17 ans après le remake du premier Resident Evil, Capcom raconte enfin — de nouveau — la suite des débuts de la saga Biohazard. Jill et Chris laissent place à Leon et Claire qui vont revivre, une fois de plus, la catastrophe de Raccoon City.
Biohazard: RE 2
Grosse surprise de l’E3 2018, Capcom annonce un nouveau Resident Evil/Biohazard, et pas n’importe lequel : le remake tant attendu et inespéré de Resident Evil 2 — très longtemps après le remake du premier épisode sorti en 2002 — existe. Plutôt que de faire une simple redite, Capcom a mis le paquet et compte réimaginer complètement son vieux classique, tout en restant fidèle au matériau d’origine.
Cela commence forcément par son aspect graphique, terriblement dans l’air du temps. Déjà assez saisissant dans Resident Evil 7, le RE Engine se pose là comme moteur maison ultime de l’éditeur. Les possibilités offertes par le moteur permettent une direction artistique qui se veut photo-réaliste avec des jeux de lumière qui donne un cachet terrible au moindre couloir mal éclairé, rendant le commissariat de la RPD plus effrayant que jamais. Le plus marquant reste sans doute l’expression faciale des personnages et des animations terriblement réalistes (ce qui retombe un peu à plat avec les créatures moins “humanoïdes” animées à la main).
De la même manière que Resident Evil 7, Resident Evil 2 tente d’apporter une atmosphère plus crédible à jeu qui avait pourtant tout d’un film de série Z. Les différents protagonistes — pourtant bien connus — ont été Gaijinisé (un terme entendu que j’aime bien), calqués sur de vrais acteurs, afin de les rendre plus humains et se détacher de cette vision nippone des États-Unis (ça ne plaira pas forcément). Ça passe aussi par les fringues de Claire.
Cela passe également par la mise en scène avec des dialogues retravaillés et plutôt soignés qui donne plus de profondeur aux personnages, la famille Birkin en tête. Si la trame narrative en générale est très proche de l’oeuvre originale (voire un peu trop), tout ou presque a été densifié, donnant à boire et à manger aux fans hardcores comme aux néophytes de la licence. Le pauvre Robert Kendo subit un sort encore pire que sa mort de 1998.
Oh, et ce remake de Resident Evil 2 profite d’une version française intégrale de très bonne facture (même si les acteurs ne sont pas toujours bien dirigés).
C’est tout pareil, mais pas pareil
On retrouve alors Leon Kennedy, jeune recrue de la police de Raccoon City qui débarque en ville pour son premier jour de service, et Claire Redfield, soeur du héros du premier opus actuellement à la recherche de ce dernier (ayant disparu depuis les événements du manoir). Tout deux ne pouvaient s’attendre à ce qu’ils allaient trouver en ville : des centaines de morts ambulants qui boulottent tout ce qui passe. Le but étant de comprendre ce qu’il se passe et y mettre un terme, mais cette histoire, vous la connaissez déjà.
Séparés dès le début de l’aventure alors qu’ils venaient de se rencontrer, le jeu vous invite à jouer au jeu deux fois, une fois pour chaque héros. Si une grosse portion de l’aventure est similaire pour les deux personnages, tous les deux auront droit à leurs phases de gameplay exclusives, leurs propres armes et leur propres sous-intrigue.
Comme son illustre ancêtre, la rejouabilité est donc au centre de l’intérêt du titre. Dès qu’une campagne est terminée avec un personnage, une campagne bis se débloque pour l’autre. On zappe alors l’introduction et est directement largué dans le cauchemar du commissariat.
C’est assez étrange, parce que si la finalité des campagnes se rejoint de points de vue différents, les deux personnages ont grosso modo vécu les mêmes événements (les mêmes combats de boss, par exemple). Pourtant, Capcom avait signalé qu’il abandonnerait le système de “routes” alternatives pour se consacrer à une narration plus linéaire qui tienne mieux… la route. C’est vrai d’une certaine façon, mais on aurait aimé une différence plus prononcée entre les deux campagnes.
Histoire de se différencier un peu plus de l’oeuvre originale, c’est alors l’occasion d’incarner — un court instant — Ada Wong pour la trame de Leon et Sherry pour celle de Claire. Chacune possède un petit élément de gameplay qui brise la progression classique de la campagne principale (un outil de piratage pour Ada et l’impossibilité de se défendre pour Sherry), mais ces phases sont malheureusement assez courtes.
On notera également une mise en scène qui commence de “très bien et immersive” à trop classique. Si les scènes cinématiques sont initiées par le gameplay en début de partie, les événements s’activent ensuite sans réelle transition, ce qui n’a pas le même impact sur l’immersion, contrairement aux deux premières heures.
Mais que fait la RPD ?
Ce qui fait le sel de ce remake, c’est bien sûr un gameplay moderne transposé dans le game design du titre de 1998. On reprend évidemment la vue d’épaule qui a révolutionné le genre avec Resident Evil 4, mais la caméra reste libre autour du personnage quand il ne vise pas.
L’interface est identique au septième épisode et le système de visée est également assez proche. Chaque arme a sa propre personnalité et se manie d’une manière différente d’une autre. Il est juste dommage qu’il faille autant de balles pour buter un seul zombie, même en visant uniquement la tête.
La fuite a toujours été une option viable dans un Resident Evil, mais quand l’affrontement est inévitable (souvent), vider un chargeur et demi dans la tête d’un seul zombard alors que les balles trouvées dans un carton — il est plein sur l’image, merde — se comptent sur les doigts d’une main, ça a le mérite d’être frustrant. Et encore, c’est sans compter sur l’aspect aléatoire de leur barre de vie et le fait qu’il peut se relever à tout instant, même bien plus tard. On est tellement à court parfois qu’il arrive qu’on frôle le softlock. Ah ça, pour un game design à l’ancienne….
On manque clairement d’options pour les combats et le gameplay manque de souplesse. Si un zombie se sent un peu trop affectueux, si vous n’avez pas d’armes secondaire, il n’y a rien pour l’empêcher de vous baiser la nuque. Idem s’il vous attrape une jambe, alors qu’il y a tout le temps du monde pour lui mettre une tatane. Même si vous casserez beaucoup de couteaux pendant l’aventure avec les contre-attaques, une utilisation offensive de ces derniers est bien trop peu efficace pour être viable. Il faudra toujours rester à une bonne distance de sécurité et prendre son temps pour viser. Chaque balle compte.
Si on peu résumer le gameplay en quelques mots : à part une vue à la troisième personne et la possibilité de tirer en bougeant (c’est suffisamment rare dans la série pour être souligné), le tout reste assez rigide et aurait mérité une prise de risque un peu plus poussée.
Morts bien trop vivants
Pourtant, il y a un sens du détail assez prodigieux sur le reste, surtout la modélisation des zombies car il y a une réelle volonté de les réhabiliter en tant que menace principale de l’univers. Ils sont tous uniques et on jurerait qu’ils possèdent une personnalité propre à leur façon de déambuler dans les couloirs. Ils sont surtout hautement “destructibles”, ce qui résulte à des effets gores du plus bel effet. Idem pour le feu qui brûle littéralement la chair et les vêtements des ennemis. Il ne manque plus que l’odeur.
Impossible également de ne pas mentionner le Tyran, cet homme de main d’Umbrella indestructible qui vous poursuivra jusqu’au bout de la nuit à travers les couloirs du commissariat. Vous entendrez ses pas lourds dans les pièces proches ou aux étages en train de vous chercher, et c’est absolument angoissant, si ce n’est terrifiant. On sent que les gars de chez Capcom ont beaucoup joué à Dead Space et le sound design est un élément clé de l’immersion. Bien ouvrir ses esgourdes peut donner des informations vitales au détour d’un couloir, la localisation sonore étant de bonne facture. Il faudra d’ailleurs éviter de courir à tout bout de champ, le bruit de vos pas alertant les zombies proches et le Tyran dans le bâtiment. Si ce dernier n’est pas bien méchant dans la première run, il sera bien plus relou dans une campagne bis. On aurait cependant aimé pouvoir courir autrement qu’en petite foulée.
Chaque macchabée reste sur place jusqu’à la fin de la partie et des flashbacks d’un combat ardu nous viennent à l’esprit quand on les recroise. Cela renforce une ambiance qui reste assez folle tout le long du jeu. D’autant plus que TOUS les corps répartis dans le commissariat sont des zombies. On devient alors rapidement paranoïaques et on prie pour que le machin allongé au bout du couloir ne se lève pas subitement quand on marchera à côté. Mention spéciale aux réactions de Claire et Leon qui ne peuvent s’empêcher de lâcher un juron quand un zombie ne veut pas se coucher ou le réflexe de se protéger avec un cri de frayeur quand il s’affale sur eux alors qu’il est bel et bien inerte. C’est pour ce genre de petits détails que l’on joue.
Après, le jeu ne fait pas spécialement peur, et c’est un type qui a désinstallé Alien: Isolation après la scène d’introduction du Xenomorphe qui le dit. Malgré une ambiance au poil, les quelques moments de panique qui surviendront seront surtout dus à la tension de certaines situations (un licker que l’on n’aurait pas anticipé, un zombie qui titube et qu’on n’arrive pas à aligner, etc). Quelques jumpscares, mais toujours bien amenés (certains mecs chez Capcom sont des sadiques). Pour des sensations authentiques, privilégiez le mode hardcore où le nombre de sauvegardes est limité par les rubans d’encre (comme à l’époque) et où la deuxième arme arrive bien plus tard.
Il paraît que Raccoon City est sympa à cette époque de l’année
Bien sûr, la vraie star d’un Resident Evil, c’est le level design, et c’est sûrement l’aspect du jeu le mieux réussi. Les fans reconnaîtront la forme de la carte du commissariat et certains endroits jusqu’au petit escalier extérieur ont été fidèlement reproduits, à commencer par les bureaux. Le comble du luxe, la temporalité du titre se déroule toujours en 1998 et les détails à ce sujet ne manquent pas, l’équipe du jeu s’étant assuré d’éviter les anachronismes (même si on a des doutes vu la tronche du NEST).
Bien sûr, les puzzles alambiqués qui n’ont pas vraiment de sens sont de retour. Certains viennent du jeu d’origine ou ont été modifiés, d’autres sont tout nouveaux tout neufs. Même si on multiplie les allers-retours dans le commissariat, on est jamais vraiment perdu et la lisibilité de la carte est un vrai plus, cette dernière allant jusqu’à marquer s’il reste des objets à récupérer dans telle ou telle pièce, les points d’intérêts et les portes verrouillées visitées avec la clé correspondante. C’est tellement bien fait que je trouve que c’est parfois limite de la triche. On s’approprie, certes, les lieux, mais on devient presque infantilisé. Après, il est clair que c’est une bonne dose d’ergonomie en plus.
Si vous désirez récupérer tous les objets d’équipement (ce qui ne sera jamais de trop), vous allez devoir creuser vos méninges, mais rien d’insurmontable (c’est souvent trop facile ou évident). Cependant, une fois le commissariat laissé derrière soi, l’aventure devient plus linéaire, voire monotone, malgré deux ou trois puzzles assez corsés.
D’ailleurs, on regrette que Capcom n’ait pas laissé la ville s’exprimer plus . Comme dans le jeu d’origine, une fois arrivé au commissariat au début de la campagne, on ne voit plus grand-chose de Raccoon City. C’est dommage pour une ville qui est mentionnée tout le temps dans la série. À part un nouvel environnement inédit pour la — courte — phase de gameplay de Sherry, on reste à patauger dans les égouts et à farfouiller dans les locaux du NEST. Même si le redesign prononcé de ces deux chapitres vaut le détour, il y avait sûrement matière à faire bien plus. Même de nouveaux personnages… que sais-je.
Comme le jeu nous invite à le refaire bon nombre de fois pour débloquer modes de jeux secrets ou autres costumes farfelus, les runs qui suivent les deux premières perdent de leur saveur : on connaît les énigmes et les mots de passe et plus grand-chose peut nous surprendre. C’est pour cela que Capcom a eu la bonne idée d’inclure un système de scoring avec des récompenses à la clé (déjà présents en 1998). Rien de bien neuf sous le soleil, mais ça a le mérite de tenir le joueur motivé en haleine pendant quelques dizaines d’heures.
Comptez entre 8 et 10 heures pour finir la première campagne et environ 6 heures pour boucler la bis. Attention au mode hardcore qui va littéralement vous bouffer du temps de jeu si vous mourez bêtement sans sauvegarder, où l’on passe de “OH NON, JE VEUX PAS CREVER” à “OH NON, JE VEUX PAS TOUT RECOMMENCER”.
Lointain cauchemar
Si ce Resident Evil 2 n’est finalement pas une vraie relecture en profondeur du grand classique de la PSX, il aura quand même largement mérité son titre de remake. Entre une réalisation propre, une ambiance soignée et un level design qui fonctionne de feu de Dieu qu’on soit expert de la série ou petit nouveau dans l’univers Biohazard, le dernier titre de Capcom mérite toute votre attention. Si la technique est dernier cri, le game design reste cependant un brin vieillot et certains aspects auraient mérité un meilleur traitement, tout comme la progression qui reste presque trop proche du modèle d’origine. N’empêche, pour le simple fait que le premier zombie venu soit ressenti comme un véritable danger, le titre remplit parfaitement le contrat et vous risquez de passer un très bon séjour à Raccoon City.
► Points forts
- Revisiter une histoire devenue culte
- Le RE Engine fait des merveilles
- Cette ambiance !
- Une exploration fluide et agréable
- Enfin du gore qui dérange
- Une VF assez bonne
- Le mode hardcore, seule vraie manière de jouer
► Points faibles
- Les combats peuvent frustrer
- L’inventaire aussi
- Deux campagnes bien trop similaires
- Malgré des efforts, le scénario reste très superficiel
- Encore beaucoup trop d’allers-retours
- On aurait aimé voir plus de lieux inédits de Raccoon City
- Les phases d’Ada et Sherry bien trop courts
- La caméra arrive parfois à se coincer dans le décor
- L’excellent pack des musiques d’origine en DLC
“Merci d’avoir choisi Umbrella Corporation”
War Legend a bénéficié d’une copie presse PS4 fournie par l’éditeur de ce jeu.
Resident Evil 2 Remake sera disponible le 25 janvier 2019 sur PC, Xbox One/X et PS4/Pro.