Moonlighter, jeu indépendant créé par Digital Sun, nous place dans la peau d’un marchand en mal d’aventures. Le résultat est positif, mais pas exempt de défauts.
Une boutique, quatre donjons, des milliers de pièces d’or
Moonlighter prend place dans le village de Rynoka. Autrefois, la bourgade vivait de la collaboration entre aventuriers, qui se rendaient dans les donjons non loin en quête de gloire, et marchands, qui profitaient économiquement de cette situation. Seulement, après de nombreuses années, les excavations ont perdu leur attrait, le village a petit à petit été déserté, et les donjons, fermés.
Un beau jour, Will, un modeste marchand qui a hérité de la boutique de ses parents, a décidé que tout allait changer. Avec son épée, son bouclier, son gros sac à dos et sa soif d’aventure, il s’est mis en route pour les donjons avec la ferme intention de percer leur mystère et de retrouver la trace de son père.
Ainsi commence l’histoire. Elle est plutôt basique, mais elle évolue tranquillement au fil des donjons, sans jamais interrompre le gameplay.
[L’histoire] est plutôt basique, mais elle évolue tranquillement au fil des donjons, sans jamais interrompre le gameplay.
L’univers est épuré et plutôt coloré. L’identité graphique du jeu n’est pas éblouissante, mais les graphismes font bien leur travail, et ils sont clairs et lisibles en toutes circonstances.
Le gameplay de Moonlighter se divise en deux parties distinctes. La nuit, Will revêt son costume d’aventurier, tandis que le jour, il enfile son tablier de marchand.
Chasseur la nuit, chasseur pour la vie
Ainsi, à la tombée de la nuit, vous quitterez le village endormi et vous retrouverez les fameux donjons, détenteurs de mille secrets et d’autant plus de trésors.
L’exploration se passe ainsi : chaque donjon est divisé en trois zones générées aléatoirement, qui abritent des monstres de plus en plus puissants. Après ces trois zones se trouve un boss. Terrassez-le, et vous accéderez au donjon suivant. Plutôt simple, non ?
Si l’on explore les donjons, c’est à la fois pour récupérer des objets à vendre dans la boutique et pour collecter les ressources nécessaires à la construction et à l’amélioration de nos équipements. Le jeu propose de nombreuses armes de corps-à-corps et une arme à distance : l’arc.
C’est facile de faire un jeu difficile
Il existe trois niveaux de difficulté, et j’ai laissé le mode “difficile” (qui correspond en fait au mode intermédiaire) pour mon aventure.
La courbe de difficulté fait de petits bonds à mesure que l’on progresse dans le jeu, jusqu’à ce que l’on arrive dans une zone un peu trop dure pour être explorée tranquillement. C’est dans cette zone que l’on peut récolter les objets nécessaires à l’amélioration de nos équipements, qui simplifieront les combats, etc. Amateurs de rogue-lite, vous ne serez probablement pas ravis de cette progression qui dépend donc lourdement de votre équipement. Moonlighter s’apparente bien plus au jeu d’aventure.
Amateurs de rogue-lite, vous ne serez probablement pas ravis de cette progression qui dépend donc lourdement de votre équipement. Moonlighter s’apparente bien plus au jeu d’aventure.
Quoi qu’il en soit, sur le papier, ce cycle peut sembler idéal. Le bémol, c’est que la difficulté des combats n’est pas intelligente.
En effet, le jeu vous force à utiliser l’arc. Ce dernier se différencie radicalement des armes de corps à corps car il rend 90 % des monstres du jeu inutiles. En règle générale, le gameplay à l’arc est ridiculement facile et rébarbatif. On appuie sur A jusqu’à ce que la salle soit vide. Et si un ennemi se trouve derrière un mur, on dispose même d’une flèche perce-muraille (et à tête chercheuse) qui ira embrocher les fuyards jusque dans les moindres recoins.
Le gameplay à l’arc est ridiculement facile et rébarbatif.
On peut choisir de rehausser la difficulté en n’utilisant que des armes au corps à corps… mais certains ennemis sont fastidieux à affronter (à moins d’avoir un équipement aux petits oignons), et dans un jeu qui punit la moindre erreur, on préférera jouer la carte de la sûreté (l’arc).
Backpack Simulator 2019
N’oublions pas que l’intérêt du jeu est de ramener le butin à la maison. Et si le sac à dos est très volumineux, vous serez soumis à quelques contraintes, pour le meilleur comme pour le pire.
Tout d’abord, si l’on mord la poussière en donjon, seuls les cinq objets en haut du sac à dos seront conservés. C’est une punition plutôt juste, voire un peu faible, mais qui impose malgré tout la prudence lorsque nos points de vie commencent à baisser. Parfois, vouloir nettoyer une salle de plus peut s’avérer désastreux…
Ce qui est ennuyeux, c’est que certains objets disposent de bonus ou malus d’inventaire. Certains ne pourront être placés qu’en haut ou en bas de votre sac, tandis que d’autres se briseront si vous essuyez trop d’attaques ennemies ; mais certains pourront également annuler le malus d’un objet adjacent… Ce système vous force à réfléchir à la manière dont vous disposez les objets dans votre sac ; il cassera souvent le rythme de l’exploration. Jamais pour très longtemps, mais on se dit qu’on aurait préféré explorer davantage plutôt que de passer deux minutes à jouer à Tetris dans votre inventaire.
On aurait préféré explorer davantage plutôt que de passer deux minutes à jouer à Tetris dans votre inventaire.
Cette mécanique ajoute une dimension de gestion supplémentaire à l’exploration, mais elle aurait pu être bien plus intéressante si le jeu ne se mettait pas en pause dans l’inventaire. Imaginez : vous êtes face à deux objets, une arme puissante et un parchemin à la valeur inestimable. Choix cornélien, car il ne reste qu’une place dans votre inventaire, et l’aiguille tourne…
Get out of my dungeon!
Car oui, le temps a son importance en donjon. Si vous restez trop longtemps dans la même zone, un monstre visqueux et tentaculaire va débarquer et vous traquer (aussi vite qu’il le peut) pour vous virer du donjon.
Il y a de l’idée, mais dans les faits, le monstre géant n’impose pas réellement le respect. D’une part, il est lent. Très lent. D’autre part, si vous changez de salle, il disparaîtra temporairement, vous laissant facilement le temps de prendre la fuite.
Mais surtout, même si vous ne vous pressez pas dans votre exploration, il faut vraiment le faire exprès ou poser votre manette pendant plusieurs minutes pour qu’il apparaisse. C’est pourquoi laisser le chronomètre tourner dans l’inventaire aurait pu s’avérer judicieux.
Quand est-ce que tu dors, Will ?
Une fois sorti du donjon, vous retournerez à Rynoka, où vous pourrez vivre votre vie d’honnête villageois capitaliste.
Vendez votre âme
La première chose que vous remarquerez : vous ne connaissez pas le prix de vente de vos objets. Il vous faudra donc expérimenter avec chacun d’entre eux.
Pour comparer : Recettear, jeu du même acabit, vous donnait dès le départ le prix de base de chaque objet, qu’il fallait moduler en fonction des clients. Ce fonctionnement vous force à vous souvenir des différents personnages et de leurs portes-monnaies respectifs.
Dans Moonlighter, tous les personnages achèteront tous vos objets au même prix. Ainsi, dès que vous avez trouvé le prix parfait, vous n’avez qu’à le poser sur votre étale, et vous pouvez estimer qu’il est vendu.
Tous les personnages achèteront tous vos objets au même prix.
Des acheteurs spéciaux et autres voleurs viendront briser la monotonie de votre longue journée de vente. Certains villageois vous demanderont également de remplir des quêtes assez basiques.
Le principal problème, c’est qu’on a plus l’impression de tenir une épicerie qu’une boutique pour aventuriers : on vend de vieux parchemins, des accumulateurs électriques et des paniers de fruits. Une fois de temps en temps, un héros rentrera et voudra acheter un équipement. L’intérêt est limité puisque les armes et armures coûtent moins cher que leurs ingrédients respectifs.
On a plus l’impression de tenir une épicerie qu’une boutique pour aventuriers.
Lorsque vous aurez suffisamment amélioré votre magasin, un PNJ vous proposera de tenir la boutique à notre place durant la journée, vous permettant de vaquer à nos occupations (les donjons). On y perdra beaucoup d’argent, mais on s’épargnera la répétitivité de la boutique, et ça, ça n’a pas de prix.
Rynoka, startup nation
Avec votre argent durement gagné, vous pourrez développer le village de Rynoka. Il s’agira de payer des personnages pour qu’ils s’installent et proposent leurs services près de chez vous.
Ils apportent un peu de diversité et de vie dans ce village, qui ne sert finalement que d’étape avant votre prochaine expédition.
Loot. Sell. Upgrade. Repeat.
On se retrouve vite pris dans la boucle du gameplay, entre nos nuits aux donjons et nos journées à la boutique. Jusqu’à ce qu’on arrive à la fin du jeu. Car oui, une fois l’aventure terminée, il n’y a plus grand intérêt à continuer. Si Moonlighter est officiellement sorti, il est loin de son apogée : les développeurs travaillent encore sur le jeu, et, avec l’aide de la communauté, ils éradiquent les bugs, les uns après les autres.
Ainsi, Moonlighter propose une expérience agréable, avec un contenu solide porté par une identité artistique soignée aussi bien visuellement que musicalement. Le tableau est seulement tâché de quelques points noirs. Attendre quelques mois pourra vous garantir une expérience plus riche en contenu et avec peu de bugs, mais les fondements du gameplay resteront probablement les mêmes, et les mécaniques de vente resteront obscures, de même que l’arc restera complètement craqué.
► Points forts
- Graphismes et bande sonore très plaisants
- Ergonomie des menus aux petits oignons
- Contenu solide et bien réparti, qui sera enrichi dans le futur par les développeurs actifs
► Points faibles
- Gameplay des combats peu travaillé
- Déséquilibre aberrant entre l’arc et les autres armes
- Système de ventes flou et ennuyeux
- Améliorations de la ville qui apportent peu
- Absence de post-game
Testé sur PC. WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse offerte par l’éditeur de ce jeu.
Moonlighter est sorti sur PC, Xbox One et PS4, et sortira sur Nintendo Switch.
Petite déception indé de l’année sans pour autant être totalement à jeter. J’attend impatiemment des nouvelles de Potionomics à présent.