Les amateurs de MMO hardcores en manque l’attendaient de pied ferme, mais New World est enfin là. La première incursion (réussie) d’Amazon dans le jeu vidéo coche toutes les bonnes cases sur le papier, mais est-ce que le titre est capable de les mettre en exécution ? C’est compliqué.
Ad Vitam Aeternum
Après pas mal de galères, des projets mis au placard alors qu’ils venaient à peine de voir le jour – coucou Crucible – et de nombreux reports et Amazon a enfin son premier jeu vidéo : New World.
Quand on débarque sur l’île d’Aerternum pour la première fois, on sent qu’il y a du fric. Développé à partir d’un fork du CryEngine, New World est beau, vraiment beau, proposant de jolis paysages d’environnement qui ne demandent qu’à être explorés, puis exploités.
Posant son contexte dans la grande période des Conquistadors, on a malheureusement l’impression qu’Amazon Game Studios n’a pas vraiment su quoi faire avec. On retrouve bien une certaine esthétique intéressante, avec les vêtements raffinés, les casques pointus ou les mousquets, mais l’univers de New World n’est clairement pas son point fort. On n’y croit pas trop, et ce n’est pas les quêtes ultra répétitives écrites à la va-vite (ils savent que personne ne les lit) qui va arranger les choses.
Et c’est le premier problème de New World : son univers ne nous transporte pas et ne nous invite pas à en voir plus et découvrir ses secrets. Une vieille civilisation qui se réveille sous les traits de morts-vivants corrupteurs, c’est d’un original…
Même si le jeu propose de très jolis panoramas, on se lasse très vite de l’île dont les environnements ne se renouvellent que trop peu, même d’une région à l’autre. On affronte les mêmes modèles de monstres en permanence, et même les colonies où vous passerez le plus clair de votre temps sont des agglomérats de bâtiments vus mille fois.
J’ai l’air de pinailler comme ça, mais il est tellement amusant de voir tant d’éléments narratifs et diégétiques justifiés par des mécaniques de gameplay (et pas l’inverse, comme l’immortalité des avatars des joueurs) que ça dénote clairement d’un manque d’intention claire de la part du studio.
Son univers a bonne gueule, mais il n’exprime rien, et si je veux passer plusieurs centaines d’heures à me foutre sur la gueule avec des rivaux pour le contrôle d’une foutue île, j’aimerais savoir pourquoi. Bon, pas exactement pourquoi, mais au moins sentir que c’est important.
Et nauseam, un peu
À mon sens, ce genre de détail est primordial, parce que vous allez galérer longtemps avec vos pieds entre les différents territoires (pas de monture et les déplacements rapides coûtent des ressources), tandis que l’effet de découverte s’essouffle vite, bien trop vite. Il faut attendre les derniers niveaux pour que l’expérience se renouvelle un brin, et encore, de pas beaucoup.
Passé un certain cap, on arrête de s’émerveiller et on se tape en boucle des quêtes qu’on a déjà faites des milliards de fois dans d’autres MMO, d’autant que les allers-retours pénibles entre les points d’intérêts son très (trop) récurrents. La phase de leveling n’a vraiment rien de bien passionnant.
Heureusement, il est rapidement possible de varier les plaisirs avec d’autres activités, à commencer par des quêtes tout aussi chiantes, mais avec l’obligation d’avoir une invitation pour le PVP au-dessus de sa tête. Cueillir des fraises des bois pour le compte de sa faction devient tout de suite plus épique quand il s’agit d’un motif pour le camp d’en face de vous défoncer.
En effet, si le PVE semble être là que par pure obligation (les donjons bien ronflants se comptent sur les doigts d’une main), New World espère en effet faire revivre la grande époque des MMO basés sur les communautés, et la meilleure promesse se trouve là.
C’est en effet pour ça que le lancement de New World a été… compliqué par une congestion des serveurs assez importante, résultant des files d’attentes qui pouvaient durer plusieurs heures : chaque serveur simule son propre monde avec une limite de population bien définie, le but étant que les joueurs et compagnies (guildes) finissent par se connaître, puis se reconnaître et, à terme, faire naître de vraies rivalités dans cette lutte de pouvoir sur l’île d’Aeternum.
Pas mal de mécaniques de gameplay et événements invitent les joueurs à se reposer sur les autres, et si je remarque que les joueurs solos sont toujours si peu enclins à dialoguer et échanger, la vie dans les compagnies prend une sacrée dimension, d’autant qu’elles exercent un certain pouvoir sur l’île d’Aeternum.
New World est sclérosé par le grind et le farming outrancier, bien que cela part souvent d’un bon fond. Il faut une quantité astronomique et ridicule de ressources pour arriver au niveau maximal d’un métier donné, mais c’est parce que l’aide de collègues qui se seront cassé les reins pour vous est souvent nécessaire pour y arriver (plot twist : c’est vous le collègue qui se casse les reins).
Avoir les ressources – et la capacité de les récolter – est une chose, mais pouvoir fabriquer des trucs en est une autre. En plus d’un niveau de métier élevé nécessaire pour crafter le meilleur équipement du jeu, il faudra les établis qui vont avec, et c’est là que le jeu de pouvoir entre factions rentre vraiment en action.
Bien que les territoires appartiennent aux différentes factions, les colonies sont gérées par les compagnies de joueurs, qui choisiront alors les installations à améliorer, mais également le taux de taxe pour les joueurs qui les utilisent. À haut niveau, il est important de faire attention où vous comptez faire vos plus gros travaux… et choisir où vous achetez votre petit pied-à-terre, car la taxe foncière ne pardonne pas. M’enfin, une maison vous permet d’exposer vos plus beaux trophées afin de profiter de bonus globaux assez intéressants, donc pourquoi pas.
En se donnant des airs de jeu de survie (on peut ramasser énormément de choses), New World donne une certaine importance aux composants de qualité commune, au prix d’un farming qui en devient écœurant. Bien sûr, cela donne un intérêt du contrôle des colonies dans les territoires bas niveau, surtout que les différents comptoirs de commerce ne communiquent pas entre eux, mais cela leur donne une valeur très élevée pas vraiment saine.
Et c’est là que le bât blesse : en voulant proposer une économie orientée sandbox pour un MMO à la structure très classique, cela peut créer des dysfonctionnements assez difficiles à résoudre. Pas mal de serveurs souffriraient déjà de phénomènes de déflation, à cause du trop faible nombre de pièces d’or en circulation. Les prix fluctuent énormément d’une colonie à une autre et il n’y a pas assez de joueurs vraiment investis dans l’économie pour que les choses se régulent d’elles-mêmes. Du coup, la seule solution viable reste le troc.
En manque de compagnie
Parmi les autres mécaniques inspirées des jeux de survie : il n’y a pas de classes dans New World. Tout dépendra du duo d’armes utilisé, des points de caractéristiques distribués et du poids de l’équipement porté. Le MMO est conçu pour que les joueurs jouissent d’une très grande flexibilité dans la construction de leur personnage, et ça fonctionne plutôt bien. Il est même possible de changer de faction au bout de quelques mois de jeu, eh.
Bien que vous passerez plus de temps à ramasser et crafter des trucs, les combats ont l’avantage d’être assez funs, avec un système dynamique très proche du jeu d’action : on attaque et pare de façon active, et les projectiles sont calculés comme dans un jeu de tir. Le skill et la tactique sont récompensés au même titre qu’un équipement bien pensé.
Toutefois, le système ne dévoile tout son potentiel qu’à partir du endgame, lorsqu’il est possible de créer des builds intéressants… et c’est long pour y arriver. Mais même à ce stade, on a toujours un sentiment que les combats manquent un poil de profondeur… et d’une lourde répétitivité dans le cadre du PVE .
C’est surtout lors des combats en groupe (donjons comme PVP) que les choses se compliquent vraiment : c’est le foutoir très vite. À ce moment-là, la finesse et la tactique ont rarement cours : on se contente de claquer tous ses CD dans le tas. Mais bon, quand on veut créer des guerres de territoire à 50 contre 50, comment peut-il en être autrement ?
Pour se départager les régions d’Aeternum et profiter des avantages décrits plus hauts, il faudra d’abord qu’une faction gagne la guerre d’influence via les activités PVP de ses membres, puis que les joueurs qui répondent à l’appel notent la date et heure de la bataille dans leur PALM (personne ne comprendra cette vanne). Eh oui, c’est du sérieux.
Seuls 50 joueurs de chaque faction seront sélectionnés pour déterminer le nouveau gérant d’un territoire, lors de l’unique assaut d’un fort qui dure 30 minutes. Les opportunités tactiques en attaque et en défense ne manquent pas, grâce à des engins de siège et des tâches spécifiques de chaque côté qui peuvent changer la donne, mais c’est un événement plutôt chaotique et bref dont les résultats sont assez lourds de conséquences. Et je me demande encore s’il n’y avait pas autre chose à faire de ce côté-là.
Et c’est à ce moment-là que je me rends compte que pour chaque bonne idée ou intention que New World a, il y a toujours un gros problème qui se profile à l’horizon. En réalité, si vous ne faites pas partie des plus grosses compagnies de votre serveur, vous risquez justement de louper une bonne partie de l’intérêt du MMO, et je suis de plus en plus triste à chaque fois que j’y pense.
Comme pour beaucoup de choses, les compagnies ont les pleins pouvoirs sur les territoires qu’elles gèrent. Une fois que la liste des joueurs qui participeront à une prochaine guerre établie par tirage au sort, elles peuvent très bien éjecter les joueurs qui ne les intéressent pas, afin de redonner une chance à ses membres. C’est rageant et quasi systématique, surtout qu’une compagnie puissante avec beaucoup de membres est tout à fait capable d’attaquer plusieurs territoires à la fois.
Quand on ne fait pas partie d’une grosse guilde, mais qu’on veut quand même s’amuser dans du PVP à haut niveau, il ne reste alors plus que les Déferlantes… qui ne sont que des BG classiques et sans grande saveur. Trois fortins à capturer et garder, quelques mécaniques basées sur des ressources communes pour dégager un petit avantage, et basta. Les récompenses sont relativement faibles, à commencer par le fun des batailles à 50 joueurs qui a du mal à rivaliser avec celui des guerres à 100.
Heureusement que le mini-jeu de pêche est rigolo et addictif.
C’est long l’éternité
Entre ses envies de sandbox et ses mécaniques de MMO classiques, New World ne sait pas trop quel genre d’expérience il veut proposer, et on finit par faire rapidement le tour de l’île d’Aeternum… à laquelle on a oublié d’insuffler une âme. Seules les plus grosses compagnies/guildes pourront profiter de tout le potentiel du titre d’Amazon Game Studios et de son fameux système de gestion de territoires, tandis que les autres joueurs subiront leurs caprices après avoir rapidement épuisé le contenu à leur disposition. Le PVE n’est pas intéressant et famélique, l’économie va devoir subir quelques modifications avant d’être sur des rails et le grinding est aliénant si on n’a pas quelques amis avec qui échanger de précieuses ressources. On espère que les mises à jour de contenu prévues seront assez costaudes pour relancer l’intérêt.
Ce qu’on a aimé :
- C’est vraiment joli
- La personnalisation ultra poussée de son personnage
- Système de combat dynamique avec des armes aux effets variés
- Récolte façon jeu de survie assez efficace et addictive
- De nouveau un MMO qui met en avant l’aspect communautaire
- Certains boss de donjons ont leur moment
- La pêche
Ce qu’on n’a pas aimé :
- L’univers n’évoque rien
- Ne venez pas pour le PVE
- Économie déjà cassée
- Encore des bugs récurrents qui touchent tout le service
- Une conception particulière de la nage
- Tous les joueurs ne pourront pas participer à la guerre
- Boucle de gameplay endgame limité
Ce jeu est fait pour vous si :
Vous cherchez un nouveau MMO friqué avec du PVP tri-factions et que le grinding ne vous fait pas peur.
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous préférez les expériences narratives/PVE et n’êtes pas certains de faire partie d’une grosse guilde.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080 Ti
- CPU : Intel Core i9-9900k
- RAM : 32 Go DDR4
- Installé sur SSD
New World est disponible sur PC.