La série Total War est une véritable machine de guerre. Jamais enterrée, elle commence à se décliner en plusieurs spin-offs thématiques. Après les Huns, c’est au tour des Anglois et des Vikings d’être à l’honneur sur Thrones of Britannia. Le jeu reprend le point de départ historique de la série Vikings : l’invasion de 878. Si l’efficacité de la formule Total War n’est plus à prouver, elle va devoir mettre de nouveaux arguments sur la table pour justifier ses 40 deniers. Is it a success?
Je dis, ceci est choquant
On n’ira pas jusqu’à qualifier la série Total War de “Call of Duty des jeux de stratégie” mais il faut reconnaître que le rythme de sortie des jeux de Sega est étonnamment soutenu. Pour notre plus grand bonheur parfois, car cela permet une belle diversité : les fans de Warhammer cohabitent avec les amateurs de conflits historiques. En revanche, Creative Assembly a la mauvaise habitude de forcer sur les DLC et de découper ses jeux. Thrones of Britannia a le mérite de briser la chaîne des DLC et de proposer sur le papier une nouvelle façon de jouer une campagne Total War.
Et sur ce point là, il faut reconnaître que le pari est plutôt réussi. Une campagne sur Thrones of Britannia se présente plus sous la forme d’une conquête d’un trône (et oui) que d’une campagne d’expansion pure. Ne vous attendez pas à une partie d’Europa Universalis non plus. Sachez que les parties gagnent en temps de gestion. Rien d’inaccessible pour autant, bien au contraire, grâce à la clarté de la nouvelle interface.
En effet, vous commencez chaque partie avec une jauge, propre à votre faction, qui est un grand facteur du succès de votre campagne. Par exemple, pour les Mides d’Irlande, ce sera une jauge de légitimité à gouverner. Pour les factions du nord de la Grande-Bretagne, ce sera une jauge d’héroïsme face aux attaques Vikings. Les Vikings justement, auront leur jauge d’amitié avec les Anglais à surveiller. Tout cela rajoute des conséquences à chaque action sur la carte de campagne et une pincée de défi, et ce n’est pas plus mal.
Game of Thrones of Britannia
D’ailleurs, les développeurs ne s’en cachent pas, ils ont voulu que chaque campagne soit une sorte de mini-série Vikings, à son échelle. Des événements ponctuels faits de dilemmes auront de vrais impacts sur vos finances et l’ordre public. De même, vous feriez bien de surveiller les actions des différents personnages de votre faction : il suffit qu’un général fasse de trop nombreuses conquêtes ou possède trop de domaine pour qu’il complote contre votre roi de faction et tente de le renverser.
Il est d’ailleurs possible d’attribuer des gouverneurs à des domaines, chose inédite dans un Total War, et d’effectuer des actions politiques sur vos généraux (impactant l’influence et la loyauté). La gestion politique de votre faction donne un petit air de Crusader Kings 2 à ce Total War, ce qui n’est pas non plus désagréable. On se prend vite au jeu d’une gestion politique plus poussée et fort appréciable.
Une gestion politique plus poussée et fort appréciable
En plus de devoir gérer les politicards véreux de votre faction, vous devrez contenter l’armée et le peuple. Avec le système de ferveur de la guerre, les armées mécontentes souffriront de malus et seront moins enclines à se battre si vous êtes attaqué de toute part. Au contraire, elles rêveront de pillages si rien ne se passe. Jamais contents les paysans. Quoiqu’il en soit, cela ajoute encore un peu plus de complexité à la conquête militaire.
D’autant plus que le studio a (enfin) revu le système de recrutement. Vous partirez d’office avec une quarantaine de troufions une fois l’unité recrutée. Un montant qui augmentera progressivement au fil des tours, ce qui permet parfois de dynamiser les attaques. Vous pourrez aussi mieux réagir aux invasions barbares (très faciles à repousser au passage).
Saga Britannia, attention ça découpe
Mine de rien, la série Total War commence à prendre de l’âge et ça se voit. Commençons par ce qui fâche, pour être débarrassés d’office : les graphismes. Si la carte est toujours bien détaillée et plutôt jolie, le moteur graphique de bataille affiche des rides assez prononcées. Des textures datées, et des baisses occasionnelles de framerate (habituelles avec Creative Assembly) ternissent fortement l’expérience de jeu en bataille. Certes, afficher des dizaines d’unités est gourmand, mais le jeu aurait bien besoin d’une petite chirurgie graphique.
Quand le jeu ne se renouvelle pas, il joue parfois carrément les bouchers, en faisant disparaître plusieurs éléments de gameplay de manière incompréhensible. La marche rapide, élément stratégique habituel du jeu, a tout simplement disparu. Un mode de déplacement qui avait de grosses conséquences si il était mal utilisé, mais très utile en situation d’urgence.
Quand le jeu ne joue ne se renouvelle pas, il joue parfois carrément les bouchers
Autre chose qu’il faudra m’expliquer : la disparition des agents. Pourquoi ? Sans doute parce que la petite taille de la zone géographique rend les espions moins utiles. Toujours est-il que se renseigner sur une garnison ou une armée est un luxe dont on va devoir se passer, au grand regret de la plupart des joueurs de Total War.
Enfin, pas mal d’éléments de stratégie ont été simplifiés, quand ils ne sont pas passés à la trappe : les choix des bâtiments sont linéaires dans les villages de provinces. Il est impossible de déterminer la taxation d’une province ou d’y installer un décret. La diplomatie n’échappe pas au sécateur, avec l’impossibilité de négocier des droits commerciaux ou l’échange de provinces. Même un mode de jeu, le mode bataille historique, a disparu. On aimerait bien savoir pourquoi les développeurs ont balancé du contenu à la catapulte.
(Vi)King of the North
Fort heureusement, Total War, ce n’est pas que la gestion politique fastidieuse, c’est aussi du pugilat à grande échelle. Rien de nouveau sur les batailles en temps réel cependant. Elles gardent leur grande échelle et leur IA acceptable. Autant vous le dire tout de suite, ne vous attendez pas à des combats féroces dés le départ. Le rythme de la campagne étant assez lent (ce qui n’est pas une mauvaise chose), vous commencerez la campagne avec des soldats à peine meilleurs que des fermiers. Chaque unité a désormais sa consommation de nourriture affichée, et doit aussi être ravitaillée par vos bâtiments en territoire ennemi, ce qui ralentit encore plus le rythme des conquêtes.
Là ou Creative Assembly fait fort, c’est sur la constante impression d’instabilité régionale. La multitude de clans de roast-beefs et de sauvages qui cohabitent donne lieu à des alliances parfois improbables et à des conflits constants pour grappiller un bout de jardin. Gardez en tête que les envahisseurs vikings ou les Anglois locaux peuvent vous servir contre vos ennemis. Dommage toutefois que les unités ne varient que très peu, même entre Anglais et Vikings. Ces derniers n’ont que très peu d’unités identifiables comme “Vikings” par ailleurs. Dommage.
Là ou Creative Assembly fait fort, c’est sur la constante impression d’instabilité régionale
Encore plus embêtant par contre : les régions sont casse-bonbons à défendre, en grande partie à cause de leur structure. Les provinces sont composées d’une ville principale et de villages sans garnison. Vous allez très souvent jouer au chat et à la souris avec les intrus sur votre territoire. Seules les batailles de sièges viennent casser la monotonie de ces batailles en plaine dans de minuscules villages sans grande importance, et surtout sans garnison.
Gros point noir habituel des Total War, l’IA s’est légèrement améliorée dans cet épisode mais adopte systématiquement le même comportement. Elle a tendance a regrouper toutes ses troupes et tourne en rond sur une zone avec des allers-retours étranges, surtout sur la carte de campagne. Pas terrible pour l’immersion.
This is the end…
Au sortir d’une campagne de Thrones of Britannia, l’impression est plus que mitigée. On a toujours ce gout amer sur le bout de la langue, cette impression de jouer à un gros DLC de Rome II. Les mécaniques sont vues et revues. Le jeu assure le minimum syndical en matière de nouveautés pour ne pas ennuyer, mais coupe du contenu à la machette de manière inexplicable en compensation. Étrange.
On a toujours ce gout amer sur le bout de la langue, cette impression de jouer à un gros DLC
Pour autant, le jeu bénéficie d’un soin assez impressionnant au niveau politique. Il propose tout de même une façon nouvelle, quoique timide, d’approcher une campagne de Total War. Avec les personnages et les événements mis à l’honneur, on est forcé de reconnaître que la dynamique de la campagne change en bien. Le jeu nous invite à ne pas seulement s’étendre comme un sanguinaire, mais plutôt à se comporter en souverain responsable.
Toujours est-il que le peu de variété que propose la campagne, que ce soit dans les unités ou dans le profil de la carte, peut légitimement décevoir. On voit venir des DLC débarquer par drakkars entiers. Creative Assembly a le mérite d’innover en se reposant sur des acquis solides. Difficile de comprendre la suppression de tant d’éléments de gameplay dans ce cas.
►Points forts
- La formule Total War
- Contexte historique sympathique
- Gestion politique intéressante
- Nouveau système de recrutement qui dynamise les batailles
- Des événements ponctuels qui apportent un vrai plus
- Les jauges de factions et la ferveur de la guerre
- Le ravitaillement et la gestion de la nourriture
- Interface classe et claire
►Points faibles
- Peu de différences entre les factions
- IA étrange
- Diplomatie en retrait
- Courir après les villages sans garnison
- Disparition des agents
- Plus de marche forcée (Pourquoi ???)
- Pas de batailles historiques
- Gestion des provinces simplifiée
- Vraiment pas beau en bataille
- On sent venir des DLC
Thrones of Britannia: Spin-off couci-couça
Testé sur PC. WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse PC offerte par l’éditeur de ce jeu.
Total War Saga: Thrones of Britannia est disponible sur PC et Mac (Linux prochainement)
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