Après avoir collaboré étroitement avec Epic Games pendant un certain temps, les Polonais bourrins de People Can Fly (Painkiller, Bulletstorm) volent de leurs propres ailes avec Outriders, édité par Square Enix. Comme promis, il y a du shoot et du loot, mais avec un genre surreprésenté, le TPS coop a du mal à tenir la comparaison aux cadors du genre.
Looter n’est pas jouer
La Terre n’est — probablement — plus, mais ce n’est pas grave, car vous et votre colonie spatiale ne comptiez pas faire demi-tour de toute façon. Pourtant, ce plan B aurait été particulièrement utile lorsque votre nouveau foyer souhaite vouloir votre mort. Bienvenue sur Enoch, où une Anomalie atmosphérique mortelle transforme les quelques survivants en mutants dotés de pouvoirs surpuissants.
À peine le jeu ait eu le temps d’exposer — assez mal — ce qui vous arrive et vous voilà déjà obliger de choisir une classe de personnage parmi 4, alors qu’Outriders est prévu pour être joué en coop par équipe de 3 maximum. Les pouvoirs de chacun se complètent assez bien, mais il se peut bien que vous risquiez de souffrir sans Technomage pour vous soutenir ou Telluriste pour encaisser/annuler les dégâts.
À peine le jeu ait eu le temps d’exposer — assez mal — ce qui vous arrive et vous voilà déjà obliger de choisir une classe de personnage parmi 4.
Il y a déjà un souci flagrant quand on découvre Outriders : son histoire est peut-être un peu trop ambitieuse (voire sérieuse) pour les gars qui ont écrit les délicieux dialogues de Bulletstorm, mais on retrouve encore une fois dans le cas de figure où la narration met en avant un personnage (le joueur présenté comme protagoniste), tandis que les coéquipiers martèlent la touche “passer” pour sauter la cutscene dont tout le monde a l’air de se foutre.
Dissonance ludo-narrative par excellence et bien trop récurrente : le récit ne prend pas en compte le fait que vous jouez avec des amis. Après 5 ans de développement, c’est à se demander si le titre n’a pas subi un changement de cap brutal en interne. Et c’est l’un des nombreux petits problèmes qui gâche l’expérience proposée par Outriders.
Dissonance ludo-narrative par excellence et bien trop récurrente : le récit ne prend pas en compte le fait que vous jouez avec des amis.
“C’est pas bien grave, t’as qu’à jouer en solo pour profiter de l’histoire avant de t’ouvrir à la coop”, il est là le cœur du problème : comme dit plus haut, le jeu a les fesses entre deux sièges et ne sait pas s’il veut proposer une histoire engageante avec des efforts de mise en scène à saluer (malgré de gros ratés, surtout techniques), mais veut absolument proposer des combats qui ne fonctionnent réellement qu’à 3 joueurs.
Soit on progresse dans l’histoire avec 2 copains en organisant les sessions, soit on rouspète parce que nos coéquipiers temporaires n’en sont pas au même point que nous dans le scénario. Que ce soit dans le fond ou dans la forme, il est difficile de recommander Outriders pour un plaisir solitaire. De toute façon, même si vous le vouliez, vous devrez créer un compte Square Enix et être connecté à Internet. Tout le temps, malgré que le titre soit vendu comme une expérience complète, et non un jeu-service.
“On a déjà Destiny à la maison”
En bon shooter développé par People Can Fly, entre personnages baraqués et appendices qui explosent sous les balles, on retrouve une certaine énergie signature qui fait plaisir, mais ça s’arrête globalement ici.
Les armes — bien trop génériques — manquent de patate, mais c’est surtout qu’il y a un certain mensonge sur la promesse d’un nouveau cover-shoot : les ennemis sont tellement nombreux et agressifs, qu’ils soient au corps-à-corps ou à distance (les snipers sont une vraie plaie) que vous n’aurez jamais le temps de vous cacher.
Entre personnages baraqués et appendices qui explosent sous les balles, on retrouve l’énergie de People Can Fly qui fait plaisir, mais ça s’arrête globalement ici.
On se dit alors que ce n’est pas bien grave, que le jeu invite à rester au mouvement et nous pousser à l’agression, surtout que la vie se récupère principalement tuant des ennemis, mais vous êtes sous un flot de dégâts constant, permanent et épuisant. Et c’est surtout le cas quand vous jouez seul. Bien que chaque arène soit conçue à la main, il n’y a pas de différence entre le jeu solo et le jeu en coop dans la disposition des ennemis.
On a jamais vraiment le temps de tirer, utiliser tranquillement ses compétences ou prendre des décisions défensives, ce qui empire avec les niveaux de difficulté qui augmentent, où le moindre soldat ou monstre basique peut prendre des plombes/une sacrée dose de plombs avant de mourir.
Bien que chaque arène soit conçue à la main, il n’y a pas de différence entre le jeu solo et le jeu en coop dans la disposition des ennemis.
Bien sûr, le système de World Tiers permet d’avoir une difficulté à la carte, et il n’est pas rare qu’un action-RPG avec des accents de Hack’n’Slash veuille pousser le délire le plus loin possible… mais les différents aspects du gameplay donne la sale impression de mal s’imbriquer.
Du coup, on passe le plus clair de son temps à claquer toutes ses compétences pour affiner les rangs ennemis et attendre patiemment qu’elles soient à nouveau disponibles. Bien sûr, des synergies émergent de certaines armes et de nos spécialisations (surtout que l’on peut remanier son arbre de talent à volonté), mais il en résulte à de gros problèmes de rythme durant les combats : l’action n’est jamais réellement fluide.
L’action n’est jamais réellement fluide.
Et puis… V’là les compétences, quoi. Tout n’est pas à jeter, mais pour des pouvoirs qui veulent apporter du spectacle et une sensation de puissance, il y a un manque de feedback flagrant dans leur utilisation et les effets visuels sont souvent ratés. J’ai une haine absolue envers les compétences à cible uniques qui se trompent en permanence de victime. Un petit cadre dans l’interface pour confirmer l’ennemi visé n’aurait pas été du luxe.
Je pense que le pire du lot vient des coups de mêlée qui n’ont aucun impact, au point qu’il est difficile de savoir qu’elle est leur portée réelle. Dans le cadre de mon Pyromage, il n’y a même pas d’effets visuels pour symboliser la vague de chaleur que je projette : l’impression de balancer ma main dans le vide et les ennemis prennent feu. Voilà.
Pour des pouvoirs qui veulent apporter du spectacle et une sensation de puissance, il y a un manque de feedback flagrant.
En fait, vous aurez constamment les yeux rivés sur le HUD pour comprendre ce qui vous arrive, puisque le jeu en lui-même communique extrêmement mal les différentes mécaniques qui rentrent en action de façon visuelle. Malgré un gameplay orienté clairement vers l’action, on perd en permanence le côté organique de cette dernière, ce qui ajoute une couche de problèmes supplémentaires aux soucis de rythme des combats soulevés plus tôt.
Altercations
On sait que la redondance est le pain quotidien de tout bon looter-shooter, mais… ça en devient extrêmement risible avec Outriders : les quêtes se contentent d’être une succession d’arènes avec une interaction de temps en temps pour compléter l’objectif. Avec des niveaux instanciés par zones ET sous-zones (découpés par des cutscenes de 5 secondes), la navigation devient elle aussi sans surprise et sans saveur. Heureusement, quelques fulgurances dans la direction artistique et des panoramas bien chouettes sauvent les meubles.
Avec Outriders, on parle aussi d’un bestiaire rachitique entre humains et extraterrestres bestiaux. À chaque fois que je rentre dans une arène, j’ai un petit jeu à moi : “quel type d’ennemi vais-je rencontrer cette fois ?” Pour gagner à tous les coups, j’ai une astuce : si vous notez la présence de couverts (que vous n’utiliserez quasiment jamais), vous êtes face à des humains ; si c’est relativement ouvert sans trop d’obstacles, c’est la faune locale. C’est im-pa-rable. Cela va sans dire que le level design est sans génie et ne participe pas vraiment à la sensation de variété du jeu.
Cela va sans dire que le level design est sans génie et ne participe pas vraiment à la sensation de variété du jeu.
La réelle bonne idée d’Outriders serait peut-être d’offrir de nombreux outils aux joueurs pour personnaliser leur équipement. Puisque 95% du matériel ramassé passe à la broyeuse, People Can Fly y donne un certain sens en stockant les nombreux — mais jamais folichons — pouvoirs passifs des armes et éléments d’armure dans une bibliothèque.
Libre à vous de trouver les bonnes bonnes synergies en menant des expériences assez engageantes, sans pour autant vraiment retirer le frisson du loot aléatoire grâce à quelques restrictions bien vues. Malheureusement (il y a toujours un putain de “mais” avec ce jeu), les objets légendaires n’ont absolument rien d’unique, en dehors de leur type pour les armes : vous pourrez les démonter sans aucun remord jusqu’à ce que vous trouviez l’archétype d’armes à feu voulu.
Les objets légendaires n’ont absolument rien d’unique.
Avec 15 niveaux de World Tiers à conquérir, il y a tout de même de quoi vous récompenser si la difficulté — et quelques situations absurdes — ne vous fait pas peur. Quitte à rendre la progression un brin tendu, chaque mort fait régresser votre progression de World Tier… ce qui renforce une fois de plus l’idée que jouer seul est tout sauf une bonne idée.
Comme dit plus haut, Outriders est vendu comme un action-RPG complet et pas comme un jeu-service, même s’il en a le parfum. Le titre permet de recommencer chaque quête à l’infini pour espérer du meilleur loot (l’intérêt des World Tiers), mais rien ne vous focalise réellement vers un type de quête en fin de jeu.
Outriders est vendu comme un action-RPG complet et pas comme un jeu-service, même s’il en a le parfum.
En dehors d’un mode expédition bien bourrin qui nécessite de nettoyer une suite d’arènes en un temps limité pour profiter des meilleures récompenses et atteindre le réel cap de niveau maximum, le titre ne propose pas réellement de contenu endgame… et ce n’est pas les boss sporadiques et peu intéressants qui vont changer la donne.
Je peux avoir Bulletstorm 2, maintenant ?
Outriders semble avoir eu beaucoup d’ambition lors de son développement, d’un point de vue game design comme narratif, mais le titre n’excelle dans rien… même dans le shoot, pourtant fer-de-lance du savoir-faire made in People Can Fly. En dehors de la boucle “shooter, looter, améliorer, répéter” qui peut fonctionner pendant un temps sans avoir trop de scrupule, le titre manque de personnalité de manière flagrante et s’oublie bien trop vite. Si vous n’avez pas deux amis pour perdre du temps de façon coordonnée pour quelques soirées, Outriders est très difficilement recommandable.
Ce qu’on a aimé :
- Gunplay bourrin, mais efficace…
- Boucle loot/shoot sans fioritures…
- Un certain effort dans la mise en scène et le world building…
- Plutôt agréable avec un groupe d’amis régulier…
- Classes plutôt complémentaires
- Personnalisation équipement/compétences assez poussée et unique
Ce qu’on n’a pas aimé :
- … qui se prend de plein fouet des soucis de rythme
- … mais qui manque d’aspérités et de profondeur
- … pour une histoire peu engageante (et inutilement vulgaire)
- … mais presque impraticable seul
- De la redondance, en veux-tu en voilà
- Level design scolaire
- Navigation entre les zones à la limite du crispant
- Pas mal de soucis techniques encore en cours de correction
- Des… fondus… en… noir… tout… le… temps…
Ce jeu est fait pour vous si :
Vous cherchez un jeu “sans se prendre la tête, hihi” le temps de quelques soirées.
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous détestez la sensation de progression artificielle et sans saveur ; vous avez passé déjà du temps sur d’autres action-RPG bien mieux finis et intéressants.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080 Ti
- CPU : Intel Core i9-9900k
- RAM : 32 Go DDR4
- Installé sur SSD
Outriders est disponible sur PC, Xbox One, PlayStation 4, Xbox Series, PlayStation 5 et Stadia.