus Aran.
“See you next mission !”
Metroid Dread ne réussit pas tout ce qu’il entreprend, mais ce qu’il fait, il le fait bien. Très bien, même. Il faudra encore un peu de recul pour savoir si ce nouvel opus rend justice à une série culte pourtant bien trop méconnue du grand public, mais s’il est curieux, il découvrira un jeu très prenant, mais qui n’a pas peur d’être exigeant. Il est dommage que le titre de MercurySteam évite de revendiquer son héritage de créateur d’un genre qui a encore des échos aujourd’hui, mais l’aventure proposée offre de grands moments et confirme Samus Aran comme une des figures les plus importantes du jeu vidéo.
Ce qu’on a aimé :
- C’est beau et c’est fluide
- Prise en main nerveuse, mais précise
- Combats de boss impressionnants
- Vraiment pas simple
- Rythme qui ne donne pas le temps de s’ennuyer
- Le portrait de Samus Aran
- Un level design d’orfèvre…
Ce qu’on n’a pas aimé :
- … mais qui n’est pas taillée pour l’exploration
- Rencontres avec les E.M.M.I. plus frustrants qu’intéressants
- Carte vraiment pas pratique
- Quelques combats copiés/collés
- Environnements qui manquent de personnalité
- Compositions musicales peu inspirées
Ce jeu est fait pour vous si :
Vous étiez désespéré de jouer à un nouveau Metroid 2D depuis Fusion ; vous rêviez d’une occasion pour découvrir la série sous sa forme classique.
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous avez aimé la narration outrancière de Other M.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- Nintendo Switch — modèle OLED fourni par Nintendo
Metroid Dread est disponible sur Nintendo Switch.