Petit, je me faisais régulièrement voler mes cartes Magic par les grands. Loin de me laisser faire, je me battais pour récupérer mon dû, non sans écoper de quelques bleus. Souffrance et deck building sont donc deux notions intimement liées chez moi. Ce n’est pas étonnant que Nowhere Prophet le jeu de Martin Nerurkar m’ait tapé dans l’œil… dans tous les sens du terme.
Le chat rade et la cara vanne
Nowhere Prophet commence par vous expliquer via des artworks animés et sans voix off que vous êtes une sorte de techno-prophète. On aurait aimé au moins un narrateur pour habiller le tout, mais passons. Un satellite fraîchement crashé vous confie la mission de trouver une crypte ; un endroit avec sans doute plein de chouettes choses dedans.
D’ordinaire ce genre de bug se règle par un reboot sauvage agrémenté d’un bon coup de latte. Mais comme vous incarnez un prophète du genre conciliant, vous y allez.
Bien que l’histoire ne soit pas transcendante, parcourir les déserts cyber-punko-mystiques de Soma n’est jamais désagréable. L’univers est original et le jeu bien écrit.
Pour atteindre la crypte, vous devrez voyager d’un bout à l’autre de la carte à la manière d’un Slay the Spire. Chaque déplacement vous coûte de l’Espoir et de la Nourriture, qu’il faudra veiller à conserver en bonne quantité afin d’éviter les déconvenues. Et évidemment, chaque étape est l’occasion d’une rencontre ou d’un évènement lors lequel vous devrez faire un choix qui aura des conséquences plus ou moins fâcheuses.
Contrairement à d’autres softs, les rencontres sont souvent bien écrites et les conséquences de vos choix sont toujours logiques. Un bon point pour un style de jeu qui ne pardonne pas beaucoup l’erreur.
On peut savoir ce que vous prophètez ?
Une fois en combat le jeu dévoile son gameplay principal : ce que j’ai décidé d’appeler le tactical deck building (© calmez-vous j’ai déjà déposé les droits).
D’un côté votre prophète, de l’autre votre adversaire. Chaque tour votre réserve d’énergie (ressource qui vous permet de jouer des cartes) augmente à la manière d’un Hearthstone. Vous disposez chacun d’un plateau sur lequel vous devrez placer vos cartes qui disposent toute d’une valeur d’attaque et de défense.
Celles en première ligne pourront attaquer les cartes ennemies ou directement l’adversaire. Planquez-les derrière des obtacles ou d’autres unités et elles seront hors de portée des cartes adverses mais ne pourront pas attaquer. Vous pourrez en plus compter sur votre équipement qui vous octroie passifs et actions gratuites.
Sur les combats, Nowhere Prophet met à l’amende la plupart des autres jeux de cartes, bien plus profond et varié que ses congénères.
Entre capacités de cartes, positionnement, pouvoirs actifs et passifs d’équipements… Bref vous aurez beaucoup de façons de vous en sortir, pour peu que vous utilisiez votre matière grise.
Les affrontements possèdent ainsi une dimension tactique assez hallucinante. Chaque carte, le moindre petit point de dégât ou d’énergie doit être optimisé pour éviter de perdre vos précieux points de vie.
Car si ces derniers atteignent zéro, c’est le game over. Et croyez-moi, vous aurez l’occasion de le subir surtout si vous vous aventurez hors du mode facile.
Enfin pour ne rien gâcher, l’IA est un autre point fort. Elle est retorse comme il faut, prend des décisions sensées et joue juste assez mal pour que ce ne soit pas frustrant. Les combats sont systématiquement tendus, vous ne devrez votre victoire qu’à vos capacités de stratège.
Un sacré paquet de cartes
Chaque tour de jeu, vous piochez deux cartes. L’une dans votre deck convoi, et l’autre dans votre deck prophète. Le premier est composé des différentes unités que vous pourrez poser sur le plateau. L’autre, plus petit, vous permet de jouer des “sorts” capables de renverser le cours des combats.
Vous débloquez les decks au fur et à mesure de vos parties, vous permettant de varier les alliances entre les différents paquets pour trouver la synergie qui vous sied le mieux.
Bien qu’importante dans le jeu, la dimension création de deck reste légère. Dans Nowhere Prophet, on s’adapte aux circonstances plus qu’on ne peaufine son paquet carte après carte. On est plus sur du réajustement à la volée pour compenser la perte d’une carte.
Car oui, si l’une de vos cartes est détruite sur le plateau, celle-ci sera blessée. Elle coûtera moins cher, mais elle sera définitivement perdue si elle est détruite de nouveau.
Le joueur est souvent tiraillé entre garder ses cartes au risque de les perdre pour de bon, ou de les mettre à l’abri au risque de déséquilibrer son deck.
Si le deck building est plus permissif que dans d’autres jeux, il n’en est pas moins complexe. Nowhere Prophet force ainsi le joueur à aborder différemment le genre.
Prophète de l’huma’
Bien qu’au bout de quelques essais seulement, on a tendance à revoir passer régulièrement les mêmes évènements, les paramètres sont variés : nombre de convoyeurs, nourriture, blessés, croyance/altruisme… Bref vous en verrez de nouveaux, mais il y a de fortes chances pour que vous ne les résolviez pas 2 fois de la même manière.
Le jeu vous pousse à tester tous les choix qui vous forceront à rectifier sans cesse vos stratégies et revoir vos plans.
Côté emballage, l’univers a pour lui d’être original. Le côté post-apo indien est rafraîchissant, bien soutenu par la direction artistique “artwork à la serpe” et par la B.O aux sonorités hindoues. Les menus et l’interface sont jolis, clairs et bien intégrés. Cela rend le jeu très instinctif et agréable à jouer, même pour quelqu’un qui n’a jamais touché à un deck building.
On aurait aimé quelque chose de peut-être plus lêché, mais gardons en tête le budget et l’équipe mini derrière le jeu, qui malgré cela nous sert une direction artistique cohérente qui soutient parfaitement le gameplay.
Bonne pioche
Vent de fraîcheur mariant avec brio et intelligence ses différentes mécaniques de jeu, Nowhere Prophet est une réussite qui, pour une vingtaine d’euros seulement, promet de longues heures de plaisir. Pour ne rien gâcher, les développeurs ont déjà sorti quelques patchs de correction et d’équilibrage, augurant un bon suivi. Ajoutez à cela que sur PC, personne ne viendra vous voler vos cartes et vous plonger la tête dans la poubelle; et vous avez un jeu que je vous encourage de tout cœur à découvrir.
► Points forts
- La direction artistique
- Les musiques
- L’interface impeccable et instinctive
- La durée de vie
- Les combats profonds et tactiques
► Points faibles
- Les évènements aléatoires qui reviennent un peu trop régulièrement
- Des pics de difficultés frustrants, quoique rares
Cartes magiques / 20
Configuration requise :
Le PC de mamie.
- Système d’exploitation : Windows 10, 7 or Vista
- Disponible sur Mac et Linux
- Processeur : 2 GHz
- Mémoire vive : 4096 MB de mémoire
- Espace disque : 1 GB d’espace disque disponible
Nowhere Prophet est disponible sur PC (Steam et Itch.io).