Mortal Kombat revient et fait une sacrée rétrospective sur son passé pour délivrer un 11e épisode plus que généreux et peaufiné comme il faut.
MORTAL KOOOMBAAAAAAT !
Mortal Kombat fête ses 27 ans. Bon, ce n’est pas un chiffre rond, mais Mortal Kombat 11 n’en est pas un non plus. Pourtant, NetherRealm Studios et le créateur mythique de la série, Ed Boon, ont décidé qu’il était temps de revisiter l’héritage de ce jeu de baston singulier pas vraiment comme les autres.
Depuis le pseudo reboot de la série avec le 9e épisode, Mortal Kombat s’est énormément éloigné de la catégorie “nanard” dans lequel il avait été jeté dans la tête de beaucoup de joueurs. On oserait même dire qu’il était enfin redevenu légitime dans la sphère des séries de jeux vidéo “cultes”. Mortal Kombat X ira enfoncer le clou avec une réalisation exemplaire (merci Injustice), avec un niveau de gore rarement égalé, et un gameplay qui s’est enfin affiné avec le temps, sans pour autant réussir à tutoyer les orteils des rois de la dose.
Du coup, on ne savait trop à quoi s’attendre avec ce Mortal Kombat 11. Sans révolutionner la formule, on est forcé de constater que l’équipe d’Ed Boon s’est surpassée.
Sans révolutionner la formule, on est forcé de constater que l’équipe d’Ed Boon s’est surpassée.
Doc Brown avait tout faux
Raiden est devenu nazi (voilà, ça, c’est dis). Plutôt que d’être le gentil protecteur du royaume Terre qui n’exige pas grand-chose, l’immortel a décidé de prendre le taureau par les cornes pour mieux les lui arracher. Il élimine alors le dieu ancien déchu, Shinnok, qui fait des misères à tout le monde depuis un moment déjà, et inverse le rapport des forces entre la Terre et le Nether.
Malheureusement, parce que l’univers Mortal Kombat est déjà assez inutilement bordélique comme ça, un acteur majeur sort de l’ombre et trouve que la situation ne lui convient guère : la gardienne du temps Kronika. Cette dernière estime que l’action de Raiden est une anomalie dans le continuum et fait la chose qu’un scénariste de jeu vidéo en panne d’inspiration aurait fait : un reboot.
Détruire et reconstruire le continuum… En voilà une idée bien débile qui ne sert qu’à assouvir le fan service, et j’avoue aimer ça : les protagonistes tels qu’ils étaient il y a 27 ans sont invoqués dans le présent, avec tous les personnages iconiques de la licence disparus depuis qui vont avec, le terrible Shao Khan en tête (ça fait vendre du DLC, il paraît).
Détruire et reconstruire le continuum… En voilà une idée bien débile qui ne sert qu’à assouvir le fan service, et j’avoue aimer ça.
On se retrouve alors avec un drôle de mélange entre les personnages tout droit débarqués des années 90 qui se battront régulièrement contre leur alter ego de la version moderne de Mortal Kombat. Oui, il y a deux Johnny Cage. Pourtant, le titre s’autorise à introduire quelques personnages inédits pour compléter un roster confortable de 25 personnages (avec Shao Kahn en DLC, évidemment).
Qu’on se le dise, le scénario n’a ni queue ni tête. Du paradoxe temporel, en veux-tu, en voilà, et quelques incohérences sont à signaler. Mais bon, à ce niveau-là, on estime que c’est un foutoir scénaristique totalement assumé par Ed Boon et qui ne sert qu’à plaire aux fans. Sérieusement, pourquoi s’en priver ? C’est aussi un moyen cheap mais efficace pour faire bond en arrière dans la chronologie de la série.
Le scénario n’a ni queue ni tête, mais bon, à ce niveau-là, on estime que c’est un foutoir scénaristique totalement assumé
Le cheminement est très linéaire, mais la transition baston/cinématique est toujours aussi fluide et rend le tout très plaisant, jusqu’à s’autoriser quelques courtes branches parallèles selon le personnage choisi pour tel ou tel combat. Comptez entre 4 et 6 heures pour en voir le bout.
Le doigt dans l’oeil (jusqu’au coude)
On commence par l’évidence même : bon sang que c’est beau. Déjà fort de leur expérience sur Mortal Kombat X et la série des Injustice, la réalisation de Mortal Kombat 11 frise le sans-faute. Bien sûr, l’avantage du jeu de combat est qu’il n’y a pas grand-chose à afficher, mais le titre a une sacrée gueule. Toujours à 60 FPS, genre oblige.
Mortal Kombat souhaite de bons êtres humains en chair et en os pour mieux leur faire subir les pires atrocités
Bien loin des autres jeux de baston qui cherchent un rendu dynamique stylisé (Guilty Gear, mon amour), Mortal Kombat souhaite de bons êtres humains en chair et en os pour mieux leur faire subir les pires atrocités. Déjà que je faisais la grimace dans MKX pendant un coup à rayons X qui titillait mes neurones miroirs, la tuerie n’a jamais été aussi absurde, et c’est ça qu’est bon.
Un certain sens du détail a été déployé pour rendre les combats les plus brutaux possible. Les kombattants peuvent être cognés, tranchés, transpercés, écartelés, brûlés, démembrés, écrasés, électrisés, empoisonnés, acidifiés… il y en a pour tous les goûts. Si les coups mortels sont bien sûr réservés aux fameuses Fatalities, NetherRealm n’a jamais été aussi créatif dans la manière de tuer son prochain.
La performance capture fait des merveilles sur la plupart des cinématiques et le jeu d’acteur est très convaincant
On profite énormément de la réalisation du jeu pendant la campagne. La performance capture fait des merveilles sur la plupart des cinématiques et le jeu d’acteur est très convaincant. Le casting s’autorise même quelques stars comme la combattante de MMA — récemment reconvertie catcheuse — Ronda Rousey pour incarner Sonya Blade, ou bien Cary-Hiroyuki Tagawa, celui-là même qui donnait ses traits à Shang Tsung dans le film Mortal Kombat de 1995 (avec notre Christophe Lambert à nous). La VF intégrale est de qualité et fait le taffe, mais l’adaptation manque cruellement de zèle pour briller.
Ça dose sec
Le gameplay de Mortal Kombat a clairement été affiné avec ce 11e épisode, s’approchant de plus en plus du standard de qualité des gros joueurs de jeux baston japonais. On n’est pas dans la subtilité d’un Street Fighter ou la complexité d’un jeu ArcSys, mais il faut avouer qu’il y a à boire et à manger dans le gameplay de ce MK11. Bon, les personnages ont toujours un balai dans les fesses qui atteint les amygdales (bonne idée pour une Fatality) avec une portée souvent frustrante, mais c’est ça également qu’on recherche : quelque chose de différent.
Le gameplay de Mortal Kombat a clairement été affiné avec ce 11e épisode, s’approchant de plus en plus du standard de qualité des gros joueurs de jeux baston
En effet, pour se protéger, il faut toujours garder une touche enfoncée, ce qui peut — fortement — déconcerter dans un premier temps, et les “kombos” de base n’ont besoin que d’être buffés dans un court délai sans vraiment de précision. Les commandes des coups spéciaux sont également à l’image du jeu : très rigides. Mais une fois qu’on a choppé le coup, tout va bien mieux. On tout de même regretter que pour exploiter toutes les subtilités du jeu (notamment sur les options défensives), il faut retenir énormément de commandes différentes sans vraiment de lien.
Pourtant, Mortal Kombat 11 a mis le paquet pour être un jeu de dose compétitif sérieux et convaincant. Il suffit de voir son tutoriel long et ultra exhaustif qui met à l’amende toute la concurrence. Oui, toute. C’est simple : tout ce qui est expliqué peut être facilement réutilisé dans n’importe quel autre jeu de baston 2D. On y expose des concepts très obscurs et pourtant indispensables à haut niveau comme la pression, le Frame Advantage, le Damage Reduce, ou encore le Hit Confirm.
Mortal Kombat 11 a mis le paquet pour être un jeu de dose compétitif sérieux et convaincant. son tutoriel long et ultra exhaustif qui met à l’amende toute la concurrence
De nombreux moyens visuels (et même sonores) sont mis à contribution pour expliquer de façon ultra limpide le fonctionnement de certaines mécaniques, techniques ou même enchaînements. Chaque personnage aura même droit à des conseils stratégiques pour chacun de ses coups spéciaux. Le comble du luxe viendra surtout d’un décorticage minutieux de chaque attaque, Mortal Kombat 11 offrant la possibilité aux joueurs de consulter les Frame Data de chaque attaque, donnant le nombre d’images par secondes pour chacune des phases (startup > active frame > recovery). À ma connaissance, c’est le seul jeu de baston qui fait ça, et c’est assez dingue. On peut rouspéter sur le fait que la traduction française n’utilise pas les bons termes du milieu pour faciliter les recherches sur Google, mais on ne peut que saluer le traducteur qui s’est fait chier à tout comprendre (du moins, essayer).
Pour ce qui est des réelles différences avec les anciens opus, on notera la disparition de la barre d’énergie au profit de deux barres distinctes, une pour les compétences offensives et une pour la défense. La barre offensive permet d’améliorer une compétence ou un kombo alors que la défensive permet d’exécuter quelques manoeuvres d’urgence comme un rétablissement aérien ou une relevée accélérée ou offensive. C’est clairement la deuxième barre qui est la plus cruciale à haut niveau, permettant souvent de renverser la situation et de se sortir de certains combos.
La fameuse attaque X-ray laisse sa place au Fatal Blow, un ultra combo qui peut s’activer dès qu’un personnage tombe à 30% de vie, illustré par un enchaînement chorégraphié qui devrait tuer une vraie personne au mois cinq fois, laissant parler une fois de plus la créativité morbide de NetherRealm. Au bout de la 50e fois, on trouve le temps un peu long, mais ça a le mérite d’être impressionnant pour un spectateur non initié (testé et approuvé sur ma pauvre mère). Si l’attaque rate (whiff), le Fatal Blow peut être retenté un peu plus tard. On peut alors trouver le coup vraiment peu risqué par rapport à la simplicité de son exécution, mais le fait qu’il soit limité à un seul par match donne un petit côté dissuasion nucléaire plus intéressante qu’il n’y paraît. On est alors tenté de le garder pour un round plus critique.
La barre offensive permet d’améliorer une compétence ou un kombo alors que la défensive permet d’exécuter quelques manoeuvres d’urgence
À ça, on peut rajouter les Coups broyants qui se déclenchent seulement sous certaines conditions, faisant plus de dégâts et ouvrant la possibilité à d’autres types d’enchaînements. Les coupes transversales aux rayons X n’ont pas disparu, elles sont juste plus courtes, moins gimmick et assez utiles, bien que limités en nombre par match.
Pour les matchs en ligne et en local, il est possible de personnaliser ses personnages avec des coups spéciaux de son choix. On serait tenté de dire que ce n’est pas très carré pour arriver à mémoriser les capacités de l’adversaire, mais soit. Le nombre de choix par personnage est réellement engageant.
Finalement un jeu de son époque
Bien sûr, vu que Warner Bros. Games édite le titre, il faut rester vigilant sur la monétisation du jeu de baston. Déjà qu’un personnage soit bloqué derrière les précommandes et qu’un autre soit payant alors qu’il se déverrouille en jouant simplement au mode Histoire, c’est chaud, attendez de lire la suite.
Certaines craintes se confirment et on a parfois la franche impression d’être face à un jeu mobile.
Grâce au délire de collision temporel, NetherRealm s’est lâché sur le nombre de skins disponibles et objets de collection en tous genres qui glorifie l’héritage de la série. Seulement, le système est tellement complexe, long et pas ergonomique pour un sou que certaines craintes se confirment et on a parfois la franche impression d’être face à un jeu mobile.
Il y a des milliards de monnaies différentes (avec toujours les Fatalities facilités), des barres d’expériences pour les différentes pièces d’équipements des personnages, des consommables pour affronter les tours. J’ai tenté de tout comprendre, mais on est submergé d’informations, de menus et de sous-menus dont on ne sait plus quoi en faire.
On est submergé d’informations, de menus et de sous-menus dont on ne sait plus quoi en faire.
Pourtant, il y a tout de même une bonne nouvelle et il semblerait que NetherRealm a tenu sa promesse : toutes les microtransactions sont uniquement à but cosmétique et les bonus d’équipements peuvent être facilement écartés en ligne.
En revanche, si vous voulez débloquer le skin ou l’introduction que vous convoitez tant, il va falloir s’accrocher. La Krypte n’a jamais été aussi poussée et engageante à parcourir, avec un jeu dans le jeu, mais la taille de la collection et l’argent réclamé pour ouvrir un simple coffre m’ont fait rouler des yeux plus d’une fois. NetherRealm est d’accord sur ce point et a déjà déclaré vouloir rééquilibrer le problème pour qu’il soit moins frustrant.
La taille de la collection et l’argent réclamé pour ouvrir un simple coffre m’ont fait rouler des yeux plus d’une fois.
Tout ce qui n’est pas dans la Krypte se trouve dans les Tours, l’équivalent du mode Arcade des premiers Mortal Kombat. Les plus intéressants étant les Tours du temps qui sont limités qui ont une échéance et offrent de meilleures récompenses. Ces Tours sont les mêmes pour tous les joueurs et certaines s’affrontent en coopération à côté d’autres. Certaines demandes des tactiques et des stratégies particulières pour être battues. Ça pliera à certaines et ça ennuiera les autres.
À cela, vous pouvez rajouter des tâches quotidiennes et des combats d’IA intéressants uniquement sur le papier et on a fait à peu près le tour. Bienvenue dans le gaming AAA moderne, bébé.
(presque) Flawless Victory
Mortal Kombat 11 est une franche réussite : un mode Histoire classique avec une réalisation exemplaire, un gameplay qui évolue dans le bon sens, et un sens du fan-service assumé et assuré. Le mode combat en ligne pourra vous tenir en haleine pendant des heures et le tutoriel est sûrement le plus complet et le plus profond qu’on puisse trouver dans le monde de la dose. Malheureusement, pour un jeu vendu plein pot, le modèle économique passe à deux doigts d’être une parodie de lui-même et est bien trop complexe pour la satisfaction qu’il peut apporter. Pourtant, la nouvelle Krypte donne vraiment envie d’ouvrir des coffres, mais le nombre de conneries à débloquer rend la courbe de progression ultra lente et coupe toute envie de s’y plonger à corps perdu.
► Points forts
- C’est vachement joli
- C’est vachement gore
- Un gameplay singulier qui s’étoffe
- Un tutoriel (très) exhaustif
- Des options d’ergonomie pointues
- Un mode Histoire fan-service prenante
- Une mise en scène de haute volée
- Une Krypte gargantuesque
► Points faibles
- Ça reste quand même vachement rigide. Faut aimer.
- Un modèle économique bien trop complexe et repoussant
- Encore des personnages bloqués derrière un paywall day one
- Pas vraiment pensé pour les sticks arcades
- Les types qui ne font pas de Fatalities en ligne
Get over here !
War Legend a bénéficié d’une copie PS4 fournie par l’éditeur de ce jeu.
Mortal Kombat 11 est disponible sur PC, Xbox One, PS4 et le sera le 10 mai sur Nintendo Switch.