Épisode méconnu du grand public sorti en 1993 sur Game Boy, Link’s Awakening a pourtant tout d’un grand Zelda. Ce remake soigné sur Nintendo Switch va pouvoir prêcher la bonne parole.
“Link, réveille-toi…”
Je dois vous avouer un truc, je me considère fan de la licence Zelda, mais j’ai découvert la série sur le tard avec Ocarina of Time (ça ne sortait pas sur PC dans les années 90). J’ai testouillé A Link to the Past chez mon cousin, pensant que c’était un jeu solide, mais c’est bel et bien avec Faces of Evil que j’ai pensé naïvement que c’était une super saga, vu qu’il y avait écrit Zelda dessus. Oui, on parle bien d’un des jeux de la Triforce de la Honte, sortis sur Phillips CD-I.
Du coup, il est difficile de ne pas juger durement un jeu Zelda quand il ne s’agit pas d’un épisode clé sorti sur console de salon. Et pourtant, il y en a un qui a échappé très longtemps à mon radar : Link’s Awakening, sorti sur Game Boy en 1993. Si beaucoup de fans hardcore de Zelda pensent qu’A Link to the Past est le meilleur épisode classique, les fans encore-plus-hardcore trouvent que Link’s Awakening défonce absolument tout.
Les fans de Zelda encore-plus-hardcore trouvent que Link’s Awakening défonce absolument tout.
Après un Breath of the Wild magistral, mais qui a cassé tous les codes de la série, il n’est pas déconnant de vouloir retourner à une expérience Zelda plus classique, tel un doudou vidéoludique. Un remake n’est pas toujours bien vu, mais faire un nouveau Zelda avec un gameplay codifié après BOTW ferait tache. Autant donner de la visibilité à un titre méconnu auprès du grand public… et ravir les fans nostalgiques de la première heure qui ont consommé beaucoup de piles LR6 pour arriver à la fin de la quête du Poisson-Rêve.
Link’s Awakening DX, Director’s Cut
Il y a deux types de remakes : celui qui rend hommage au titre d’origine en modernisant son gameplay, comme Resident Evil 2 ou Final Fantasy VII, et celui qui reproduit l’œuvre d’origine sans changer un détail (ou presque). Link’s Awakening est clairement dans la deuxième catégorie. Chaque case du jeu de 1993 est fidèlement retranscrite et les mécaniques de jeu fonctionnent exactement comme à l’époque. Les joueurs qui connaissent bien Link’s Awakening risquent de finir le jeu assez rapidement, puisque sa structure est également identique, à la solution de puzzle près.
Bien sûr, cet adaptation sur console moderne profite de quelques ajustements, comme la liberté de déplacement sur l’île Cocolint sans devoir se taper le quadrillage d’écrans à charger et des graphismes en 3D tout mignons. La direction artistique divise, mais la volonté de Nintendo était clairement de rendre l’identité visuelle du titre la plus pure possible, afin de ne pas trahir l’imagination des joueurs qui ont pu jouer à Link’s Awakening sur un écran de 160 sur 144 pixels.
La volonté de Nintendo était clairement de rendre l’identité visuelle du titre la plus pure possible.
Ça a l’air con comme ça, mais l’apport du titre sur Switch profite également du nombre de boutons supérieur des Joy-Cons par rapport à la Game Boy, qui n’en avait que 2 (l’équivalent de “à mon époque, on s’amusait avec un bout de bois”). On ne s’en rend pas forcément compte, mais l’ergonomie n’était clairement pas top, avec des allers-retours incessants dans les menus pour changer d’objet selon les besoins. Avec l’épée, le bouclier et les bottes de Pégase associées à des touches, le bracelet de force actif de façon permanente et 2 raccourcis pour le reste de l’inventaire, l’expérience est infiniment plus fluide et on se concentre plus volontiers sur l’action.
Malheureusement, il existe quelques hics d’ordre technique. Nintendo a essayé de respecter sa propre charte en proposant à nouveau un jeu en 60 images par seconde, mais forcé de constater que ça rame bien… et souvent. Dès que la Switch charge une nouvelle zone, le framerate chute de manière très désagréable. Le constat est un peu moins amer en mode portable comparé au mode TV, mais c’est vraiment dommage, sans parler d’un aliasing assez prononcé qui dessert la direction artistique rondelette de ce remake.
L’expérience est infiniment plus fluide et on se concentre plus volontiers sur l’action.
À la veille de la sortie officielle du jeu, aucun patch d’amélioration n’est disponible, et il semblerait que ça ne sera pas résolu (on peut toujours avoir tort). Les rumeurs parlent d’un jeu pensé pour la 3DS à la base et que le développement a été modifié au dernier moment pour devenir un jeu phare de la Switch. Cela aurait donc causé quelques problèmes en amont.
Si c’est parfait, pourquoi changer ?
Pour ce qui est du jeu en lui-même, une fois arrivé au bout de l’aventure, on comprend pourquoi le titre est un des préférés des fans. Il n’y a pas vraiment de narration pointue, mais le jeu avait une personnalité dont on ressent encore les échos aujourd’hui, même pour un jeu Game Boy.
À cause des limitations techniques de la GB, l’équipe de développement de l’époque a dû être très prudente sur ce qu’il voulait mettre dans son jeu. L’île Cocolint est assez petite, mais chaque parcelle de la carte a été minutieusement calibrée pour s’emboiter avec le reste du terrain de jeu. De ce fait, Link’s Awakening est extrêmement dense. Un petit bijou de level design qui s’ouvre de manière intelligente au fur et à mesure qu’on débloque les objets dans les 8 différents donjons. À force de naviguer sur la carte, Cocolint marque clairement les esprits.
Le titre possède aussi des bizarreries qu’on n’a jamais retrouvées dans les autres Zelda, comme ces phases de plateforme en 2D qui rappellent le mal aimé Zelda 2: The Adventure of Link, ou bien ces phases de gameplay uniques, résolues par un personnage qui accompagne Link pendant un bref instant. Sans parler de tous ces clins d’œil éhonté à l’univers Nintendo avec des caméos inattendus (mais totalement justifiés par le scénario).
Le titre possède aussi des bizarreries qu’on n’a jamais retrouvées dans les autres Zelda.
Avec très peu de mots et quelques rares mises en scène, le titre arrive quand même à nous émouvoir, à nous envoûter, avant de finir sur une bonne grosse dose de poésie et de mélancolie. L’enjeu est important et on se sent investi, même s’il n’y a pas de princesse Zelda à sauver. Par exemple, le personnage de Marine peut paraître un peu concon et cliché au début, mais il est difficile de ne pas se sentir concerné au fur et à mesure que l’aventure s’étoffe, et être triste à l’approche de son inéluctable fin. Combien de petits garçons sont tombés amoureux de la rouquine qui chante la chanson du Poisson-Rêve en 1993 ? Ils sont beaucoup à ne pas oser l’avouer.
Voilà ce qui est le plus remarquable avec Link’s Awakening : arriver à marquer le joueur en allant à l’essentiel et en mettant de côté tout élément narratif superflu. Génie ? Prouesse due à une limitation technique ? Un peu des deux, je suppose.
Le plus remarquable avec Link’s Awakening ? Arriver à marquer le joueur en allant à l’essentiel.
La plus grosse différence du remake avec le jeu d’origine vient justement ternir un peu cet aspect du jeu, puisque la quête des photographies a été purement et simplement remplacée par un Zelda Dungeon Maker. Bon, j’ai inventé le nom, mais vous voyez où je veux en venir. En finissant les donjons et en trouvant des pièces dans la nature, il est possible de créer ses propres donjons dans un mini-jeu pour gagner des rubis.
La quête des photographies a été remplacée par un Zelda Dungeon Maker rapidement anecdotique.
Avec un agencement intelligent, il est possible de créer des expériences intéressantes, mais comme la majorité des pièces ont déjà été rencontrées dans des donjons de Cocolint, il n’y a jamais vraiment de surprise, d’autant plus que les outils manquent clairement de flexibilité pour créer un level design à la hauteur de son imagination. De plus, l’impossibilité de partager ses créations sur le Net (uniquement via la puce NFC des amiibos Zelda), l’intérêt devient très vite limité.
Ce mode de jeu n’est pas vraiment ennuyant, mais rapidement anecdotique, et c’est dommage d’avoir sacrifié les photographies souvenirs pour ça, ce qui renforçait les rares liens qu’on avait avec les différents personnages de l’île. Certes, les photos n’existaient que dans la version Game Boy Color du titre, mais il aurait été plus raisonnable de l’ajouter ailleurs, plutôt que de remplacer quelque chose d’important à l’expérience, sans quoi le message transmis par l’aventure de Link’s Awakening n’est pas clairement pas complet.
Ce rêve bleu
Link’s Awekening est un vibrant hommage à l’un des meilleurs Zelda, tout en étant l’un des plus méconnus. La recréation du jeu à la virgule près peut décevoir, mais cette transposition sur console moderne permet de (re)découvrir un titre plein de charmes et de bonnes idées, sans oublier de lisser l’expérience de manière bienvenue. Tout fan de Zelda se doit d’avoir fait Link’s Awakening au moins une fois, et si l’idée de chercher une Game Boy sur Le Bon Coin vous rebute, choppez donc une Switch Lite pour vivre une aventure inoubliable.
► Points forts
- Une recréation à la case près du jeu d’origine
- Une aventure marquante, variée et assez longue
- Une direction artistique d’une pureté…
- Un level design dense, mais ingénieux
- Un confort de jeu accru comparé à la Game Boy
- Pas mal de secrets à découvrir
► Points faibles
- Chutes de framerate récurrents et désagréables
- Quelques combats de boss approximatifs
- Les compositions musicales rendent hommage, mais sans brio
- Pas de quête des photographies
- La création de donjons rapidement anecdotique
Un nouveau cacheton pour les junkies de la nostalgie
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
The Legend of Zelda: Link’s Awakening sera disponible le 20 septembre sur Nintendo Switch.