FromSoftware signe avec Sekiro: Shadows Die Twice un titre tout à la fois similaire et étranger aux Soulsbornes. Tuerie ou un coup d’épée dans l’eau ?
Test réalisé sur PS4 Pro.
Kuro fond te cacher
Sekiro nous plonge dans la peau de Loup, un shinobi recueilli dès sa plus tendre enfance sur un champ de bataille. Au service d’un jeune maître à la lignée ancienne et teintée du sang du dragon, Loup perd son bras en tentant de le sauver. Il est tiré d’affaire pour un mystérieux sculpteur de statuettes de Bouddha qui lui pose une prothèse pour remplacer son membre perdu. Loup n’aura alors de cesse de retrouver Kuro, son maître, et de venger son honneur bafoué.
L’histoire de Sekiro: Shadows Die Twice démarre sur une intrigue simple et, on peut le dire, assez commune si l’on omet la prothèse ninja. Les habitués des Soulsbornes pourront être déroutés devant tant de clarté et une histoire assez ancrée dans la réalité. C’est sans compter sur la progression de celle-ci qui nous rappellera bien vite que l’on est dans un jeu FromSoftware et que Miyazaki, patron du studio, ne plaisantait pas quand il disait que Sekiro resterait dans la dark fantasy.
La narration a en revanche pris un coup dans la gueule. Pour la première fois Miyazaki a travaillé avec une équipe de scénaristes, et ça se sent. L’histoire de Sekiro: Shadows Die Twice a beau se parer de mystère et d’originalité, elle le fait tout de même nettement moins que par le passé. De plus, contrairement à ce qu’a avancé le studio en amont de la sortie, la narration par les objets, tant appréciée des fans, a été largement revue à la baisse, que ça soit en termes d’importance ou de qualité d’écriture – certains textes ont vraiment une odeur de “on n’avait pas le temps”. C’est maintenant avant tout un moyen d’apprendre quelques détails supplémentaires sur certains personnages et non plus le moyen de comprendre l’univers du jeu.
La narration a […] pris un coup dans la gueule.
C’est aussi dû au fait que les personnages sont beaucoup plus bavards que dans les productions précédentes de FromSoftware. Tous se montrent intéressants et révèlent des motivations qui leur sont propres. Ce que Sekiro: Shadows Die Twice perd du côté de sa narration traditionnelle, il en regagne une petite partie à travers ses personnages. Une petite partie. Même sans se focaliser sur la comparaison avec les Soulsborne, la narration et l’écriture de Sekiro sont très correctes, mais manquent toutefois de saveur.
Le héros principal est également doué de parole, ce qui est un sacré changement ! Bon alors restons bien calmes, il enchaîne quelques mots mais bien davantage les morts
Pas de bras, pas d’assassinat
Vous ne disposez que d’un katana et de votre prothèse pour désosser les adversaires. Cette dernière peut accueillir jusqu’à 9 modifications, toutes ayant un effet bien particulier. Exit donc les équipements à looter un peu partout, et cela vaut aussi pour l’armure que vous portez. Vous êtes un shinobi, point barre. FromSoftware a délaissé cet aspect de l’action-RPG pour se concentrer sur de l’action-aventure ciselée.
Le résultat est une aventure taillée pour une seule classe et donc, forcément, tout le monde a droit à la même aventure et aux mêmes difficultés. Tout le monde peut exploiter tous les points faibles de toutes les cibles, accéder à la totalité du jeu, etc. Moi qui suis un très gros adepte du loot, je n’ai ressenti aucun manque dans Sekiro: Shadows Die Twice du début à la fin. Ceci s’explique en partie par le “petit” butin que l’on trouve très régulièrement : boulettes pour le soin, bonbons pour des boosts de stats et surtout des objets uniques comme par exemple les outils de prothèse shinobi, mais pas que.
Les outils ont droit à un arbre d’évolution.
De plus, les outils ont droit à un arbre d’évolution qui permet, en récoltant des matériaux et en payant avec des sen durement acquis, de développer de nouvelles versions de chaque outil pour en modifier/améliorer les effets. Notons que parmi les trouvailles uniques, il y a des ingrédients rarissimes qui permettent certaines améliorations bien puissantes.
Les modifications de prothèse shinobi partent d’une bonne idée puisqu’ils permettent, d’une certaine manière, de personnaliser l’expérience, même s’il est avant tout question d’exploiter les points faibles – personne ne va utiliser autre chose que la prothèse destinée à exploiter ZE point faible de tel boss (les pétards effraient les bêtes, la hache casse les boucliers, etc.). Malgré tout, je regrette que ces modifications ne soient pas davantage exploitées.
En dehors des boss, je ne m’en sers absolument pas. Peut-être est-ce un réflexe que je n’arrive pas à chopper, mais je n’en vois tout simplement pas l’intérêt – et c’est dommage car le hache pour casser les boucliers annonçait du bon ; on dirait que les développeurs ont un peu renoncé en cours de route. Il en va de même pour certains boss pour lesquels je n’ai pas eu à utiliser la prothèse, non pas que je sois excellent, simplement aucune prothèse n’était adaptée à mon sens.
Surtout, cela ajoute une dose de complexité dans des combats qui le sont déjà sacrément. Certains boss se montrent particulièrement féroces et il faut véritablement faire entrer leurs patterns dans la mémoire musculaire, alors ajouter la prothèse dans l’équation… il me paraissait plus simple de tout simplement ignorer ce qui pourrait constituer un bien maigre avantage.
Les outils de prothèse laissent un goût de trop peu.
Les outils de prothèse laissent un goût de trop peu, comme si les développeurs avaient tenu à intégrer un élément de personnalisation pour atténuer la frustration de ceux qui regretteraient trop l’absence de choix de classe ou de personnalisation du personnage. Au final, il semblerait qu’ils aient dû faire des choix pour sortir le jeu à temps et qu’ils aient préféré concentrer le game design sur d’autres points, et ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre, considérant les énormes qualités de ce Sekiro.
Seppukomavant
La furtivité est de mise dans Sekiro. Une 1e pour FromSoftware qui s’en sort très bien, même si on doit noter que lorsqu’on arrive sur le côté d’un ennemi, à priori il devrait nous voir vu qu’il n’a pas d’œillères, mais bon je chipote. J’ai personnellement beaucoup aimé la furtivité de Sekiro: Shadows Die Twice et l’élément stratégique qu’elle apporte.
En effet, chaque situation peut être envisagée de plusieurs manières, mais le but du jeu est de chercher la route optimale, celle qui vous laissera le moins d’ennemis possibles à tuer en combat. Pour cela vous disposez de fourrés, de planques, de la possibilité de vous plaquer contre les murs ainsi que de la verticalité des niveaux grâce au gadget de prothèse activé en permanence : le grappin. Il est aussi possible de regagner sa discrétion en disparaissant du champ de vision des ennemis.
On vit vraiment des séquences tendues [entre] vitesse et discrétion.
Ah, et puis il y a les ninjutsus. Ils sont assez peu nombreux et vous pouvez en équiper 1 à la fois, mais ils apportent beaucoup. Le plus connu (pour éviter de vous spoiler quoi que ce soit) est un nuage rouge que vous pouvez déclencher suite à une exécution et qui vous permet de regagner immédiatement votre furtivité, ce qui vous permet de déclencher un 2nd coup mortel sur un autre adversaire.
On vit vraiment des séquences tendues où vitesse et discrétion doivent être utilisées en combinaison pour vous permettre ne serait-ce que de survivre au combat à venir. Bref, FromSoftware a très bien bossé sa copie sur cet aspect. Vous êtes un ninja, pas un soldat en armure, et cela se ressent très bien, y compris quand il s’agit de se jeter dans la mêlée.
Le système de combat de Sekiro: Shadows Die Twice tient du génie. C’est du Mozart : ça éclate la gueule de Jul sans problème.
Le système de combat de Sekiro: Shadows Die Twice tient du génie.
Tout d’abord, il est possible de faire évoluer son personnage selon des arbres de talents, arbres qui se débloquent au fur et à mesure pour vous permettre de maîtriser plusieurs écoles de combat, dont certaines sont dissimulées (je vous avais dit que le loot restait intéressant). Ces écoles présentent de nombreuses compétences qui vous permettront par exemple de réaliser un contre Mikiri, ce qui revient à marcher sur la lame de l’adversaire lorsqu’il réalise un estoc.
Des arts de combat sont également déblocables pour chaque école. Ceux-ci ajoutent une attaque à votre set de combat et vous ne pouvez en équiper qu’un seul à la fois. Il en existe relativement beaucoup et apportent de la variété et de la puissance à votre jeu.
Vous voilà armés pour tout défoncer, et c’est tant mieux, car tout ce que vous avez entendu est vrai : Sekiro est le plus difficile des jeux FromSoftware.
Très difficile desu
Constitué d’un bestiaire étoffé, de mini-boss et de boss, Sekiro: Shadows Die Twice offre une aventure dont la longueur est alignée sur celle des précédents jeux du studio même si un poil plus courte. Ne vous méprenez pas sur l’appellation mini-boss : beaucoup valent leur pesant de cacahuètes en termes de challenge.
Tous disposent de 2 barres de vie, mais surtout de 2 barres de posture. Je m’explique : la vitalité dans Sekiro est bien moins importante que la posture. Vous pouvez tout à fait éclater un adversaire avec un coup mortel alors qu’il lui reste 60% de sa santé. Pour un boss, vous devrez réaliser 2 coups mortels, donc détruire 2 barres de posture à la suite. Ceci est influencé par les parades que vous placez à temps et les coups que vous infligez. La vitalité, de son côté, conditionne la vitesse de régénération de la posture – il faut donc la bouffer, mais uniquement pour parvenir à dégommer la posture.
Vous ne pouvez absolument pas vous contenter d’être passif et de gérer vos parades.
Le génie des combats de Sekiro réside là-dedans. Vous ne pouvez absolument pas vous contenter d’être passif et de gérer vos parades – l’ennemi se contentera de se reposer pour régénérer sa posture et recommencer à vous attaquer, et si c’est votre posture qui tombe à 0, vous aurez droit à la même punition : un coup mortel. Vous devez donc agresser votre adversaire pour maintenir la pression, même si vous craignez qu’il vous fasse un retourné facial, sinon vous n’avez aucune chance de gagner. Et dans le même temps, vous devez reconnaître ses mouvements pour parer au bon moment et continuer à lui foutre la fièvre.
Le résultat, ce sont des combats foutrement intenses comme jamais je n’en avais fait l’expérience, et dignes de films d’arts martiaux. Les combats de Sekiro sont dynamiques, exigeants et hypnotiques, d’autant que la bonne vieille invincibilité de roulade n’est plus : si vous êtes sur la trajectoire de la lame, vous êtes touché (bon, il y a quelques petites bienveillances ça et là, mais c’est comme donner 2 gouttes d’eau à un assoiffé dans le désert). Vous devez, à chaque attaque, choisir entre sauter, esquiver ou parer, et vous devez vous décider très vite. Une esquive au lieu d’un saut sur une balayette ? Touché. La parade maintenue au lieu du contre Mikiri sur l’estoc ? Touché. Mauvais timing sur la parade lors d’un enchaînement de coups ? Touché. Les 3 à la suite ? Coulé.
Des combats foutrement intenses comme jamais je n’en avais fait l’expérience, et dignes de films d’arts martiaux
J’ai toujours admiré FromSoftware pour sa capacité à gérer une courbe d’apprentissage avec une courbe de difficulté relevée. C’est toujours intense, mais on peut systématiquement s’en sortir. En gros si on perd, on ne peut s’en prendre qu’à soi-même. Nombreux sont ceux qui ont tenté de copier la prouesse et sont tombés complètement à côté car ils n’ont tout simplement pas compris la démarche de l’équipe de Miyazaki ; ils sont partis dans la difficulté pour la difficulté. Absurde. Pour la 1e fois, FromSoftware mange un peu la ligne avec Sekiro. J’ai relevé 2 ou 3 combats pour lesquels on tombe dans l’absurde et c’est dommage. Espérons que ce ne soit pas le début d’un engagement sur une pente très glissante.
Mangez, car ceci est mon katana dans vos dents
N’oublions pas de mentionner la caractéristique sponsorisée par Jésus : la résurrection. Loup peut revenir à la vie jusqu’à 3 fois, mais il y a de multiples restrictions. Ceux qui ont pensé que la résurrection faciliterait considérablement les choses peuvent aller se rhabiller.
Déjà, le regain de furtivité par la résurrection ne fonctionne que sur les ennemis les plus faibles. Certains adversaires un peu plus puissants, mais qui ne sont même pas des mini-boss, ne sont pas abusés par la manœuvre alors que les 1e images de gameplay montraient un mini-boss qui se faisait découper grâce à cette technique. FromSoftware est resté très discret sur cette capacité pourtant fondamentale et, un peu à l’image des feux de camps que l’on devait pouvoir créer soi-même dans Dark Souls 3, je pense que le studio s’est retrouvé un peu emmerdé avec cette capacité qui est au final avant tout devenue une 2nde chance de survivre et ne pas perdre la moitié de son argent et de son XP.
En effet, il n’est pas question ici de retourner à l’endroit de votre mort pour récupérer la totalité de votre expérience. Au lieu de ça, en cas de décès confirmé (retour à une idole), vous perdez définitivement la moitié de vos acquis. Pour l’XP, il s’agit “seulement” du niveau de compétence en cours. Si vous avez déjà débloqué 5 points de compétences à dépenser dans les arbres de talent, vous ne pourrez pas repasser à 4 points de compétence.
En cas de décès confirmé (retour à une idole), vous perdez définitivement la moitié de vos acquis.
Ensuite, la 1e résurrection de recharge en cas de repos à l’idole tandis que les 2 autres se régénèrent au fil de vos coups mortels. Par ailleurs, impossible d’enchaîner les 3 résurrections, elles doivent obligatoirement être entrecoupées de coups mortels, ce qui limite considérablement leur utilisation en combat de boss.
En définitive, la résurrection est intéressante mais, à la manière des outils de prothèse, apparaît comme sous-exploitée. D’autant que la fameuse Peste du Dragon, qui rend malade les PNJ au fur et à mesure que vous mourez, n’est pas si punitive que ça. Je suis parfois mort à la chaîne pendant des heures et pour le moment, aucun personnage n’est mort. Le seul problème est l’interruption des quêtes des PNJ, mais un petit tour à une idole avec une goutte de sang de dragon et hop, on purifie tout ça.
Sekiro m’a mis le grappin dessus
Une fois encore, FromSoftware se distingue par l’attention portée au level design, et l’intégration de la verticalité avec le grappin est tout bonnement géniale. Il y a des dizaines de façon d’aborder certains niveaux et des éléments cachés à aller chercher, des raccourcis à trouver et des routes du kill à élaborer. Sekiro s’apprécie comme un bon vin (ou comme un bon Kinder pour les plus jeunes d’entre vous) : il se déguste, on découvre ses arômes et on en est surpris… en bien, en très bien.
En plus des endroits cachés à découvrir, il y a bien sûr des boss optionnels à débusquer. On regrette cependant l’absence de zones totalement inédites, comme le studio nous y avait habitués – par exemple le Pic du Dragon Ancien ou les Sépultures Oubliées de Dark Souls 3.
Le jeu se montre agréable à l’œil, plus que le laissaient supposer les bandes-annonces, et la direction artistique fait une fois de plus des merveilles. On passe par une variété d’environnements superbes, tous réalisés de main de maître, dans lesquels la beauté le dispute au dépaysement.
La beauté le dispute au dépaysement.
De son côté, la bande-son est une fois de plus une sacrée réussite. Yuka Kitamura montre une fois de plus son talent avec des compositions ancrées dans le Japon médiéval et qui savent compléter l’action à merveille, tandis que les thèmes plus calmes nous appellent à voyager dans le temps et l’espace. Je pensais que les envolées lyriques des Soulsbornes me manqueraient, mais pas du tout.
Sekiro plus haut des cieux
Source d’inquiétudes pour beaucoup avant sa sortie, Sekiro s’impose comme une nouvelle licence de référence pour FromSoftware. Il a été dit que pour chaque élément Soulsborne dont il se séparait, il apportait une nouveauté qui compensait largement. Je ne sais pas si les comptes sont bons, ce que je sais en revanche c’est que comme pour tous les FromSoftware, je n’ai qu’une envie : replonger dans un NG+, encore et encore. Mon principal regret réside dans la narration et les enjeux extrêmement mystérieux qui étaient l’apanage des précédentes productions du studio. Ici, le mystère s’épaissit sur la fin certes, mais la bonne vieille narration sous 3 voiles de purée de poix me manque. L’histoire en elle-même nous ressort des thèmes chers au studio, ça sent Dark Souls, ça sent Bloodborne, surtout ça se cherche encore un peu. En revanche, jamais je n’ai vu de système de combat plus jouissif que celui de Sekiro, éprouvant certes, mais jouissif. Sekiro est une belle réussite.
► Points forts
- Combats exigeants et jouissifs.
- Bande-son soignée.
- Direction artistique magnifique.
- Un contenu étoffé avec de nombreux ennemis.
- Beaucoup de mini-boss et boss.
- Un premier essai du côté de la furtivité très réussi.
- Arts de combat et ninjutsus complètent l’expérience.
- Le level design est une fois de plus à tomber.
- Game design aux petits oignons, avec des boss à vaincre de manière originale.
► Points faibles
- Outils de prothèse et résurrection sous-exploités.
- Narration pas toujours au niveau.
- La difficulté vire parfois un tantinet à l’absurde.
- L’univers de Sekiro se cherche encore.
- La peste du dragon est loin d’être punitive assez rapidement.
- Baisses de framerate assez dingues sur PS4.
Seki le plus beau ?
Sekiro: Shadows Die Twice est disponible sur PC, Xbox One et PS4.