Test The Surge – Le futur est bugué
Depuis l’explosion de popularité de l’action-RPG hardcore grâce à Demon’s Souls puis, à sa suite, Dark Souls, nombreux sont ceux qui ont voulu s’essayer à la production de fac-similés, avec plus ou moins de succès. Deck13 Interactive fait partie de ceux-là, et après un Lords of the Fallen médiocre, le studio a choisi de persévérer en tentant de tenir compte des critiques qui avaient été faites sur son précédent jeu. Pronostic : d’ici cinq à six jeux, on aura un titre quasi parfait. En attendant, on sent bien que la route va être longue.
Test The Surge – Ça partait d’une bonne idée
The Suge débute en vous plaçant dans la peau d’un paraplégique et vous ne le découvrez qu’après quelques secondes de jeu, lorsque la caméra prend du recul. La mise en scène s’annonce donc sous les meilleures auspices, même si on ne peut que remarquer la tronche du protagoniste que l’on va incarner, sorte de mélange entre un morceau de plastique usé et un visage humain buriné par le temps. Oui mais voilà, les premiers ennuis commencent pour le jeu de Deck13, et ils se réunissent sous la bannière de l’incohérence. Dans le monde qu’on nous présente, l’entreprise Creo (pour laquelle nous venons candidater en vue d’un poste de manutention) connaît un succès retentissent et mondial : tout le monde voudrait bosser pour Creo, en tout cas on nous l’indique à maintes reprises. D’ailleurs, une gare entière est réservée à l’accueil des candidats, rien que pour la manutention. Bien, alors pourquoi tous les trains sont vides (à l’exception du nôtre, ou nous sommes par ailleurs seul) et la gare avec ? Si c’est une entreprise qui jouit d’une réputation si fantastique, alors pourquoi suis-je le seul couillon à venir tenter ma chance ? Les places devraient être chères. En gros, c’est comme si on vous proposait un job de rêve sur une île paradisiaque, dans une villa tout confort avec pour seule obligation de manger, boire et dormir, et que vous disiez : “ouais non, je préfère me crever le cul chez McDo.” Multipliez ça par l’humanité et vous avez The Surge.
Par la suite, on apprend bien rapidement que la situation est loin d’être aussi rose vue de l’intérieur : l’exosquelette est directement vissé dans les os sans anesthésie, et aucun noyau énergétique n’est intégré, ce qui nous qualifie immédiatement au rebut et nous condamne à la déchetterie, au milieu de cadavres humains et mécaniques. À priori, le héros vit ça tous les jours parce qu’à aucun moment ça ne semble le choquer. Il cherche à savoir ce qui se passe, mais sans plus quoi – probablement un fan de cravache qui croyait intégrer un donjon SM hardcore et qui du coup préfère essayer de se fondre dans le décor, de peur qu’on lui reprenne son ticket d’entrée. D’ailleurs le type était en fauteuil roulant depuis on ne sait quand, donnez-lui un exosquelette et il devient Bruce Lee, virevoltant, esquivant et collant des beignes dignes de Mohammed Ali.
Un fan de cravache qui croyait intégrer un donjon SM hardcore.
Le problème de fond, c’est que des incohérences telles que celles-là, il y en a tout au long de l’aventure et ça n’aide franchement pas à rentrer dans l’histoire. Je rappelle que dans action-RPG, il y a RPG et qu’en principe, c’est fait pour qu’on y insère une histoire sympa et accrocheuse, pas un morceau d’emmental riche en trous scénaristiques. Et tout ça, c’est vraiment dommage, parce que pris dans l’ensemble, le scénario n’est certes pas saisissant d’originalité (on a l’impression d’avoir un agrégat d’emprunts à d’autres histoires vues et revues) mais n’est pas à jeter avec l’eau du bain non plus. La narration est à la ramasse, on sent bien que Deck13 n’a pas tellement cherché l’originalité mais plutôt la copie presque conforme des titres estampillés From Software en cherchant à en dire très peu pour laisser le joueur dans le flou, entretenir le mystère et l’inciter à chercher à en savoir plus. Je me suis arrêté à la partie “flou” de ce processus. C’est du reste plutôt mal organisé, avec par exemple des journaux audio que l’on trouve mais qui, à la lecture, ne nous indiquent pas qui parle (il faut aller dans l’inventaire pour cela) – et ce n’est pas comme si les voix se distinguaient comme le feu et l’eau, bien au contraire.
Je rappelle que dans action-RPG, il y a RPG et qu’en principe, c’est fait pour qu’on y insère une histoire sympa et accrocheuse, pas un morceau d’emmental riche en trous scénaristiques.
Test The Surge – De la machine qui saigne
Heureusement, il n’y a pas que le scénario dans un jeu – sinon Deck13 et Focus Home seraient pas mal dans la merde sur ce coup-là. Là où Deck13 a bien bossé, c’est au niveau des combats, que l’on disait mollassons voire sans intérêt dans Lords of the Fallen. La caractéristique mise en avant par Focus Home et le studio allemand consiste à viser des parties du corps de l’adversaire pour le marteler et finir par lui chouraver son équipement. Comme je l’ai dit dans mes précédents articles sur The Surge, il s’agit effectivement d’une très bonne idée et c’est toujours le cas dans le jeu final. On prend plaisir à scruter les ennemis pour chercher le morceau d’équipement qui nous manque et compléter ainsi notre collection (sachant que, bien entendu, le membre correspondant est amputé dans un festival d’hémoglobine). On déplore un ciblage plutôt compliqué qui vous obligera parfois à triturer le joystick dans tous les sens avant de trouver la partie qui vous intéresse/le point faible, le temps que votre adversaire vous allonge une avoine. Les affrontements en eux-même sont dynamiques – certains craignaient qu’ils ne se révèlent un peu trop mous – et les différentes armes ont plusieurs caractéristiques qui vont influer sur le gameplay, notamment la vitesse et l’impact. Chaque type d’arme offre par ailleurs des exécutions différentes, ce qui est assez bien vu.
Le résultat est clairement là : des combats épicés, mais pour lesquels on regrette cependant une certaine répétitivité. Il eut été bon d’avoir plus de situations contre plusieurs adversaires à la fois, peut-être moins coriaces, mais donnant davantage un sentiment de puissance. Les très rares affrontements que j’ai pu faire contre plusieurs ennemis étaient de loin les plus jouissifs. Je signale au passage un très bon point pour Deck13, qui s’est obstiné à vouloir rendre les exécutions fluides, dans la continuité du combat. Il est clair que le but était d’éviter d’avoir ce moment un peu bizarre où le héros et son adversaire se raidissent pour se mettre en position et déclencher l’animation de coup fatal (pour cela, voir la série Dark Souls). Pour le coup, c’est très réussi et si l’on déplore parfois un léger manque de réactivité à l’appui de la touche prévue pour le coup final, le tout s’enchaîne la plupart du temps avec brio, en fonction de la posture de votre adversaire.
Le résultat est clairement là : des combats épicés […] [avec des] exécutions fluides, dans la continuité du combat.
Vous trouverez également plusieurs boss à affronter. Tous ne sont pas inoubliables, mais certains valent vraiment le détour côté design. Dommage que tous les combats contre ces ennemis plus coriaces ne soient pas plus imaginatifs dans l’ensemble, mais je retiens notamment celui du poste de sécurité, très bien foutu, varié, nerveux et rageant. En parlant de ce point, la courbe de progression au niveau de la difficulté est relativement bien gérée : les développeurs n’ont pas mis une difficulté d’acharné complètement démesurée, elle est au contraire constante avec quelques pics par-ci, par-là. Léger regret au niveau du site du projet reSOLVE, bourré d’ennemis aux lance-flammes, pas bien intéressants à affronter.
Test The Surge – Même chez moi c’est mieux rangé
Nous abordons ici le point méga-giga-noir de The Surge, qui m’a littéralement fait hurler, m’arracher les cheveux, taper la tête contre les murs, jeter mon ordinateur par la fenêtre, en racheter un, le jeter aussi (directement par la vitrine du magasin), démissionner, courir nu dans la ville en hurlant des élucubrations, passer une nuit au poste de police, rentrer chez moi toujours en hurlant et plonger dans une baignoire d’eau froide agrémentée de glaçons. Côté level design et guidage du joueur, il y a à redire. Alors autant on peut trouver les niveaux relativement cohérents dans leur construction, avec leurs dédales de raccourcis (franchement pour mémoriser, c’est tout de même un sacré bordel vu que tout se ressemble. Imaginez-vous dans une galerie des miroirs à devoir chercher la sortie, c’est parfois à peu près l’idée) ; autant n’est pas Dark Souls qui veut, pardon de le rappeler (mais en même temps Deck13 ne se cache pas tellement pour vouloir coller à l’épiderme de la licence de From Software). C’est bien beau de vouloir laisser le joueur se démerder, encore faut-il qu’il ait les clés pour savoir un minimum ce qu’il doit faire et surtout où il doit aller. The Surge, c’est un peu le GPS de Gad Elmaleh niveau quatre, il te dit : “devine.”
The Surge, c’est un peu le GPS de Gad Elmaleh niveau quatre, il te dit : “devine.”
Je vous donne l’exemple à l’origine de ma mésaventure citée en début de paragraphe : arrivé au bout du niveau trois, j’ai vaincu le boss. Voilà, voilà. Tu veux un café ? Non parce qu’on ne m’indique rien pour la suite. Le jeu est fini ? Revenons donc au lieu de repos pour voir si la nana qui communique avec nous via hologramme depuis le début de l’aventure a quelque chose à nous dire. “Terminal endommagé.” Ah, merde. Bon, ben je fais quoi ? Un suppo et au lit ? Tout ce que j’ai à ce stade de l’aventure, c’est un personnage qui m’a dit : “Ok, trouve la direction et remet cette clé ultra vitale de la plus haute importance des forêts ténébreuses et magiques qui sauveront l’univers.” J’avoue, j’ai étoffé. Mais c’est l’idée. “Ok, c’est par où ?” “Ok, trouve la direction…” Je vois le genre. Sans vous mentir, j’y ai passé deux après-midi. Entières ou presque. Il fallait donc, depuis la fin du niveau trois, revenir au départ, retourner au niveau 2, revenir au début de ce dernier pour trouver un terminal fonctionnel pour que la nana-hologramme nous parle d’un conduit de ventilation au bout d’une chaîne de montage. Donc moi, bon couillon, je retourne au premier niveau (d’autant que des gardes de sécurité sont apparus dans cette direction, c’est donc que je chauffe !) jusqu’à la zone appelée “Chaîne de montage”. Bawi ! CQFD ! E=MC² ! ON LAISSE LA ROUTOURNE TOURNER ! Oui mais non. Il faut re-re-refaire le niveau 2 pour prendre un grand portail (y’en a une chiée pour info), qui est donc le conduit de ventilation. Je vous propose donc une comparaison conduit de ventilation (Deck13) / conduit de ventilation (reste de l’humanité) :
Test The Surge – Il n’est pas moche, il est brave
Deck13 nous avait tout de même habitué à mieux côté graphismes. Sans revenir sur le visage du personnage (et le superbe jeu d’acteur pétri d’émotion qui va avec ! /ironie), on parle tout de même des développeurs et des graphistes qui nous ont amené Lords of the Fallen, qui décollait pas mal la rétine à sa sortie. Non pas que The Surge soit moche, les machines et armures sont relativement bien détaillées, les ensembles agréables à regarder (certains plus que d’autres) mais les jeux d’ombres et de lumière sont par exemple très largement sous-exploités. Certaines textures gagneraient à avoir un peu plus de finesse et les effets sont en grande partie décevants, voire carrément ratés pour certains. Les ennemis, à un certain stade du jeu, peuvent par exemple envoyer des vagues d’énergie. Je ne suis pas contre un petit hommage aux graphismes de la PlayStation de temps en temps mais bon… non, là j’exagère sérieusement, mais on est clairement en dessous des capacités du studio allemand. Bien entendu, dans la globalité The Surge reste décent, voire bon au niveau de ses graphismes. Je suis plus mitigé sur la direction artistique qui nous propose des décors du pareil au même, manquant tout de même dans l’ensemble d’originalité. Je comprends la volonté de se placer dans un univers résolument mécanique et donc froid et impersonnel, mais il était tout de même possible d’introduire une variété des décors avec goût – ce qui aurait au passage aidé le joueur à s’orienter.
The Surge souffre par ailleurs de quelques problèmes, certains récurrents, d’autres moins. Il faut par exemple parfois lancer le jeu plusieurs fois avant qu’il ne se décide à démarrer pour de bon. J’ai également eu quelques cas de plantages en pleine partie, mais rarement, et le soucis est très bien géré puisqu’on redémarre à l’endroit précis où on était avant la coupure, suffisamment loin des ennemis pour reprendre ses marques. Par ailleurs, il n’est pas possible de cibler les ennemis si la ligne de vue n’est pas entièrement dégagée, même si vous voyez l’ennemi en question. Par exemple, si vous vous tenez sur le côté d’un escalier, en haut de celui-ci, et qu’il est pourvu d’une rambarde, vous ne pourrez pas cibler l’adversaire qui monte les marches à cause de la rambarde. Tout cela n’est pas bien gênant et n’entache pas votre expérience. Dans l’ensemble, en jeu, le titre ne souffre pas de beaucoup de bugs, il faut bien le reconnaître – les développeurs ont travaillé à un tout cohérent de ce côté-là. Mais pour revenir au niveau graphique, The Surge embarque avec lui ce que j’appellerais un “clipping de l’ancien temps”, c’est-à-dire qu’il est massif. Des éléments et pans entiers du décor se prennent pour des stroboscopes de discothèque en apparaissant et disparaissant, et pas besoin que ça soit à longue distance. Il m’est arrivé de faire face à ce phénomène en entrant dans une grande pièce.
Un “clipping de l’ancien temps”
Test The Surge – The regret
J’ai cru à The Surge, mais force est de constater qu’à la manière d’un Transformers, tout l’intérêt se trouve dans la bande-annonce : le système de combat est super et la récupération de parties d’armures est vraiment bien foutue si l’on met de côté le ciblage bancal. Mais Deck13 compte énormément là-dessus et ça se voit, tout comme il comptait sur la claque graphique avec Lords of the Fallen. Oui, The Surge est mieux que Lords of the Fallen, parce qu’il propose des vrais combats et un gameplay plus poussé dans l’ensemble. Mais on est vraiment descendu sur l’échelle du graphisme, et il manquait deux-trois barreaux. Si le jeu n’est pas désagréable à regarder dans son ensemble – au contraire – il se révèle froid et manque grandement de variété et d’originalité (même en voulant créer un futur mécanique, on peut le faire, c’est tout l’art de la chose). Les effets, pour certains, sont vraiment à la ramasse. La bande son est oubliable et répétitive – d’ailleurs, pourquoi nous imposer la même musique dans chaque poste de secours ? Pourquoi lancer les vidéos de propagande de Créo en boucle à travers tous les niveaux (il y en a une flopée) ? Il était pourtant simple de laisser au joueur l’opportunité de les lancer et de les éteindre. Au lieu de ça, le genre du jeu fait qu’on recommence de nombreuses fois, et à chaque fois on se tape le propagandiste Don Hackett qui répète encore et encore les mêmes choses, et ça tape sur le système. Le clipping est aberrant mais les armures sont pour certaines vraiment classes et l’ensemble est très cohérent. J’ai beaucoup apprécié la variété des armes qui se retrouve dans les coups fatals mais on en revient une fois de plus au combat, qui demeure le cœur de réussite de The Surge. L’artisanat est sommaire mais efficace : les plans récupérés en tranchant les membres des adversaires permettent de construire de nouvelles armures puis de les améliorer. À côté de ça, la narration est très mal maîtrisée et l’histoire un agrégat de “déjà-vus”. Surtout, le titre est truffé d’incohérences et de trous scénaristiques, probablement en raison de la fameuse narration. Le level design est cohérent avec du recul, mais en jeu c’est un véritable calvaire avec pour chaque niveau un poste de secours et des raccourcis en pagaille ; et comme tout se ressemble, rien n’est remarquable et on est littéralement perdus beaucoup trop souvent. Le guidage du joueur est presque inexistant, celui-ci se retrouve donc livré à lui-même, à tourner en rond sans vraiment savoir quoi chercher. Je suis déçu car j’aime vraiment beaucoup le système de combat de The Surge, mais un jeu ne peut pas se résumer à une seule composante.
► Points forts
- Système de combat au top, coups fatals très fluides et dans l’enchaînement de l’action
- Récupération des parties d’armure par ciblage direct
- Durée de vie correcte
- Courbe de difficulté constante
- Artisanat simple et efficace
- Design de certains boss
►Points faibles
- Narration à la ramasse
- Le scénario est un agrégat de “déjà-vus”
- Guidage du joueur quasi-inexistant
- Direction artistique froide et manquant d’originalité et de variété
- Bande son… laquelle ?
- Clipping impressionnant
- Graphismes manquant parfois de finesse
- Effets vraiment à la traîne pour une bonne partie
- Level design un brin bordélique
- Ciblage bancal
- Incohérences scénaristiques
- Jeu d’acteur à revoir
Un super système de combat noyé sous une montagne de défauts
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse PC fournie par l’éditeur de ce jeu.
The Surge est disponible sur PC, Xbox One et PS4.
Acheter le jeu sur Goclecd.fr et Amazon (Xbox One / PS4).
celui-là, il restera dans les bacs.
La lumière brille ;-)
Je n’étais même pas venu lire cet article tellement le jeu me semble pourri d’avance avec son thème "Transformers for Honnor : World of tank"
D’autant qu’ils ont mis plein de sous dans les spots TV, c’est autant qui ne sont pas allé dans le DEV…