Retour dans l’ouest sauvage américain avec Red Dead Redemption 2, qui nous offre un véritable simulateur de la vie du cowboy bandit pour le meilleur comme pour le pire.
Morgan de toi
Qui n’a jamais rêvé d’enfiler des bottes de cowboy et de parcourir les steppes du grand ouest américain ? À part Eddy Mitchell, je veux dire. Red Dead Redemption 2 nous plonge à l’aube du 20e siècle, une époque pétrie de mutations profondes de la société, notamment en raison de l’industrialisation des États-Unis. Dans la peau d’Arthur Morgan, vous serez amené à braquer, tuer, dévaliser, saboter et, surtout, chevaucher ; le tout quelques années avant l’époque de Red Dead Redemption premier du nom. Vous l’aurez compris, nous sommes dans un préquel.
L’histoire de Red Dead Redemption 2 apporte des détails juteux sur les événements qui ont mené à Red Dead Redemption, le tout via la perspective d’un nouveau protagoniste au charisme certain. Doté d’une écriture forte, le scénario, s’il n’est pas au niveau de son prédécesseur, reste néanmoins fort intéressant à suivre – avec ses moments poignants, haletants et sombres.
Les personnages en particulier se montrent très attachants – authentiques est l’adjectif qui me vient sans problème en tête. Chacun a sa personnalité bien développée et surtout bien trempée, qu’il s’agisse de Bill le pochtron oisif ou de Dutch l’idéaliste acharné.
Les personnages en particulier se montrent très attachants – authentiques est l’adjectif qui me vient sans problème en tête.
L’atmosphère se révèle être une petite merveille, notamment grâce aux plans de caméra (il est possible d’activer une vue cinéma durant les longues chevauchées) mais aussi et surtoutgrâce à la bande son, magistrale avec ses airs de guitare solitaire.
Immergé dans l’aventure jusqu’au colt
Le rythme du jeu s’égrène sans concession. C’est-à-dire que Red Dead Redemption 2 ne propose aucune coupure ou presque. Le mot ellipse est inconnu des développeurs de Rockstar. On met le doigt ici sur une première qualité qui se trouve aussi être un défaut. En effet, si les longues chevauchées dans le soleil couchant participent indubitablement à la mise en place de l’atmosphère si particulière du western, elles aident aussi le joueur à s’endormir, en particulier lorsque les personnages n’ont rien à se dire. Plus spécifiquement en ce qui concerne la quête principale, quelques coupures auraient été les bienvenues. Ce n’est jamais plus vrai que lorsqu’on enchaîne plusieurs missions principales.
Fort heureusement, Rockstar a créé un monde riche et vivant, comme on en voit que trop rarement. Moult événements aléatoires et personnages à rencontrer ou tout simplement à dévaliser me conduisent à vous conseiller de ne pas activer la vue cinéma afin de ne pas passer à côté.
En effet, de ce côté aussi les développeurs ont largement bossé leur copie et l’écriture est une fois de plus au rendez-vous. Nombreuses de ces rencontres font sourire ou carrément se tordre de rire. Le monde de Red Dead Redemption 2 ne manque pas une occasion de vous faire remarquer son caractère vivant, que ce soit à travers un rituel du Ku Klux Klan ridiculisé ou bien un type qui se fait imprimer les sabots de son cheval dans le derrière suite à un coup bien énergique de ce dernier.
En plus de cela, le camp des brigands qui vous tiennent lieu de compagnons est lui aussi doué de vie, avec ses chansons au coin du feu, ses personnages qui viennent régulièrement vous tenir la jambe et la possibilité pour vous de les saluer ou de les provoquer, selon que vous vous trouviez dans un bon ou un mauvais jour.
Disons-le sans détour : côté immersion, aucun jeu ne fait mieux que Red Dead Redemption 2 à l’heure actuelle.
Cette caractéristique est d’ailleurs vraie pour la totalité du monde du jeu, puisque vous pouvez engager la conversation avec n’importe quel péquenot, que vous ayez envie d’un échange cordial ou simplement de détrousser le pauvre bougre. Disons-le sans détour : côté immersion, aucun jeu ne fait mieux que Red Dead Redemption 2 à l’heure actuelle.
Le bon, la brute affectueuse et le truand pas si méchant
Cela va même plus loin puisqu’il est possible de se tirer d’une situation épineuse en choisissant dans les options de dialogue de “Calmer le jeu”. Cela ne marche pas toujours mais, la plupart du temps, cela peut par exemple vous éviter une arrestation. Un choix très agréable quand on a l’habitude, dans ce genre de jeu, de répondre aux forces de l’ordre avec ses revolvers.
Même si on ne peut s’empêcher de constater que certaines conversations tournent irrémédiablement court, il faut noter la grande quantité des lignes de dialogue. Je n’ai jamais entendu 2 fois la même conversation en allant tailler une bavette avec des types pris au hasard. La prouesse vaut largement le coup d’être mise en avant, d’autant que les conversations sont toujours cohérentes, quelle que soit l’option choisie. Alors certes, il arrive qu’on voie les raccords, mais tout de même.
Red Dead Redemption 2 donne le sentiment d’être très organique
C’est d’ailleurs via des conversations que l’on initie que la plupart des missions. Red Dead Redemption 2 donne le sentiment d’être très organique et tout s’enchaîne comme une belle aventure au far west à laquelle le joueur prend véritablement part à chaque instant – tout du moins lorsqu’il n’est pas en train de chevaucher.
Le principal regret que j’ai à prononcer côté immersion se situe du côté de la notion d’honneur, qui encourage implicitement le joueur à se la jouer vertueux en réservant par exemple le déblocage de certaines tenues à ceux qui sauront faire grimper le curseur du côté de la moralité. Pourquoi ne pas en proposer pour ceux qui choisiront de jouer le salaud ? Si on ne peut même plus dévaliser un couple de petits vieux dans sa ferme isolée sans être récompensé par autre chose que leurs maigres économies – il n’y a pas que le fric dans la vie ! Plus sérieusement, s’il est question d’inciter le joueur à conduire Morgan sur le chemin de la sainteté, autant l’assumer jusqu’au bout.
S’il est question d’inciter le joueur à conduire Morgan sur le chemin de la sainteté, autant l’assumer jusqu’au bout.
Notons aussi au passage que Red Dead Redemption 2 affiche pléthore de petits détails foutrement agréables pour les férus d’immersion mais que ceux-ci peuvent aussi user un brin notre patience à la longue – Morgan se positionne face aux corps et se penche pour les tirer à lui afin de les fouiller, le dépeçage des animaux est à tomber mais prend du temps, etc.
Enfin, les missions principales se montrent trop dirigistes comparées aux libertés que promet le monde ouvert du jeu et les scripts se font franchement ressentir. En particulier, on remarque que les quelques choix que l’on nous propose de faire durant les quêtes ne servent en fait strictement à rien. Par exemple, ne vous creusez pas trop la tête à savoir si vous devez privilégier discrétion ou pétarade absolu quand on vous demande votre avis : on s’en fout, de toute façon ça va péter. Le script, c’est le script, merde ! Si t’es pas capable de suivre ça, alors tu devrais faire un autre métier qu’acteur ! Quoi ? Comment ça t’es un joueur ?
Chasser à l’ennui tombé
Puisque nous abordons les détails du jeu, parlons de la quantité vertigineuse de contenu dans un monde ouvert immense. Les quêtes secondaires vont de la simple récupération d’objets à de la chasse à la prime en passant par la recherche de trésors enfouis. Où que vous alliez, il y a toujours où donner de la tête, il y a toujours une âme à dévaliser ou à aider, il y a toujours quelque chose d’intéressant à faire.
Où que vous alliez, il y a toujours où donner de la tête.
Ce monde est aussi pourvu d’à peu près 200 espèces d’animaux. Alors vous allez me dire : quelle utilité ? Et c’est bien le souci : aucune en dehors de forcer le trait réaliste du titre. Ce n’est pas un mal en soi, néanmoins cela reste du budget de développement qui aurait pu être alloué ailleurs, comme à la possibilité de donner une réelle pertinence à la chasse ou à la gestion du camp, pour ne citer que cela.
En effet, Red Dead Redemption 2 offre la possibilité de tirer du cycliste de l’animal pour en extraire des peaux et des aliments, mais aussi pour faire des dons au camp afin de subvenir aux besoin de ses alliés ou bien de fabriquer de ravissantes sacoches et améliorations cosmétiques pour la base. Sauf que dans les faits, rien ne nous incite à user des ces caractéristiques : il n’y a aucun besoin réel d’aller chasser et les améliorations du camp, esthétiques ou non, apportent en réalité bien peu d’intérêt.
D’ailleurs, l’argent constitue un autre élément de peu d’intérêt ; ce qui est quand même dommage quand Dutch passe son temps à dire qu’il faut absolument réunir de l’argent pour pouvoir démarrer une nouvelle vie loin de tout problème – c’est d’ailleurs le problème principal sur lequel repose une bonne partie du scénario. Ben tiens, amigo, moi j’ai 10.000$, bouge pas, je t’en ramène autant demain et on est bon pour l’aventure. On trouve du flouze partout et on ne ressent pas tellement le besoin de le gérer correctement, ce qui fait qu’on le jette littéralement par les fenêtres – et cela diminue d’autant plus l’intérêt de la chasse qui nous permet de vendre ce qu’on y récupère.
Haut les mains, bas la tête
Mais qu’est-ce qu’on en a à branler des billets verts quand on peut trouer du péquenot ? Il faut le dire : les fusillades de Red Dead Redemption 2 se révèlent aussi spectaculaires qu’élémentaires. C’est dire si on en prend plein la tronche. Quand on dégaine ses revolvers dans RDR 2, on sait qu’on va passer un bon moment, mais on sait aussi que la frustration n’est pas loin tant le curseur de difficulté des combats est ridiculement bas.
Une pression sur la gâchette gauche, un léger à-coup sur le joystick droit et BOUM ! Headshot ! Imposer un peu de challenge au joueur n’est pas tabou, c’est même revenu à la mode, alors pitié donnez-nous-en !
Imposer un peu de challenge au joueur n’est pas tabou, c’est même revenu à la mode, alors pitié donnez-nous-en !
Là où l’intérêt des fusillades reprend du poil de la bête, c’est dans leur mise en scène, la quantité d’ennemis et la possibilité d’activer le système Sang-froid – toujours aussi diablement efficace. Celui-ci vous permet de ralentir le temps à l’extrême et de marquer soigneusement chacune de vos cibles pour pouvoir les dézinguer à la chaîne comme des cacahuètes à l’apéro. La musique qui accompagne généralement ces affrontements participe grandement au plaisir que l’on éprouve.
Les échanges de tir à cheval sont également de la partie et il est bien entendu possible de trouer un canasson ennemi pour le faire tomber de manière ô combien satisfaisante. En revanche, il faudrait que Rockstar arrive à déterminer une bonne fois pour toutes si notre cheval est doué ou non d’intelligence, parce que je n’arrive toujours pas à comprendre ce qui fait qu’il saute un obstacle sans problème pour, 2 minutes plus tard, rencontrer un élément de taille et de hauteur similaire.
Je veux dire rencontre de manière intime, dans le sens rencontre magique des dents et de la palissade, par exemple.
Tamagotchi Unchained
Au passage, vous devrez bien prendre soin de votre cheval : le brosser quand il est sale, le nourrir quand il est faible… Le but affiché par Rockstar était de provoquer un sentiment d’attachement pour la monture. En ce qui me concerne, je suis surtout attaché aux compétences que j’ai développées chez lui à force de le caresser un nombre incalculable de fois. Donc effectivement je suis triste s’il meurt, mais à l’évidence pas pour les bonnes raisons.
Notons qu’il faut aussi prendre soin de Morgan et que cela se fait, comme pour son cheval, non pas en le caressant, mais à travers des “noyaux”. Système un peu compliqué à comprendre au départ, il est en fait assez bien foutu puisque la santé, l’endurance et le Sang-froid sont chacun représentés par une icône blanche encerclée d’une barre de la même couleur plus ou moins importante. Les barres sont vos niveaux réels de santé & co tandis que les symboles constituent leur faculté de régénération. Videz tout et Morgan tirera un peu la tronche (dans le cas de la santé, il subira un petit contretemps : il mourra).
Imaginez Iron Man qui déboule chez les cowboys.
Si l’on fait attention à ces niveaux au départ, il est en fait possible de se concocter des aliments et boissons qui permettent de les booster et même de les maintenir au maximum quelques instants. Autant dire qu’à partir de là, la maigre difficulté des combats devient carrément rachitique. Pour vous donner une idée, imaginez Iron Man qui déboule chez les cowboys.
L’horizon pour seule limite
Graphiquement le jeu est à tomber, même si la Xbox One X constitue sans nul doute la console de choix pour profiter de la 4K. En effet, la PS4 Pro,capable d’afficher (bruyamment) un monde à tomber par-terre, accuse toutefois le coup à cause du supersampling là où la console de Microsoft est d’une précision incroyable.
Si vous ne vous attachez pas trop aux détails, vous ne le verrez pas plus que ça et, dans tous les cas, les tableaux qui composent le titre sont magnifiques du point de vue de la direction artistique et des finitions. Chaque version plaira à un public dont l’œil est plus ou moins exigeant.
Graphiquement le jeu est à tomber.
Les animations faciales sont très réussies et rendent les dialogues encore plus prenants, de même qu’ils facilitent énormément l’attachement que l’on éprouve pour Morgan.
Côté animation du personnage, en revanche, on ne peut que regretter la lourdeur de ce bon vieux Arthur, qui décidément a bien du mal à se déplacer alors qu’il n’est pourtant pas bien âgé. Il faut en plus préciser que certaines actions contextuelles imposent de se placer correctement pour pouvoir les réaliser, le combo de folie quoi, puisqu’on se retrouver à tourner sur soi-même quelques secondes pour y parvenir.
Là où Red Dead Redemption 2 m’a le plus marqué sur le plan graphique, cela reste du côté de la distance d’affichage. Un clipping réduit à l’extrême, peu ou prou de scintillement, la performance technique du dernier-né de Rockstar est incroyable, surtout avec un monde aussi riche, étendu et varié.
Bandit pas si manchot
Red Dead Redemption 2 est aussi prenant qu’il sait se montrer frustrant. Beau à en crever, offrant un monde énorme qui réussit le pari d’être vivant, doté d’une écriture aussi forte que son doublage, pourvu d’une mise en scène et d’une narration sans concession, le bébé de Rockstar fait aussi les frais de son intransigeance. Ses combats manquent de difficulté (et donc d’intérêt), ses longues sessions de Ballade à Cheval Simulator ont tendance à provoquer la somnolence, des activités prometteuses peinent à justifier leur présence… On l’aime autant qu’on en vient parfois à la détester tant son intemporalité se retrouve dans toutes ses facettes, bonne ou mauvaises. Dans le fond, Red Dead Redemption 2 demeure un incontournable absolu pour tous les partis pris qu’il prend et pour toutes ses qualités qu’il pousse au bout du vice.
► Points forts
- Un contenu énorme et varié.
- Le jeu western par essence, avec une atmosphère comme nulle part ailleurs.
- Bande son aux petits oignons.
- Mise en scène soignée et ultra efficace.
- Excellente écriture, servie par un doublage qui l’est tout autant.
- Immersion et liberté largement au rendez-vous.
- Pouvoir parler à tout le monde, dévaliser ou désamorcer des situations simplement par le dialogue.
- Attaquer des trains !
- Narration sans concession qui participe à l’ambiance…
► Points faibles
- … mais aussi aux longueurs.
- Le prologue est une purge dont une bonne partie aurait pu être réduit à une simple cinématique.
- Le réalisme nous emmène parfois (vraiment) trop loin.
- Sur toute une partie, combien d’heures sponsorisées par Alexandra Ledermann ?
- Chasse et gestion de camp n’ont aucun intérêt.
- Système d’honneur un peu décevant.
- Le saint script ne tolère pas d’écart.
Ruée vers l’or
Testé sur PS4 Pro.
Red Dead Redemption 2 est disponible sur PS4/Pro et XB1/X.