Test The Legend of Zelda: Breath of the Wild – Quand la modernité transcende la tradition
L’arrivée d’un nouveau Zelda est toujours un événement à marquer d’une pierre blanche. Chaque itération est une leçon de jeu vidéo qui se doit d’être expérimentée, que l’on soit fan de la série ou non. La dernière entrée de la franchise a eu un cheminement et un développement tumultueux, mais c’est parfois dans la difficulté que l’on ressort le meilleur de soi-même.
Test The Legend of Zelda: Breath of the Wild – Tout casser pour tout reconstruire
Les premières minutes de Breath of the Wild sont assez… déroutantes. Du moins, pour un Zelda. Link se réveille d’une stase qui a duré près de 100 ans. Sorti de son abri, il découvre une Hyrule dévastée et laissée à la décrépitude. Ganon a gagné et est presque prêt à finir le travail. À partir de là, vous êtes laissé à votre sort, dans une nature sauvage tendance post-apo. Bon, il y a bien un vieil ermite qui passe par là pour vous apprendre le b.a-ba de la survie afin de ne pas crever la dalle, mais c’est tout. Le Plateau du prélude — la zone de départ — est le parfait exemple d’un didacticiel rondement exécuté, car on n’a justement jamais l’impression d’avoir affaire à un didacticiel.
Le joueur est invité à comprendre et à connaître tout ce dont il a besoin pour se lancer dans l’Aventure — avec un grand A — par ses propres expérimentations et découvertes. Même les commandes de bases ne sont expliquées qu’au compte-goutte à des moments plus ou moins opportuns. Vous avez été traumatisé par le hibou d’Ocarina of Time avec ses explications interminables? Ici, que nenni, vous avez votre objectif, débrouillez-vous. Autre point étrange — encore une fois pour un Zelda — vous débloquerez tous vos objets utilitaires chers à la série dès la fin du plateau. Dès lors, vous avez tous les outils pour résoudre toutes les énigmes et obstacles du jeu ou presque : un électroaimant pour manipuler les objets métalliques à distance, un sort pour fixer les objets dans le temps avant de relâcher toute leur énergie cinétique cumulée, ou même pouvoir créer des bombes à volonté ! Le jeu s’assure que vous ayez tous les outils en main dès le départ, mais pas forcément toutes les connaissances, que vous devrez acquérir par vos propres moyens… et c’est cool, nom de Dieu.
Ce qui ressemble à un cassage des codes est en fait un retour aux sources pur et dur, puisque l’inspiration première de ce nouveau Zelda est justement le tout premier opus de la série sorti sur NES en 1986. Une fois le Plateau du prélude quitté, vous pouvez aller absolument où vous voulez dans l’aire de jeu de 360 Km² qui constitue l’aventure. À titre de comparaison, c’est deux fois plus grand que The Witcher III (DLC inclus) et presque cinq fois plus que GTA V. Le sentiment de liberté offerte est limite flippant au début, car le joueur avance à tâtons, au fur et à mesure des points d’intérêt rencontrés (et il y en a partout, bordel).
Cependant, une trame principale claire au début — et très ouverte au choix d’ordre d’exécution par la suite — suit toujours Link de manière insidieuse et logique. On peut même parfois rencontrer des événements, un paysage particulier ou des personnages – au milieu d’absolument nulle part – qui vont remettre le joueur sur le droit chemin, et qui seront toujours posés sous forme de choix, encore une fois, ne forçant jamais la main sur la marche à suivre. Si vous le voulez, vous pouvez même foncer tout droit vers le boss final pour espérer finir le jeu en moins de temps qu’il en faut pour dire “It’s dangerous to go alone, take this”, mais vous manquerez clairement de puissance et risquez de vous faire éclater en un coup par le premier monstre venu, sans parler de toute l’expérience qu’offre le jeu et que vous raterez. Mais des speedrunners l’ont déjà fait, alors c’est techniquement possible.
Test The Legend of Zelda: Breath of the Wild – The Legend the Elder Gear Souls VI.
C’est bien beau d’avoir un grand terrain de jeu, encore faut-il y faire des trucs intéressants pour jouer dessus. Les mécaniques de gameplay seront davantage inhérentes à l’environnement qui vous entoure qu’aux capacités de Link. Pour le coup, on sent que l’équipe d’Aonuma a passé beaucoup de temps à s’inspirer d’autres jeux de grande envergure comme Skyrim, Metal Gear Solid V, Dark Souls ou encore les jeux de survie qu’on peut trouver sur PC (si si). Mélanger plein d’influences comme ça, à la manière d’un Kickstarter indépendant qui promet monts et merveilles, bon qu’à se tirer avec la caisse en faisant de la merde au final, c’est courant, mais c’est tout l’inverse qui se produit et l’équilibre des différentes idées est tout bonnement remarquable. Si pas mal d’éléments Zeldaesques traditionnels ont été gommé subtilement au profit de la modernité, le jeu hurle ZELDA à chaque fois que Link pose un pied au sol.
Dans une situation, il faut prendre en compte beaucoup de paramètres comme la météo, la température ambiante, le cycle jour/nuit, les types d’arme que l’on transporte — parce que oui, nous en avons plus d’une — si elles vont péter dans l’immédiat ou pas, le niveau d’alerte des monstres avant un combat, etc. On peut donner plein d’exemples à propos de ça : s’il pleut, Link aura moins de prise lors des escalades ; s’il fait trop chaud, l’air deviendra étouffant et tous vos objets en bois risquent de prendre feu ; les monstres dorment pendant la nuit et vous pouvez abattre le guet qui protège leur camp avant de lancer un assaut furtif afin de les prendre au dépourvu et désarmés ; utilisez une caisse en métal avec votre aimant et balancez-les sur les ennemis plutôt que de baisser la durabilité de votre arme ; et encore plein d’autres. Il y a mille et une façons de jouer à ce Zelda et d’appréhender un combat ou une énigme. Les détails fourmillent et les possibilités sont grandes, et pourtant, tout est d’une cohérence mécanique et organique assez ouf.
Tout s’imbrique et aucun élément de gameplay ne se fait marcher dessus par un autre. On sent que tout a été pensé longuement et minutieusement, quitte à inciter quelques développeurs à s’arracher les cheveux, mais comme ils sont japonais, ça passe. La modernité du jeu passe aussi par des mécaniques un peu plus modernes comme une utilisation ludique et cohérente de la physique, que j’ai rarement vu depuis l’avènement du saint Half-Life 2, mais également une gestion très précise des hitbox lors des combats, ce qui rend les combats ardus mais terriblement prenants et crédibles. Ces deux aspects étaient très arbitraires lors de la programmation des anciens titres, mais rendre le jeu un peu plus organique et vraisemblable en rajoutant des systèmes de jeu parfois casse-gueules n’a pas fait peur au studio de Nintendo, et ils virent que cela était bon.
Test The Legend of Zelda: Breath of the Wild – Well excuuuuse me, Princess
Crevons l’abcès tout de suite, oui, le jeu rame… parfois. Je suis convaincu personnellement que le changement de support de dernière minute n’a pas facilité la tâche d’optimisation technique, vu la configuration diamétralement opposée de la Wii U et de la Switch. En revanche, avoir un monde ouvert aussi vaste, ses quelques moments de béatitude, avec une distance d’affichage aussi grande et une navigation sans temps de chargement dans le creux de la main, ça force le respect. Ma deuxième petite déception est l’utilisation de la tablette Sheikah qui fait écho à la supposée utilisation du Wii U Gamepad, dont l’impact a dû être réduit pour la transposition sur Switch. Les quatre principaux donjons du jeu sont d’ailleurs articulés autour de la tablette, et il est dommage de devoir passer par un menu plutôt que de le gérer directement comme cela aurait dû être le cas.
Le scénario est quant a lui bien amené et engageant. Link se réveille cent ans après le cataclysme Ganon, et il ne se souvient de rien. La tâche de Link consistera à se rappeler de sa vie antérieure et à comprendre ce qui a merdé lors de la fameuse bataille contre Ganon, un siècle auparavant. Les différents personnages qui constituaient la communauté de l’anneau des Prodiges d’Hyrule sont un groupe de compagnons qu’on aurait aimé connaître un moment. Rassembler les souvenirs de Link n’est pas une mince affaire est vous obligera à parcourir Hyrule en long et en large, comme une quête initiatique de longue haleine à la recherche de soi. Les cinématiques (doublées, une première pour la série) sont de bonne facture et nous engagent toujours à vouloir en savoir plus. Les thèmes abordés ne sont pas inhabituels dans la série mais toujours justes, comme la nostalgie ou l’acceptation de son destin et du changement.
Niveau durée de vie, comptez sur 30-50 heures pour finir la trame principale selon votre rythme (ça reste un jeu basé sur l’exploration et la découverte), et il a été admis qu’il faut viser les 200h finir le jeu de fond en comble, ce qui est assez considérable. Et encore, je n’ai pas parlé de plein de choses qui font le sel du jeu comme le dressage de chevaux, le commerce, le système de la cuisine qui autorise toutes les expérimentations, construire sa propre maison, la chasse aux trésors, les énigmes des noix Korogus, et tant d’autres choses. Il est très compliqué d’expliquer de façon exhaustive et gratifiante ce qui fait l’alchimie du jeu, mais nous tenons là un Zelda pas comme les autres et qui voit les choses en grand.
Test The Legend of Zelda: Breath of the Wild – Zelda/20
Il difficile de savoir si notre jugement a été altéré par tout ce qui a déjà été écrit sur ce The Legend of Zelda: Breath of the Wild, mais force est de constater que toute cette encre d’or chantant les louanges du dernier titre majeur de Nintendo vient bien de quelque part : la qualité inhérente au jeu. Tout est parfaitement calibré, parfaitement pensé, parfaitement dosé, malgré des prises de risque énormes pour faire évoluer la série et la moderniser. Pourtant, le résultat est là : un jeu où chaque découverte, affrontement ou situation a le potentiel d’être gravé dans notre mémoire. L’atmosphère du jeu est Epic as fuck, les paysages à couper le souffle, la liberté grisante, la flexibilité du jeu bluffante et le nombre de choses à faire tout simplement vertigineux. Bien sûr, le jeu vidéo parfait n’existe pas, mais quand une expérience et un plaisir de jeu atteignent de tels sommets, il peut facilement décrocher un score parfait dans notre cœur de joueur et s’offrir une place de choix dans notre ludothèque. De plus, c’est sûrement le meilleur jeu qu’une console Nintendo aurait pu espérer à son lancement afin de lui donner un avenir prometteur.
► Points forts
- L’Aventure
- La maîtrise par l’expérimentation
- La Liberté, cheveux aux vents
- Un Zelda résolument moderne
- La durée de vie monstrueuse
- Des mécaniques de jeux parfaitement calibrées et flexibles
- Les paysages d’Hyrule
- Les donjons retors et originaux
- Des thèmes intéressants
► Points faibles
- Ça rame bien parfois
- Textures un peu baveuses
- Potentiel du Wii U Gamepad abandonné
- Les Amiibos peuvent être très (trop) utiles
Une des raisons de claquer 300 boules pour une console
La soluce complète de The Legend of Zelda: Breath of the Wild ainsi que des guides sont disponibles sur War Legend.
Ce test a été réalisé sur une version Nintendo Switch.
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Super avis ! Je me lasse jamais de regarder des streams dessus :)