Dans la catégorie des XCOM-likes, c’est généralement du pareil au même. Mutant Year Zero: Road to Eden constitue l’OVNI de cette fin d’année qui parvient à faire souffler un vent de fraîcheur radioactive à un genre aux codes bien établis.
Contexte post-apo-canard-lyptique
Peu d’entre vous connaissent Mutant Year Zero et pourtant : il s’agit d’un jeu de rôle papier extrêmement populaire en Suède qui a pris son envol dans les années 80 et 90.
La fin du monde a eu lieu et il n’en reste qu’une terre désolée appelée “La Zone”, dans laquelle subsistent des mutants inquiétants ainsi que des monstruosités du type “chien très méchant et sévèrement ravagé”.
Au beau milieu de ce tableau pas trop réconfortant, on trouve l’Arche, village d’irréductibles Gaulois humains résistant encore et toujours à l’envahisseur. Des humains ? Oui mais pas que, puisque des mutants un peu particuliers sont également de la partie : il s’agit d’animaux anthropomorphes répondant aux doux noms de Dux et Bormin. Comme ces patronymes le laissent penser (du moins pour les adeptes de la langue de Shakespeare), il s’agit d’un canard et d’un sanglier.
Eux et d’autres de l’Arche sont des traqueurs : il sortent dans la zone pour trouver des ressources. Toutefois, la disparition récente et mystérieuse d’un traqueur indispensable à la survie de la communauté les conduit à entreprendre une toute nouvelle quête. Le voyage qui les attend dans Mutant Year Zero: Road to Eden les amènera à découvrir leurs origines et la vérité sur le monde dans lequel ils vivent.
Mutant Year Zero: Road to Eden propose une écriture très efficace largement portée sur l’humour – hilarant.
Mutant Year Zero: Road to Eden propose une écriture très efficace largement portée sur l’humour – hilarant -, mais pas que. En effet, aux blagues et jeux de mots réguliers s’ajoute un dramatisme maîtrisé – ce qui est loin d’être facile quand vos héros s’avèrent être des cousins de Saturnin et Pumba. Je le dis à la légère, mais j’ai plusieurs fois été véritablement frappé par la qualité de la narration et de ses effets.
Côté scénario, celui-ci est plutôt convenu et ne casse pas 3 pattes à un canard (ha !). Fin du monde, groupes partant à l’exploration pour trouver des ressources, mutants, religions super chelous, scientifiques immoraux, etc. Tout ceci a déjà été abordé un nombre incalculable de fois dans le contexte post-apo. Malgré tout, la qualité de la narration fait que les surprises de l’histoire sont bien amenées et produisent leur petit effet ; on se laisse prendre au jeu même si on sait à quelle sauce on va nous manger.
Le sanglier qui voulait se faire caméléon
L’originalité principale de Mutant Year Zero: Road to Eden réside dans son approche du jeu tactique à la XCOM. En effet, aux phases de combat durant lesquelles chaque camp déplace ses personnages tels des pions sur un échiquier s’ajoutent des éléments d’exploration, de loot et de discrétion avec éliminations furtives à la clé. C’est en partie la raison pour laquelle je suis tombé amoureux du titre de The Bearded Ladies et Funcom.
Aux phases de combat durant lesquelles chaque camp déplace ses personnages tels des pions sur un échiquier s’ajoutent des éléments d’exploration, de loot et de discrétion avec éliminations furtives à la clé.
Le monde de Mutant Year Zero: Road to Eden est divisé en petits niveaux ouverts. Lorsque vous quittez une zone, un temps de chargement et un déplacement automatique sur la carte symbolisent le temps de voyage.
Dans chaque niveau, vous trouverez des ennemis à occire et des éléments à looter (argent aka ferraille, armes, pièces d’armes, etc.). Pour ce qui est des ennemis, l’approche originale de The Bearded Ladies veut que vous puissiez déclencher un mode discrétion vous permettant de vous approcher plus près d’eux pour les prendre en embuscade. Mais il ne s’agit pas que de s’approcher puisque vous pouvez vous cacher près des éléments de décor et laisser un adversaire avancer en plein milieu de vos soldats avant de déclencher l’embuscade. Son champ de vision n’a alors plus aucune incidence, et il vous appartient d’arriver à le tuer en un tour avec des armes silencieuses, sans quoi il donnera l’alerte et la totalité de ses petits copains vont vous sauter dessus.
Ces moments de discrétion donnent une surcouche de stratégie assez sympathique puisqu’ils vous encouragent à tuer les adversaires isolés à travers la carte du niveau afin d’éviter d’être débordé le moment du combat ouvert venu.
Le mécanisme tend toutefois à devenir redondant sur la fin du jeu. En effet, chaque niveau est abordé de la même manière : avancer en lootant tout ce qui passe, tomber sur un groupe d’ennemis, se cacher pour tuer les ennemis isolés, prendre l’artillerie lourde pour déclencher le conflit de canard, passer au niveau suivant. Malgré tout, notons que Mutant Year Zero: Road to Eden devrait vous retenir une quinzaine d’heures ; juste ce qu’il faut pour éviter que vous en ayez marre et qu’au contraire, vous en redemandiez.
Mutant Year Zero: Road to Eden devrait vous retenir une quinzaine d’heures ; juste ce qu’il faut pour éviter que vous en ayez marre et qu’au contraire, vous en redemandiez.
L’aspect loot s’essouffle par contre beaucoup plus vite puisqu’il s’agit essentiellement de trouver de la ferraille (l’argent du jeu). Les coffres permettent toutefois de diversifier la chose grâce aux armes et armures qu’on y trouve. De même, les quelques artefacts constituent un petit plaisir supplémentaire, en particulier à travers leurs descriptions amusantes réalisées par des chroniqueurs fort mal renseignés.
Ici, on ne vend pas de pâté
L’arsenal est plutôt correct même si quelques armes supplémentaires n’auraient pas été de trop. Il en va de même pour les armures (chaque combattant peut équiper une armure de tête et une armure de corps) qui sont toutefois un peu plus satisfaisantes, sûrement parce que plus marquantes en raison de l’humour, une fois encore.
Par ailleurs, ce que vous trouvez dans le monde peut être utilisé à l’Arche dans les différentes échoppes à votre disposition. Vous pouvez ainsi démonter des armes pour récupérer des pièces d’armes et les ajouter à celles que vous avez trouvé lors de vos pérégrinations. Cela permet d’améliorer chaque arme selon 3 niveaux afin de perfectionner ses dégâts et son allure. De plus, c’est aussi là que vous pourrez équiper toutes vos armes avec 2 ajouts maximum : un viseur et un module de dégâts, à récupérer dans le monde ou bien à acheter à la boutique.
La boutique, quant à elle, va essentiellement servir à une chose : vous acheter des médikits. Mutant Year Zero: Road to Eden fait partie de ces rares jeux qui gère plutôt bien son argent puisqu’il est en quantité très limitée même si vous en trouvez souvent, ce qui fait que vous ne pourrez pas acheter l’entièreté du stock, vous devrez faire des choix ! Notez qu’ayant joué en difficile, mes traqueurs ne récupéraient que 50% de leurs HP à l’issue des combats. En mode normal, c’est 100%, cela influence forcément ce que vous faites de votre ferraille.
Chez Pripp, vous échangerez les artefacts récupérés à droite à gauche (une chaîne hi-fi est un artefact, par exemple) afin de débloquer des bonus permanents bien pratiques pour vos aventures – augmenter l’efficacité des medikits, récupérer un emplacement de grenade supplémentaire, etc.
L’interface du jeu est assez instinctive dans l’Arche. En revanche c’est un peu le bordel pour le reste du jeu.
L’interface du jeu est assez instinctive dans l’Arche. En revanche c’est un peu le bordel pour le reste du jeu. On ne vous tient pas par la main, ce qui fait que je n’ai compris que vers la fin du jeu que je pouvais démonter mes armes pour gagner des pièces d’armes. Même chose, il a fallu que je me débrouille pour découvrir les menus afin de pouvoir gérer mes combattants et la composition de l’équipe.
Eugénisme pas très civil
Quand ça bastonne du côté de Mutant Year Zero, ça le fait bien mieux que du côté de Phantom Doctrine, et ça se rapproche sans problème d’un XCOM 2. Bon ça se rapproche hein, car il y a quand même des bugs (dans l’exploration aussi), mais The Bearded Ladies s’en sort très bien : le feeling est au rendez-vous.
Le bestiaire, sans être très étoffé, l’est suffisamment pour permettre une bonne diversité. Un peu comme l’arsenal, on est dans le “juste assez pour ne pas s’ennuyer sur la durée de vie du jeu”. Entre les tanks, les maniaques, les chasseurs, les chiens, les robots et autres, vous aurez de quoi faire pour adapter vos stratégie au cas par cas.
Le véritable atout de Mutant Year Zero: Road to Eden découle de l’aspect discrétion. Quand vous avez fini d’éliminer les cibles isolées, vous pouvez placer vos 3 combattants individuellement où bon vous semble. Tant que l’ennemi ne vous surprend pas avant que vous vous soyez “caché” derrière un élément de décor, vous aurez le bénéfice du premier tour. Bien entendu, ces choix de positionnement sont déterminants et on prend plaisir à expérimenter tel ou tel scénario de baston.
Bon, on retrouve le bon vieux système rageant du pourcentage de réussite que je trouve toujours aussi désagréable parce que partial. Par exemple, il m’est arrivé de recharger une partie une dizaine de fois, juste pour voir. Rien à faire : mes deux premiers tirs à 50% passaient systématiquement et le troisième, à 75%, échouait sans faute. Pourquoi ne pas lancer les dés à chaque fois plutôt que de prédéterminer ?
On retrouve le bon vieux système rageant du pourcentage de réussite.
Votre équipe ne peut être composée que de 3 personnages en jeu, mais vous pouvez choisir parmi 5 mutants. On regrette que chacun n’ait pas forcément un profil spécifique (Bormin et Farrow ont par exemple des pouvoirs similaires) mais la complémentarité est bonne.
Puisqu’on en est au profil, parlons profil génétique ! Au fur et à mesure de votre progression dans le jeu, vous gagnez des niveaux, niveaux qui peuvent être dépensés pour acheter des mutations – des pouvoirs en gros. Chaque personnage peut avoir 1 mutation, 1 active majeure et 1 active mineure équipées à tout moment. En dehors des combats, vous pouvez vous rendre dans l’inventaire afin de les modifier, ce qui vous permet de vous adapter à chaque combat.
Les mutations en question apportent des choses intéressantes, comme la possibilité de faire pousser des ailes à un canard, par exemple. Ouais, jouer les scientifiques fous, moi ça me passionne. Petit regret : les mutations n’offrent pas de changement visuel permanent. Par exemple, les ailes constituent en fait un pouvoir qui permet de prendre de la hauteur pendant un tour et elles apparaissent à ce moment-là avant de se rétracter.
T’en as de belles plumes, mon canard
Mutant Year Zero: Road to Eden offre par ailleurs un aspect visuel très soigné. Ce jeu est quand même vachement beau pour un projet semi-indépendant. Le soin apporté au design est au niveau de la direction artistique : au top !
Les effets d’éclairage n’ont rien à envier au RTX de NVIDIA. Lorsque vous explorez le monde, le mode “non discret” voit votre personnage de tête utiliser une lampe torche. Chaque élément – et je dis bien chaque élément – du décor projette une ombre plus ou moins importante en fonction de la distance de la lampe, et bien sûr cette ombre se meut en fonction des mouvements de la lampe.
Beaucoup d’éléments du décor sont d’ailleurs destructibles, de simples tables de pique-nique à des pans de mur entier. Les effets de destruction sont superbes et vous apprécierez particulièrement voir un robot géant sortir d’une grange sans prendre la peine d’ouvrir la porte.
Les effets de destruction sont superbes et vous apprécierez particulièrement voir un robot géant sortir d’une grange sans prendre la peine d’ouvrir la porte.
On note malgré tout quelques ralentissements voire freezes ça et là, en particulier lors des jets de grenade. Alors oui, c’est surprenant, mais la caméra suit la grenade dans son arc de cercle. Et comme ça monte plutôt haut, le jeu fait un peu l’expérience d’un gel de cerveau momentané – mais qui passe très vite, on n’en est pas au point de se priver d’explosifs.
La bande originale est également bien gérée et contribue largement à donner au jeu son atmosphère dramatique malgré le ridicule des personnages (pardon Dux, pardon Bormin). Vraiment, je veux mentionner à nouveau cette capacité de Mutant Year Zero: Road to Eden à créer un tension dramatique malgré des personnages principaux qui, depuis l’annonce de ce jeu, m’ont toujours fait me dire qu’il allait quand même être vachement difficile de rentrer dans ce jeu. Ne vous laissez pas avoir par la sensation “cheap” véhiculée par Dux : Mutant Year Zero: Road to Eden est une pépite.
Les doublages sont eux aussi très bien maîtrisés. La voix de Bormin fait office de narrateur et ses tons graves lui donnent une chaleur et une profondeur très appropriées.
Autant de qualité, c’est pas humain
Mutant Year Zero: Road to Eden constitue la belle surprise de cette fin d’année 2018. Expérience de jeu rondement réalisée et équilibrée, elle offre une approche originale qui mériterait qu’on ne cantonne pas le jeu au terme – réducteur pour le coup – de XCOM-like. Avec ses moments d’exploration et l’apport stratégique de la discrétion et du placement individuel des personnages, Mutant Year Zero: Road to Eden donnera, espérons-le, du grain à moudre aux prétendants XCOM-likes. Si le jeu laisse soupçonner une redondance, il tire le rideau juste à temps pour qu’on en redemande, et c’est exactement ce que je fais : j ‘en redemande !
► Points forts
- Approche originale et bien foutue du jeu tactique.
- La discrétion pour éliminer les cibles isolées.
- Possibilité de placer ses soldats comme on veut pour démarrer un combat.
- Exploration & loot.
- Direction artistique soignée et juste.
- Graphismes et effets de lumière superbes.
- Bande-originale et doublages au poil.
- Durée de vie bien maîtrisée qui donne la sensation d’en avoir eu assez tout en voulant la suite.
- Écriture hilarante.
► Points faibles
- Scénario qui hume le déjà-vu.
- Un poil plus d’arsenal n’aurait pas été de trop.
- Quelques bugs subsistent.
- Un chouïa redondant sur la fin.
- La VF ne rend pas toujours justice aux dialogues.
Coin coin d’or
War Legend a bénéficié d’une copie presse PC fournie par l’éditeur de ce jeu.
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