Est-ce que Shadow of the Tomb Raider arrive à conclure la trilogie du reboot de la licence de manière satisfaisante ? C’est ce qu’on va voir.
Sa place est dans un musée
Voilà cinq ans que le premier épisode du reboot de la trilogie Tomb Raider est sorti, et il faut avouer que le virage était assez déroutant. Bien que Lara Croft n’était plus l’archéologue badass en mini-short qui figurait dans des pubs Seat des années 90, cette réinterprétation de la légende de Tomb Raider était… intéressante.
On découvrait alors une jeune Lara Croft fragile, frêle et inexpérimentée, qui devra faire face à toutes les difficultés possibles et imaginables. Heureusement, il suffisait d’un coup de piolet d’escalade ou d’arc et de flèches pour régler ces petits tracas du quotidien (d’archéologue).
Si la volonté derrière ce reboot est de donner un background et une psychologie à une Lara Croft encore malléable, c’est aussi une façon de poser une narration plus moderne et plus réaliste, ce qui n’était pas vraiment le cas jusqu’à présent.
Après deux bons premiers épisodes qui délivraient leurs promesses avant de devenir un poil répétitifs, il était temps de jouer à un troisième épisode qui enfonce le clou et achève la métamorphose de Lara Croft en véritable Tomb Raider.
La première appréhension avec ce nouvel opus de Lara Croft est que le titre n’est plus développé principalement par Crystal Dynamics, mais par Eidos Montréal (Deux Ex, Thief). Le studio québecquois n’a pas encore eu de succès magistral et unanime, et c’est quelque chose qui aurait été souhaitable quand on veut conclure une trilogie de haute volée avec brio.
Malheureusement, Shadow of the Tomb Raider n’est pas l’épilogue que ce reboot mérite. C’est pas mal, hein ? Tout n’est pas à jeter, mais c’est loin d’être parfait.
Il était temps de jouer à un troisième épisode qui enfonce le clou et achève la métamorphose de Lara Croft en véritable Tomb Raider.
Woman vs wild
Après une île du pacifique et les steppes de Sibérie, Lara est débarqué dans la partie péruvienne de l’Amazonie.
Premier constat : mon Dieu que c’est beau. Les environnements boisés sont magnifiques (à part quelques arbres à la texture étrangement trop lisse), les panoramas sont vraiment impressionnants, l’architecture maya omniprésente est réellement inspirée et inspirante, et les détails fourmillent de partout en permanence.
Les environnements en eux-mêmes sont un peu répétitifs, mais bon… entre de la jungle et des ruines, t’as pas trop le choix. Pourtant, il y a toujours le petit truc qui donne un effet waouh de temps en temps.
Lara aussi a gagné en finesse de modélisation et les cinématiques en performance capture sont assez saisissantes, même ce traitement n’est réservé qu’aux personnages principaux (les autres font un peu tache). Pas étonnant qu’Eidos Montréal ait voulu intégrer un mode photo. Mon dossier de screenshots n’a jamais été aussi rempli.
Premier constat : mon Dieu que c’est beau.
Première dans la série, il peut y avoir beaucoup de personnages à l’écran, intéressant quand la scène a besoin de montrer un environnement vivant comme la fameuse ville ancestrale de Paititi. C’est sous exploité d’un point de vue gameplay, mais c’est clairement un point très positif à l’immersion.
Malheureusement, ça se paye cache. Le jeu est plutôt bien optimisé, car il ne souffre pas de bugs ou de baisse de framerate, mais il vous faudra un excellent PC pour le faire tourner à 60 FPS. Avec une 980 Ti en 1440p, ce n’était pas suffisant. Les seuls freezes gênants sont pendant les auto-sauvegardes, qui sont très courantes, même si le jeu est installé sur un SSD.
Lara crafte
Dans les grandes lignes, Shadow of the Tomb Raider reprend les mécaniques des deux jeux précédents. On escalade avec des piolets, on nage dans des cavernes inondées, on transperce le crâne des méchants trinitaires avec un arc et des flèches et on résout des puzzles ancestraux pour récupérer des artefacts. Lara est archéologue après tout.
Si le cocktail est toujours efficace, le manque de réelles nouveautés se ressent assez rapidement. Certes, on peut maintenant escalader des arbres (bien prévus à cet) et ou surmonter de nouveaux obstacles comme des corniches très escarpées, mais c’est globalement tout.
Une fois qu’on a choppé, le truc, les phases d’escalade et de parcours d’obstacles deviennent vite redondants, sans surprises et malheureusement sans difficulté, et c’est pourtant la majeure boucle de gameplay du jeu. Toutefois, la qualité du level design et certains passages originaux rendent certaines phases assez mémorables, mais c’est bien trop rare. Il y a aussi le fait que les animations sont trop magnétisées par rapport aux obstacles, et Lara se retrouve à faire des translations très bizarres.
Si le cocktail est toujours efficace, le manque de réelles nouveautés se ressent assez rapidement.
Pour une immersion complète et un plaisir de jeu décuplé, il est conseillé de désactiver les fameux marquages blancs qui indiquent la marche à suivre pendant les parcours.
Les combats, en revanche, ont gagné en profondeur et Lara a accès à de nouvelles options pour se défendre et se débarrasser des ennemis qui lui barrent la route. Il est possible de tuer les ennemis furtivement, depuis la cime des arbres, de se camoufler en s’enduisant de boue, de les piéger ou de les retourner contre leurs collègues avec un puissant hallucinogène.
Malheureusement, et c’est l’un des premiers gros points faibles du jeu, les combats sont d’une difficulté simplissime, même en mode difficile ou plus. Tous les combats sont découpés en arènes et il est facile de comprendre le cheminement à prendre pour arriver à tuer tous les soldats trinitaires sans se faire chopper.
Les combats sont d’une difficulté simplissime, même en mode difficile ou plus.
Pire, les fameuses nouvelles options de combats sont superflues, et il sera toujours possible de s’en sortir très bien sans. Si la jouer Predator est récompensant en soi, les mares de boue seront toujours près de l’entrée de l’arène et deviennent plus une formalité qu’une profondeur de jeu supplémentaire. De ce fait, la grande majorité des compétences de l’arbre sont inutiles, tout comme l’amélioration des armes qui ont trop peu d’impact sur le feeling du jeu.
Exemple : je ne sais toujours pas à quoi servent les plantes de perception et j’en ai finalement jamais eu l’utilité. Pire, certains points d’arbre de talents ne servent à rien sous un certain seuil de difficulté. c’est écrit dessus.
L’I.A n’aide pas et est, comme on dit en Aquitaine, aux fraises. Elle réagit très mal à votre présence et ira souvent foncer sur votre position sans prendre de précautions. Il y a aussi des scènes assez ridicules où Lara élimine un soldat en le suspendant à un arbre (alors qu’il a tout le loisir de gueuler pendant le processus) et les autres ne le remarquent pas, alors qu’il pendouille à seulement deux mètres du sol. C’est plein de petites regrettables choses comme ça.
Du coup on zigouille les soldats avec le couteau artisanal sans forcer et on bourrine à la kalash quand il s’agit d’animaux ou d’ennemis au corps à corps.
L’I.A n’aide pas et est, comme on dit en Aquitaine, aux fraises.
Une aventure en dents de requin-scie
Ces soucis de gameplay sont aussi dus au principal problème du titre : un manque flagrant de cohérence dans la narration et le game design.
Par exemple, si Lara possède beaucoup d’options pour le combat (aussi nulles soit-elles), il est étonnant d’en rencontrer si peu. Je n’ai pas compté, mais j’ai dû me battre seulement une quinzaine de fois en finissant la campagne, et — à part des animaux sauvages — je n’en ai pas rencontré d’autres ennemis dans le monde ouvert.
Ces soucis de gameplay sont aussi dus au principal problème du titre : un manque flagrant de cohérence dans la narration et le game design.
Justement, en parlant du monde ouvert : c’est sympa de vouloir ouvrir l’environnement pour motiver le joueur à aller explorer, mais entre une narration très linéaire de l’histoire principale et un monde pas-si-ouvert qui se résume — comme d’habitude — à une liste de course disséminée à travers la jungle, l’expérience du joueur se retrouve le cul entre deux chaises : une histoire principale en ligne droite cinématographique et des phases de gameplay optionnelles qui ont du mal à avoir de l’intérêt (à part peut-être les chouettes, mais inégaux tombeaux).
Dans ce cas-là, il aurait fallu que Shadow of the Tomb Raider soit un jeu linéaire à la Uncharted ou un jeu en monde ouvert, mais dans le cas présent, les deux facettes se marient très mal. Pourtant, il y a de bonnes choses d’un côté comme de l’autre, mais on a du mal à savoir quand on peut faire à peu près ce qu’on veut et quandil faut s’en tenir au scénario.
On a du mal à savoir quand on peut faire à peu près ce qu’on veut et quand il faut s’en tenir au scénario.
Exemple sur les incohérences que ça engendre : Lara arrive à Paititi et est recueillie par les rebelles de la ville, contrôlée par les trinitaires. Personne ne s’étonne — ni même les gardes trinitaires — de voir une jeune femme blanche britannique se balader entre les huttes et discuter avec les locaux qui parlent anglais (ce qui est justifié sur un coin de nappe qu’on trouve au hasard).
Le fameux mode “immersion” qui permet aux locaux de parler en maya est très chouette sur le papier, mais on a vraiment l’impression que les acteurs lisent des phrases qu’ils ne comprennent pas et la sauce ne prend pas, surtout quand l’autre répond finalement en français.
La VF est plutôt bonne grâce aux acteurs, mais leur direction est souvent approximative. Il arrive alors qu’une intonation exprime un sentiment complètement décalé par rapport à la scène (quand il ne s’agit pas d’erreurs de traductions). On préférera alors la V.O des vrais acteurs.
Une fois que le scénario principal est terminé, on ne voit pas pourquoi on irait s’embêter à débloquer les points de compétences (inutiles) des tombeaux optionnels, crafter des sets d’armures avec des bonus sans intérêts ou améliorer/débloquer les armes qui font très bien le café tels quels et dont on ne se sert presque jamais.
De même, le scénario principal est bâclé et assez mal exposé. On a souvent l’impression d’avoir loupé un épisode sur un élément de l’intrigue. Pourtant, les personnages gagnent en profondeur, plus particulièrement la complicité entre Lara et son pote Jonah, très crédible. Lara s’éloigne de son image de jeune femme dépassée, mais pleine de ressources, en une vraie exploratrice aguerrie et qui démontre souvent son intelligence et ses connaissances.
Lara s’éloigne de son image de jeune femme dépassée, mais pleine de ressources, en une vraie exploratrice aguerrie et qui démontre souvent son intelligence.
Malheureusement on a du mal à croire à l’évolution psychologique de l’héroïne, souvent forcé. De plus, le tout est enrobé de twists prévisibles et de révélations sans aucune construction qui auraient pu rendre les choses plus intéressantes. Pire, certaines scènes marquantes sont désamorcées l’instant d’après, la mise en scène se contentant de soigner la forme plutôt que le fond.
Et encore, on ne parle pas du symbolisme du renouveau et de la renaissance intéressants mais finalement très convenus. L’ancienne Lara est morte pour laisser place à une nouvelle.
Renaissance par césarienne
Shadow of the Tomb Raider avait un sacré potentiel, mais il ne décolle jamais. Pire, c’est au moment qu’on pense que le jeu commence enfin qu’il s’écrase aussi sec. En plus de reprendre les mécaniques des jeux précédents sans apporter suffisamment de neuf pour se renouveler, le titre galère à proposer une expérience complète dans son histoire principale ou son monde ouvert. Pourtant, Shadow of the Tomb Raider n’a pas à démériter, puisqu’il arrive à être souvent très immersif par son aspect visuel et certaines scènes d’action assez tendues. Le titre n’est jamais vraiment désagréable, mais on ne peut s’empêcher de penser que le jeu aurait pu être bien plus. Maintenant que Lara Croft est une archéologue aguerrie, on espère que ses prochaines aventures pourront à nouveau transcender sa légende. Elle le mérite.
► Points forts
- Une réalisation et une direction artistique au poil
- La personnalité de Lara gagne en puissance
- Certaines scènes marquantes et haletantes
- Des phases d’actions explosives
- Des puzzles intéressants
- L’ambiance Rambo/Predator de certains combats
- Une difficulté à la carte
► Points faibles
- Pas très long en ligne droite
- Tellements de mécaniques de jeux sous-exploités
- Système de progression (talents, améliorations, équipement) vraiment superflu et ronflant
- Combats trop peu nombreux ET inintéressants
- Certains puzzles approximatifs
- Phases d’escalades automatiques et difficilement renouvelées
- Mise en scène parfois confuse ou maladroite
- V.F mi-figue mi-raisin
Prend une petite pause Lara et reviens-nous en forme
War Legend a bénéficié d’une copie PC fournie par l’éditeur de ce jeu.
Shadow of the Tomb Raider est disponible sur PC, PS4/Pro et XB1/X.