Octopath Traveler est enfin disponible. Ce vibrant hommage à l’époque classique des JRPG est-il une oeuvre à part entière ou une simple redite ?
“C’était mieux avant ET après”
Quand Square Enix s’est rendu compte que la Switch se vendait comme des petits pains, il s’est demandé : “comment produire un jeu pas trop cher, mais suffisamment intéressant pour que les joueurs de Switch se penchent dessus ?”. Avec la mode du rétrogaming et des portages de vieux classiques plus ou moins fainéants (coucou Secret of Mana), il y avait quelque chose à faire de ce côté-là.
Du coup, quand on lance Octopath Traveler pour la première fois, on a cette furieuse sensation de déjà vu… et c’est voulu. Des personnages 16bits, de l’interface, de la musique aux dialogues en passant par les décors, c’est comme si on avait pris tous les JRPG de l’époque SNES et qu’on avait compressé tout leur code sur une seule cartouche. Et pourtant, Octopath Traveler possède sa propre personnalité.
Idée casse-gueule pourtant bien exécutée, le titre associe sprites 2D et environnements 3D. Avec des shaders modernes sous Unreal Engine 4, on est face à un subtil mélange très bien foutu qui donne un cachet particulier à Octopath Traveler, alliant bien l’idée du traditionnel et du moderne. Cette alliance constitue toute la saveur du titre, et cela ne se résume pas qu’à l’aspect visuel, loin de là.
FF 6 > FF 7
L’idée la plus forte d’Octopath Traveler est sûrement la possibilité de commencer l’aventure avec un personnage au choix, parmi huit (vous comprenez le titre, maintenant ?). Chacun possède une histoire, un passé et des motivations qui leur sont propres. Chacun finira par votre groupe au fur et à mesure de votre tour du monde en même temps que l’histoire personnelle se déroule.
La bonne chose qui en ressort, c’est qu’il n’y a pas de personnage principal. Même si les phases de dialogues et de narration sont assez longues, elles ont le mérite de nous attacher aux personnages, malgré de nombreux clichés. On note également une grosse économie sur l’écriture qui se contente d’être le plus efficace possible sans trop exposer les histoires personnelles (ou l’univers), mais cela a finalement plus de bons côtés que de mauvais.
En revanche, il y a bien un truc bancal qui était à deux doigts de tout foutre en l’air, c’est l’absence totale d’interactions entre les personnages (ou sous certaines conditions, et encore). Chaque chapitre est dédié à l’un des membres de votre groupe, mais la narration fera toujours comme s’il était seul. Pire, les autres personnages n’apparaissent même pas en arrière-plan pendant les cutscenes et les dialogues. On n’aurait pas craché sur des petites seynettes une fois à l’auberge, par exemple, mais même pas. Le tout résidera dans l’interprétation qu’a le joueur sur son groupe.
Cela ne s’arrange pas une fois qu’on a choppé le cycle de narration du jeu, et on ne peut s’empêcher de se sentir sur des rails du début à la fin. Globalement, on va dans une nouvelle ville, on découvre l’histoire du personnage lié, on va jusqu’à l’objectif, on tue des monstres en chemin, on frite le boss et on recommence. La seule vraie sensation de liberté vient de l’ordre où vous voulez les trames.
Ajoutez à cela des phases de grind obligatoires et des sessions d’achat d’équipement et vous avez tous les clichés du JRPG, que ce soit dans la narration ou dans les mécaniques de jeu, et qu’ils soient bons ou mauvais. Je vous avais prévenu.
C’est à partir de là qu’on commence à questionner les intentions des développeurs vis-à-vis de ça. Si on est dubitatif au moment de constituer son groupe — dû à la répétitivité de la tâche —, on finit par se résoudre à l’idée que le jeu n’est “qu’un” vibrant hommage à l’ère classique des JRPG sans prétention, mais sans être dénué de sens. Bien sûr, tout est cliché au possible, mais tout est judicieusement dosé et tous les éléments en place n’existent que pour flatter de manière subtile les souvenirs des gosses qui ont passé des heures sur Final Fantasy ou Chrono Trigger.
Une drôle de magie opère alors. Sur le papier, le titre devrai être détestable pour être si peu inspiré et pour réutiliser autant de mécaniques sensées être désuètes. Pourtant, si on est un minimum réceptif, on a du mal à voir le temps passer.
Plus moderne que FF 15
Après tout cet apport de nostalgie qui n’en fait pourtant pas des tonnes, il était quand même temps de proposer quelques trucs de neuf, sinon, l’ensemble resterait sans saveur. Et bien, figurez-vous que c’est le cas, et que Kota Oosaki et son équipe ont bien bien planché sur le sujet, à commencer par les combats.
Si on retrouve les mécaniques classiques d’un système de combat au tour par tour, les personnages peuvent attaquer avec leurs armes ou bien utiliser des compétences. Les ennemis possèdent une jauge de défense qu’il faudra exploiter en appliquant un dégât dont ils sont sensibles. Une fois cette jauge à zéro, l’ennemi en question devient vulnérable à toutes les attaques et ratera son prochain tour.
Ce système de points faibles donne un certain sens du rythme aux combats, et il faudra réfléchir l’ordre de son groupe de manière intelligente pour être le plus efficace possible. Avoir un groupe hétéroclite qui sait exploiter tous les types de failles est un atout non négligeable et donne une réelle sensation de coopération entre les différents membres. Cela est particulièrement vrai contre les combats de boss qui exigent parfois un timing et une gestion des ressources assez serrée.
À cela, chaque personnage possède une compétence unique à utiliser sur la carte du monde, généralement sur des PNJ croisés en chemin. La danseuse peut séduire quelqu’un pour qu’il rejoigne temporairement le groupe, la chasseuse peut capturer des monstres pour les invoquer pendant les combats, le voleur peut dérober l’argent des PNJ et ouvrir des coffres spéciaux, le chevalier peut défier des PNJ en combat singulier, etc. Le plus drôle reste Tressa la marchande qui trouve de l’argent par terre régulièrement, peut acheter tout et n’importe quoi à n’importe qui, et qui peut invoquer des mercenaires sur le terrain en dépensant votre argent.
Certaines compétences font un peu doublon et leur utilisation semble très limitée au départ, mais une bonne exploitation permet d’avoir une sensation d’interaction avec le monde pas désagréable. C’est très artificiel (vous irez au bout du monde pour un petit sourire, vous ?), mais en termes de mécanique de jeu pur, cela reste intéressant.
Les quêtes annexes sont d’ailleurs résolues par une bonne utilisation de ces compétences, mais n’engagent malheureusement que très peu le joueur (une seule action suffit pour résoudre la situation).
La meilleure glace vanille du marché
Octopath Traveler, c’est un peu le plat que le critique de Ratatouille mange à la fin du film : c’est tout con, ça n’invente rien, mais c’est tellement bien cuisiné que ça fait resurgir des souvenirs. On a pris tous les clichés du JRPG, on les a assaisonné juste ce qu’il faut en sel pour que le goût soit relevé sans être désagréable, et on ajouté une pincée d’audace moderne pour consolider l’ensemble. Malheureusement, ses points faibles au niveau de la narration et son manque d’ambition feront d’Octopath Traveler un titre qui restera tout de même difficilement dans les mémoires. Appeler le jeu Octopath Traveler, c’est un peu résumer le soft à son idée de base, et c’est dommage parce qu’il y avait moyen de faire bien plus. Si le jeu est agréable à jouer et parfait sur de courtes sessions en mode télé comme en mode portable, il restera un cocon duveteux où l’on se sent bien et au chaud, sans pour autant vous en sortir. Un jeu parfait si vous êtes en quête d’un.e amoureux.ette le temps d’un été.
► Points forts
- Tous les bons souvenirs d’un bon petit JRPG
- Mélange 2D/3D détonnant
- 8 personnages, 8 destins
- Combats plus profonds qu’ils en ont l’air
- De nombreux boss uniques
- Les compétences des personnages dans le monde
► Points faibles
- Tous les mauvais souvenirs d’un bon petit JRPG
- Quasiment aucunes interactions avec le groupe
- Il faut grinder sec pour rester dans la course
- Assez vite répétitif
- Manque d’ambition dans le(s) scénario(s)
- Système de “choix” moraux sous-exploité
- Ça manque parfois un peu de vie
La preuve qu’on peut être bon, mais sans ambitions
Testé sur PC. WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse offerte par l’éditeur de ce jeu.
Octopath Traveler est disponible sur Nintendo Switch.
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