Le dernier SoulCalibur est là et ce sont les amateurs de jeu de baston qui sont aux anges. Après une longue traversée du désert, comment s’en sort un épisode sorti sur la génération actuelle ? Vraie suite ou un jeu qui se repose sur ses acquis ?
Ça me Soul
Voilà 6 ans que nous n’avions pas eu un SoulCalibur. Enfin, cela pourrait être plus long si on zappe le cinquième épisode qui n’était vraiment, vraiment (mais alors vraiment) pas terrible. Trop de mécaniques de jeu avaient changé et le gameplay si particulier du titre s’était fait dépouiller de nombreuses subtilités en voulant plaire au méchant grand public. Du coup, si on remonte plus loin, cela nous laisse Dark Vador et Yoda avec l’épisode 4 sorti en 2008. Ouais, dix ans quoi.
En d’autres termes, ce SoulCalibur 6, c’est un peu l’opus de la dernière chance. D’ailleurs, l’équipe de développement ne le cache pas. Si le jeu ne fonctionne pas, on peut dire adieu à la série tout entière. Et je refuse un monde de jeux de baston sans une bonne soirée SoulCa entre potes.
Du coup, on rétropédale à donf et on fait comme si le cinquième épisode n’avait jamais existé. On zappe l’histoire qui se passe 17 ans après (avec les personnages inédits qui allaient avec, dommage) et on repart sur de bonnes bases avec les bonnes mécaniques, quitte à faire passer le jeu pour un reboot.
On ne refait pas l’histoire
SoulCalibur est vraiment un jeu de baston unique, le seul autre titre comparable étant peut-être Tekken, du même éditeur historique. Certes, si la série qui narre la grande histoire de la Soul Edge se permet quelques folies qui déséquilibrent souvent les personnages et certaines mécaniques, il est toujours aussi agréable à prendre en main.
Malgré un passage sur un moteur moderne comme Unreal Engine 4, quiconque ayant joué à un SoulCa laissera immédiatement la mémoire musculaire faire le reste. Impossible de savoir si cela est impressionnant ou une preuve de peur panique d’innover. Les personnages historiques de la série ont tous le même panel de mouvements que les joueurs connaissent bien. Certains persos ont gagné en nombre de coups disponibles et d’autres peuvent avoir disparu, mais comme dit plus haut, la priorité était de revenir sur des bases solides, mais surtout familières.
Maîtriser SoulCa, ce n’est pas vraiment une histoire de potasser des combos pendant des heures (un peu quand même, mais pas que). C’est plus une question de retenir la bonne attaque pour s’en servir au moment opportun. Tous les personnages ont une liste impressionnante de coups qui ont tous plus ou moins une utilité. Entre un mix d’attaques horizontales, verticales, coups de pieds rapides et des techniques de déplacement, tous les personnages sont uniques et ont leur style propre. Même les deux manieurs d’épées géantes comme Siegfried et Nightmare qui ont un passé lié ne se jouent pas vraiment de la même façon.
S’il est toujours très tentant de bourrer les touches d’attaque pour une action frénétique et sans temps morts, le jeu prend de l’épaisseur quand on essaie de temporiser et lire le jeu de l’adversaire. Connaître son personnage est tout aussi important que de connaître celui de l’adversaire, jusqu’à savoir si esquiver sur son flanc gauche ou son flanc droit sera la bonne solution pour éviter de prendre une châtaigne dans la tronche. Selon si l’on se bat avec le bâton de Kilik ou avec les tonfas de Talim, l’allonge est également une dimension primordiale dans SoulCalibur.
Les attaques ont beaucoup de propriétés différentes et savoir laquelle utiliser en fonction du comportement de l’adversaire et de vos positions respectives est la clé du succès.
Niveau roster, on se retrouve avec une sélection de 21 personnages dont deux nouveaux et Geralt de Riv en tant qu’invité traditionnel, mais surtout de goût. On aurait aimé un peu plus de nouveauté même si le style de combat d’Aswel polyvalent et la fluidité du gameplay de Grøh font plutôt le café. On sent que Bamco a voulu rendre hommage à Geralt en s’intéressant de près au personnage.
En parlant du héros du sorceleur, on reconnaît très bien ses pirouettes caractéristiques couplées à avec ses signes magiques très utiles selon les circonstances. Les débutants qui ne connaissaient pas la série et qui n’ont d’yeux que pour le Loup blanc apprécieront son gameplay accessible. Inviter sa voix anglophone, Doug Cockle, est un vrai plus.
En revenant sur le roster et sur son quota minimum, il est à noter qu’il y a déjà un personnage en DLC au lancement. Tira vous coûtera 5€ à elle toute seule, mais le truc vraiment dégueulasse est que vous pourrez la croiser dans les modes solos.
Pour 30€, le Season Pass vous donne accès à Tira ainsi qu’à trois futurs personnages encore non annoncés, dont un inédit à la série (on veut Ciri).
Pas d’âme ! Pas d’âme !
Tout de même, SoulCalibur 6 apporte quelques nouveautés à la formule. Si certaines sont bien trouvées et plutôt intéressantes, il y en a d’autres qui restent assez obscures, voire bancales.
Commençons par le plus simple, il existe toujours le système de jauge d’âme introduite par SoulCalibur 4. Une barre d’énergie classique se remplit au fur et à mesure du match et permet d’exécuter des furies ultra puissantes à la manière d’un Street Fighter. Très utile pour punir un adversaire qui bourre votre garde sans trop réfléchir.
Selon le personnage, il est aussi possible de consommer une barre d’énergie pour booster temporairement vos caractéristiques. Certains coups changent de propriétés et d’autres sont ajoutés à la liste, uniquement accessibles quand la Soul Charge est activée.
C’est toujours compliqué d’équilibrer un changement d’état comme celui-là, car, le temps que la capacité s’épuise, l’adversaire se concentre généralement sur sa défense. La bonne idée étant alors de rendre certaines attaques plus puissantes contre un joueur en Soul Charge, récompensant potentiellement l’adversaire qui va prendre des risques. Encore un truc à retenir selon les personnages, donc.
En revanche, le truc qui a fait criser les amoureux du VS fighting lors de son annonce, c’est bel et bien le système de Reversal Edge. Quand un joueur active le Reverse Edge, son personnage pare automatiquement quelques attaques avant de riposter avec une touche assurée, infligeant un peu de dégâts au passage. À partir de là, les deux personnages se font face et les deux joueurs doivent entrer une des commandes d’attaque normale. Selon l’input de chacun, l’action se résout automatiquement.
Oui, c’est clairement un système de shifumi, et ajouter un système basé sur la chance dans un jeu de baston un minimum sérieux n’est jamais une bonne idée. S’il y a toujours moyen de faire du bras de fer mental avec cette mécanique, à part la jolie animation qui accompagne sa résolution, on a encore du mal à y voir un réel intérêt tactique à part une défense de la dernière chance ou de remplir considérablement la barre d’âme.
Le vrai problème, c’est que malgré le tutoriel du jeu qui est pourtant assez bien foutu, il est impossible d’être sûr à 100% du fonctionnement du Reversal Edge. Malgré un weekend entier à tester le truc, je ne suis même pas sûr de pouvoir dessiner un schéma sur les priorités des coups. Un joueur qui ne veut pas participer à la joute à quand même plus de chance de s’en sortir en esquivant ou en parant, mais cela n’est pas garanti face à toutes les attaques. Le seul truc intéressant est qu’il est possible d’enchaîner après quand on a senti le dénouement du Reversal Edge.
Âmes en peine
Ce SoulCalibur 6 offre deux modes solo de bonne qualité sans pour autant être transcendants.
Le premier est Chroniques de l’âme qui est un mode histoire plutôt classique qui narre les péripéties de tous les personnages de la série entre 1583 et 1590. Si ce n’est pas très bien écrit et que les événements s’enchaînent très vite via un visual novel classique entrecoupé de combats, chaque perso possède quand même son instant de gloire. Chaque timeline se termine entre 20 et 30 minutes.
En revanche, cela confirme le statut de SoulCalibur 6 en tant que reboot inavoué, car l’histoire globale n’ajoute rien à la mythologie de l’univers. Il se contente de résumer les événements depuis la sortie de Soul Blade sur PlayStation.
On trouvera alors un plus d’intérêt au mode Balance de l’Âme qui rappellera les meilleurs moments de SoulCalibur 2.
Avec un personnage créé pour l’occasion via le traditionnel, mais vite limité outil de création, vous partirez pour une quête épique à travers l’Eurasie du 16e siècle en croisant le fer de temps en temps avec d’autres personnages historiques de la série.
Le système de progression façon RPG ne paye pas de mine au premier abord à cause d’un démarrage assez lent, mais se révèle un peu plus solide sur la longueur. Montez en expérience, débloquez de nouvelles armes avec de nouveaux effets et des caractéristiques de plus en plus puissantes et recrutez des mercenaires qui peuvent être joués en tant que chair à canon avant votre personnage. Il est même possible de chercher la bagarre pour gagner plus facilement en puissance en dépensant des sous pour le voyage.
Malheureusement, le scénario et la qualité d’écriture n’arriveront pas à accrocher le joueur lors de l’aventure proposée. Et ce n’est pas un pseudo système de choix moraux symbolisé par la fameuse “balance d’âme” qui y changera quelque chose. Surtout que l’histoire manque vite de cohérence quand on joue à homme lézard en tutu rose avec des oreilles de chat.
Âme créatrice
Justement, en parlant des trucs un peu fous fous, il est dommage de constater que le créateur personnage soit trop similaire à ce qu’on pouvait trouver dans les anciens épisodes, quitte à se farcir les mêmes pièces de costumes et un choix limité dans les caractéristiques physiques. On sent que l’équipe a manqué de moyens et a dû faire avec ce qui existait déjà pendant tout le développement du jeu, mais cela reste dommageable même si les fans resteront en terrain connu.
Un joueur motivé peut vraiment se faire plaisir et créer des personnages assez soignés sympathiques, mais jeu japonais oblige, toutes les options pour les amis du bon goût son présent, que ce soit pour créer une combattante aux problèmes de dos ou des machins indescriptibles qui relèveraient d’une oeuvre de Salvador Dalí (je n’ai pas beaucoup de références surréalistes).
Et si vous comptez jouer en ligne, vous allez vous en taper du personnage tout moche. Beaucoup.
Si le mode en ligne est efficace dans les grandes lignes, les outils proposés sont très (trop) classiques et limite indignes de 2018, très comparables à un Street Fighter 4 sorti il y a dix ans. Des parties classées, des parties rapides dans des salons légèrement paramétrables, et c’est tout.
Pour l’instant, le netcode n’est pas fameux, le matchmaking basé sur le ping n’est pas très efficace et il est très frustrant de ne pas pouvoir trier un adversaire selon sa qualité de connexion sans y passer des heures. Il n’est pas rare de faire quelques crises de nerfs à cause d’un framerate handicapé par la vitesse de réponse du réseau et de maudire ouvertement le modem de l’adversaire.
Heureusement que le jeu tourne à 60 images par seconde sans accrocs, même sur PC à très haute résolution, mais la transposition des assets de SoulCalibur dans l’Unreal Engine 4 ne rendent pas hommage ni à l’un ni à l’autre. Le jeu n’est pas moche, mais cela aurait pu être tellement mieux, entre les textures baveuses et le niveau de détail très inégal entre les divers éléments de l’arène.
Du gros Calibur
SoulCalibur 6 n’apporte pas grand-chose à la série, mais arrive à lui extirper suffisamment le menton hors de l’eau pour plaire aux fans de la première heure comme aux éventuels néophytes. Le système de combat caractéristique de la série a été aplani pour en garder le meilleur et les petits ajouts restent tout de même intéressants, même si des réserves subsistent pour le fameux Reversal Edge. Les deux modes solos sont plaisants sans être incontournables et le mode en ligne permettra quand même de batailler de manière compétitive pour ceux qui aiment poncer et maîtriser un jeu de combat. SoulCalibur 6 fait un peu office de chantage affectif, mais si le titre trouve preneur dans un nombre suffisant de foyers, il se pourrait que le titre gagne suffisamment de crédit aux yeux de Bamco pour lui garantir un nouvel avenir radieux.
► Points forts
- Le gameplay est toujours aussi fluide et plaisant
- Fun en étant bourrin, exigeant en étant fin
- Un roster familier et confortable
- Aswel et Grøh sont de bonnes additions
- Geralt de Riv, tout simplement
- Deux modes solos complémentaires et assez longs
- De très jolies illustrations
► Points faibles
- Ma Tira est déjà en DLC
- Le Reversal Edge n’est pas très clair
- Pas très joli dans l’ensemble
- Peu d’arènes et non paramétrables (rendez-nous les arènes infinies)
- Le même outil de création de personnages depuis plus de dix ans
- Un mode en ligne qui fait le minimum
- Ça pourrait être le dernier SoulCalibur
- Un input lag notable à cause du portage sur UE4
SoulCalibur n’est pas mort ! Vive SoulCalibur !
SoulCalibur VI est disponible sur PC, Xbox One et PS4.