Alors que beaucoup pensaient que le STR était has been, They Are Billions fait cracher la vapeur pour réchauffer un genre que l’on pensait au point mort… beaucoup de morts, fait.
Poussez pas, derrière !
Il y a des jeux comme ça sur Steam qui crée la surprise de temps en temps. Parfois, il suffit d’avoir la bonne idée et un coup de chance pour devenir un phénomène et souffler un vent de fraîcheur sur un type de jeu qui en avait bien besoin. Le titre que nous allons aborder fait tellement bien le taf que les papas du genre avec Dune 2 et Command & Conquer ont voulu en faire une copie carbone avec Conan Unconquered.
They Are Billions est un jeu de stratégie en temps réel avec un twist assez intéressant. Il n’est pas question de rouler sur ses adversaires dans un ladder en 6 pool comme un gros dégueulasse, mais de tenter justement de ne pas se faire rouler dessus par un adversaire géré par l’ordinateur qui vous envoie plein d’unités sur la tronche… beaucoup d’unités.
Au milieu du 21e siècle, la population mondiale dépasse les 50 milliards d’individus, tous prêts à devenir des “infectés” assoifés de sang suite à une catastrophe étrange et mystérieuse. Sincèrement, on s’en fout un peu, puisque tout n’est que prétexte pour massacrer des centaines voire des milliers de zombies à l’écran avec des gadgets steampunk farfelus.
Affronter ses premières vagues de zombies dans They Are Billions est une expérience effrayante et grisante. En même temps, le titre du jeu est assez explicite. Le moteur du Numantian Games peut afficher jusqu’à 10 000 unités à l’écran et son rendu 2D rappelle énormément le premier StarCraft (ce qui n’est pas pour me déplaire). Malgré une vue isométrique dont la perspective peut être parfois gênante et le chaos ambiant, le jeu est très lisible, ce qui renforce énormément l’immersion. Sincèrement, je n’ai pas souvenir d’un jeu de stratégie avec autant d’unités à l’écran.
Votre colonie grouille de vie et la pression des milliers de zombies qui s’agglutinent contre vos murs pourrait être un sujet d’étude sur la mécanique des fluides, et le gameplay compte bien exploiter tout ça pour proposer une expérience intéressante et équilibré.
La meilleure défense, c’est une meilleure défense
They Are Billions est difficile. Terriblement difficile au niveau standard, mais quand on perd, on ne peut s’en prendre qu’à soit même. C’est simple, si vous ne glandez rien pendant 5 secondes, c’est que vous jouez mal. Tout est une question d’équilibre entre gérer son économie et sa stratégie, et il y a toujours quelque chose à faire pour améliorer sa colonie.
Le système économique est vraiment le coeur du jeu qui décidera généralement du sort de votre partie. Plus votre colonie sera grosse, plus vos besoins en ressources seront importants. Le développement est plutôt simple, mais comme dit plus haut, cela demande une attention de tous les instants : les tentes de colons vous fournissent en or et en travailleurs qui font fonctionner les autres bâtiments, mais les habitations ont besoin de nourriture et d’électricité dont les unités de production ont eux-même besoin de travailleurs, de jus et de matières premières. Il y a de quoi faire un master en économie. C’est un cercle infernal sans fin où seule la périodicité d’arrivée des ressources met une pause à vos délires de promoteurs steampunk.
Cependant, la ressource maîtresse qui chapeaute le tout est intangible. Il s’agit de l’espace. Vos nouveaux bâtiments prennent beaucoup de place et certains ont besoin de respirer pour s’exprimer. Une cabane de chasseur ne peut plus chasser grand-chose quand son terrain est occupé par un quartier résidentiel.
C’est là que la partie stratégie rentre en compte. Le vrai challenge réside dans la conquête du moindre centimètre carré de la carte afin d’augmenter la taille de la colonie et s’accaparer des points de ressources indispensables pour créer des unités plus puissantes. En progressant de façon intelligente entre les goulots d’étranglement du terrain, on se retrouve à constamment redessiner les frontières de son territoire tout en chassant les voisins un peu relous aux alentours.
Le micromanagement des combats est également assez intéressant. Il faut progresser de façon méthodique et différents outils comme la chasse ouverte ou des patrouilles bien placées sont extrêmement efficaces. Le A-move inspiré de RTS comme StarCraft n’a jamais été aussi utile pour défricher un amas d’infecté sans trop s’approcher. En clair, il y a de vraies compétences de joueur à développer pour être efficace lors des bastons en dehors du camp.
Cet équilibre entre l’attaque agressive et la chasse de zombie sur la carte et les énormes vagues qui vous attaquent de manière cyclique fonctionne très bien. On se sent toujours pressé par le temps pendant le développement, tout en priant que le progrès réalisé permette de survivre à la vague suivant. Usez et abusez de la pause active pour être réactif et économiser de précieuses minutes de planification.
On n’oublie alors pas l’inspiration Tower Defense avec des expérimentations sur le placement des murs et des dispositifs de défense. Les éléments les plus intéressants mettent du temps à arriver et il est très facile de perdre une partie suite à une faute d’inattention (des zombies rôdeurs viennent checker régulièrement vos défenses). Une seul infecté qui passe sans intervention possible et c’est toute votre colonie qui est réduite à néant. Un peu comme un virus de la rougeole qui se pavanerait dans un camp de zadistes antivaxx .
La courbe d’apprentissage est monstrueuse et de nombreuses unités bien différentes sont à disposition. On découvre toujours des trucs, sans vraiment se rendre compte tout de suite de la profondeur du gameplay. C’est une formule à priori bateau, mais Numantian Games a trouvé le mix parfait pour rendre le tout cohérent et organique.
Opération zombicide
En accès anticipé pendant un moment, They Are Billions permettait de jouer des scénarios de survie sur des cartes générées de manière procédurale, ce qui suffisait déjà largement à l’expérience globale du titre. Pour justifier une version complète, la grosse promesse était de pouvoir profiter d’une réelle campagne solo afin de mieux profiter des éléments de fin de partie.
Malheureusement, la campagne tombe un peu à plat. La courbe de difficulté est assez brutale, même à une difficulté réglée à seulement 100%. Le réel souci est qu’une mission peut durer plus de deux heures de gameplay et qu’une défaite signifie de tout recommencer, y compris la partie lente et chiante du début. Imaginez la frustration de perdre sur la toute dernière vague d’infectés parce que vous n’arrivez pas trop à anticiper ce qui va vous tomber sur la gueule.
Il y a aussi un souci de lien entre les missions avec une progression générale qui rend parfois la tâche plus ardue que nécessaire. Une mission échouée fait baisser le score reçu en cas de victoire, dont le total est utilisé pour certaines missions d’attaque où il n’y a pas besoin de construire de base. Sans un score de campagne satisfaisant qui fait office de ressource, on peut se retrouver totalement softlock et dans l’impossibilité de continuer.
Mais attendez, c’est encore pire avec l’arbre de technologie. Sans les bonnes technos, vous êtes également sûr de perdre. Il y a tellement de choix qu’on se dit : “mais non, ça va, c’est permissif”, mais si on ne se rue pas sur les prochaines unités et éléments de défense, on se retrouve très vite bloqué. Je vous rappelle qu’une partie dure en moyenne 2h. C’est long pour valider une théorie.
Certes, les missions de campagnes sont réalisées à la main et certaines apportent une certaine variété avec des éléments de gameplay inédits ou un terrain particulier qui exige de s’adapter, mais ces variations sont très légères et pas assez marquantes. Il y a également des missions d’exploration de complexes de l’Ancien Monde avec une unité héros qui oscillent entre le très chouette et risible (et toujours longues). C’est vraiment dommage, parce qu’il y a tout de même une bonne cinquantaine de missions à faire pour terminer la campagne.
Sans déconner, je sais que Numantian Games veut proposer un challenge depuis le premier jour et que le gameplay en lui-même est inattaquable, mais tout ce qui fait la campagne ne donne pas envie de se prolonger après une énième claque dans sa mouille. La simple possibilité de créer des sauvegardes — une autosave après chaque vague au moins, par pitié — aurait sûrement tout changé.
Trop, c’est trop
They Are Billions est un excellent jeu de stratégie qui intègre avec brio de nouvelles idées dans un genre qu’on croyait à bout de souffle. Très ardu même à difficulté raisonnable, la bête ne se laisse pas facilement maîtriser, mais on sait que derrière chaque échec se cache une erreur du joueur, ce qui nous pousse à recommencer et s’améliorer. Être assiégé par des milliers de zombies est vraiment un spectacle glaçant et déployer toujours plus d’outils de mort pour contrer cette marrée morte-vivante est jubilatoire. La campagne solo reste cependant un très gros point noir : mal rythmé, manque de variété, une pente de difficulté qui grimpe aussi vite que le cours du Bitcoin et aucun filet de sécurité en cas d’erreur bête. Le titre en ressort alors bien plus frustrant que nécessaire. Sans déconner, They Are Billions était à ÇA du 17 ou du 18.
► Points forts
- Ça fait quand même beaucoup de zombies
- Mix parfait entre stratégie et city building
- Chaque unité a sa propre fonction
- Un challenge plus que relevé pour les tarés de l’APM
► Points faibles
- Vous avez testé le mode campagne au moins ?
- La moindre erreur est trop punitive
- Pas de système de sauvegarde
- Pas toujours clair de savoir où la horde va attaquer
- Des doublages assez agaçants
Agoraphobie
Configuration du PC utilisé pour ce test :
- CPU : Intel i9 9900k
- GPU : NVIDIA RTX 2080 Ti
- RAM : 32 Go
- Installé sur un SSD
They Are Billions est disponible sur PC.