L’annonce du retour du légendaire jeu de stratégie avait de quoi soulever les foules. La sortie du remaster a de quoi soulever la colère de Deuillegivre.
Préambule
Il est important de préciser que ce test ne porte que sur le remaster en lui-même, autrement dit pas sur le jeu de base mais plutôt sur ce qu’apporte cette nouvelle version.
Du travail, encore du travail
“Hé ça vous dit vous faites un remaster ou un remake de Warcraft III” demandait la communauté avide à Blizzard. Ce à quoi Blizzard, en bon adepte du travail de qualité pour lequel il est réputé, répondit :
En 2018, Blizzard profite donc de la Blizzcon pour annoncer Warcraft III Reforged, un remaster dont on nous promet par la suite qu’il sera bien plus qu’un simple remaster. Il est question de rééquilibrages depuis longtemps réclamés par la communauté, d’une place toujours aussi importante pour les mods qui sont carrément les responsables de la longévité du titre original, des cinématiques in game entièrement repensées, etc.
Bref, Blibli promet du rêve pour le retour en STR de Warcraft. Puis plus rien. Silence radio quasi total jusqu’à la sortie le 28 janvier 2020. À côté de ça, la campagne marketing de WoW Classic, c’est l’équivalent de Cale of Diouty.
WoW avant WoW
Après 17 ans d’attente, Warcraft III est de retour. 1e chose que l’on remarque : les menus sont sensiblement les mêmes, à l’exception des écrans de campagne, qui ne bénéficient plus d’un personnage mis en scène en 3D. Au lieu de cela, on trouve un artwork avec un effet de parallax : des éléments bougent vaguement à l’écran. C’est un peu moins classe qu’avant, mais le côté artwork parlera davantage à certains.
Il est grand temps de se lancer dans l’aventure, mais en douceur avec le prologue des Orcs. L’occasion de constater que quelques missions ont fait leur apparition. Comme promis, Blizzard a voulu faire le lien avec le lore touffu de World of Warcraft et des quêtes supplémentaires sont donc venues s’insérer naturellement dans le déroulement du jeu. Elle ne choquent absolument pas, bien au contraire, et permettent de fédérer l’univers.
Comment les voix ont-elles été gérées, me direz-vous peut-être ? Eh bien elles ont été totalement réenregistrées pour une bonne partie, notamment pour les faire coller avec les voix entendues dans WoW. Tant mieux, tant pis. La plupart de ces réenregistrements ne m’ont pas choqué, à l’exception d’Illidan, dont la voix de 2002 collait à mon sens bien davantage au personnage et à l’idée que je m’en faisais.
Certaines missions et cartes existantes ont été complètement retravaillées.
Notons au passage que certaines missions et cartes existantes ont été complètement retravaillées afin de proposer une modernisation du titre, et c’est plutôt réussi. La Chute de Lune d’Argent est par exemple plus exigeante et bien plus agréable à entreprendre.
Électroshorc
Visuellement, Warcraft III Reforged offre de somptueuses unités, entièrement refaites pour l’occasion. Elles fourmillent de détails et on prend plaisir à les découvrir et les contempler tout au long des campagnes. Certaines m’ont particulièrement marqué comme Arthas version Chevalier de la Mort ou les Grunts chez les Orcs. Même tarif pour les bâtiments qui, s’ils sont un poil en dessous en termes de niveau de détail, flattent bien la rétine et font davantage flirter ce Warcraft III Reforged avec la mention Remake plutôt que Remaster.
Warcraft III Reforged offre de somptueuses unités, entièrement refaites pour l’occasion.
En revanche le sang, dont on nous avait dit qu’il serait refait, fait peine à voir en particulier lorsque des flaques s’étalent au sol : de vieilles tâches délavées… très, très proches de ce qui se faisait dans la version de 2002/2003.
Somebody setup us the bomb
Quand on nous parle d’une version remasterisée ou d’un remake, est-ce qu’une seule personne au monde se dit : “ça veut dire qu’on va retirer des trucs !” Non, et vous savez pourquoi ? Parce que ce n’est absolument pas logique. Sauf que Blizzard nous livre ici un Warcraft III amputé, 17 ans après la sortie de Frozen Throne.
Blizzard nous livre ici un Warcraft III amputé, 17 ans après la sortie de Frozen Throne.
Au-delà des nouveaux modèles et animations, on remarque bien rapidement la disparition d’éléments essentiels : exit les ladders, clans et autres tournois automatisés. Le plus embêtant reste bien entendu la disparition des clans, pour l’aspect communautaire déterminant – marque de fabrique de Warcraft et Blizzard plus généralement – et celle des fameux ladders, qui permettent de classer les joueurs selon leurs performances et de savoir où ils en sont. D’une partie sur l’autre, vous pouvez donc tomber sur absolument n’importe qui, du débutant total au joueur hardcore.
Il est prévu que ces éléments soient ajoutés par la suite, mais le fait qu’ils ne soient pas inclus dès le départ alors qu’ils sont si vitaux à la communauté WC3 paraît invraisemblable alors même que la sortie du jeu a été repoussée et que la bêta multijoueur a cours depuis bon nombre de mois maintenant. Forcément, l’intérêt des parties compétitives à l’heure actuelle est proche de zéro, mais heureusement on pourra se rabattre sur les mods. Pas vrai ?
Pas forcément, car Blizzard a inclus une nouvelle clause dans ses conditions d’utilisation : tous les mods créés par la communauté sont à présent la propriété intellectuelle inaliénable de Blizzard. Autrement dit, si demain vous créez un concept aussi génial que le MOBA à travers un mod dans Warcraft III Reforged, après-demain Blizzard peut le commercialiser sans vous verser le moindre centime ni même vous créditer où que ce soit. L’idée lui appartient. Ce n’est pas Blibli qui l’a eue, mais n’empêche. Le pendant de ça, c’est qu’aucune licence déjà exploitée ne peut être utilisée dans le cadre d’un mod.
Quand on sait que la longévité de Warcraft III c’est avant tout celle de ses parties persos, on comprend que Blizzard, par avidité, vient de tuer son bébé. Cela a bien entendu un impact direct sur le jeu et ce qu’il peut proposer, la communauté de Warcraft III “classique” étant encore active jusqu’ici. On est clairement sur un retrait de plus à ce qui faisait l’attrait de W3.
Thrall d’agonie
Et puis ce n’est pas comme si vous aviez le choix puisque même les possesseurs de la version classique de 2002/2003 sont contraints de taper une mise à jour vers le client Reforged. Ils n’ont pas accès à la version remasterisée hein, non juste à ses superbes conditions. D’ailleurs certains ont pu noter la disparition d’options graphiques dans le jeu original. Bug ou tentative d’attirer le client sur Reforged pour profiter d’un jeu plus beau ? Mystère.
Au rang des disparus on compte également le mode observateur des parties compétitives. À l’heure actuelle il est possible de rejoindre un match en simple observateur, mais aucune des données habituelles n’est disponible afin de renseigner l’observateur en question.
Par ailleurs, tout ce qui a trait à l’équilibrage façon Reign of Chaos (le jeu original) a foutu le camp au profit de celui de l’extension Frozen Throne. Le prétexte invoqué est celui du manque de popularité pour le 1er. On peut le voir comme ça. On peut aussi le voir comme une volonté d’expédier un projet qu’on n’assume plus et surtout de ne pas dépenser un seul centime en rab. Toujours est-il que pour une réédition d’un jeu paru il y a près de 2 décennies, ça commence à faire beaucoup de retraits.
Des promesses non tenues et pourtant mises en avant comme arguments marketing en 2018.
On remarque aussi des promesses non tenues et pourtant mises en avant comme arguments marketing en 2018. Les cinématiques in game ne sont absolument pas retravaillées, contrairement à ce qui avait été montré et vendu à la Blizzcon 2018. On garde exactement la même configuration qu’en 2002/2003, ce qui fait tout de même franchement tâche – à ce moment-là il fallait revenir sur ses déclarations ou ne pas le présenter du tout.
Même chose du côté de l’interface utilisateur. Déjà pas bien brillante au début du millénaire, elle est encore plus inconfortable à l’heure actuelle, où tant d’efforts sont déployés pour faire des jeux à l’interface élégante, intuitive et surtout discrète. Un bon gros tiers de l’écran est bouffé par des menus à vomir, et lorsque des quêtes s’affichent on passe brièvement à la moitié, au grand bonheur de personne.
On remarque au passage l’impossibilité de personnaliser ses raccourcis. Là, Blizzard a respecté le jeu original (beaucoup trop) puisqu’il faut créer un fichier texte histoire de changer les touches. On est en 2020. Il n’y a plus que Bethesda Game Studios pour nous faire des coups comme ça, pas un studio réputé depuis toujours pour la qualité irréprochable de ses productions.
Hurlenfer et contre tous
Entre une politique avide et douteuse et beaucoup de fonctionnalités manquant à l’appel, Warcraft III Reforged est une machine à fric avant d’être un remaster. Vendu 30€, soit 10 balles plus cher que StarCraft Remastered, il ne propose que l’intérêt de ses superbes nouvelles unités et à la rigueur des quelques cartes et missions retravaillées. Tout le reste est une honte – surtout vu le prix et quand on sait que ce remaster a été sous-traité -, une grosse tâche sur le CV de Blizzard qui manque ici une occasion de renouer avec sa communauté.
Je reprécise qu’il n’est ici question que du remastering en lui-même – Warcraft III demeure l’un des meilleurs jeux de stratégie en temps réel de tous les temps, de par son superbe scénario (probablement le plus marquant de la scène RTS), le gros contenu qu’il propose et son équilibre légendaire entre 4 races emblématiques.
► Points forts
- De superbes nouveaux bâtiments et unités
- Quelques cartes et missions modernisées
- Des missions en rab pour faire le lien avec WoW
- Possibilité d’alterner entre versions “Classique” et “Reforged”.
► Points faibles
- Tout le reste
- Allez je suis sympa : pas de ladders pour l’heure
- L’équilibrage RoC retiré
- Cinématiques très loin des promesses jamais retirées
- Les créations des joueurs ne leur appartiennent plus
- Très cher pour la proposition
- On ne peut même pas personnaliser ses raccourcis
- Système de clan non présent
- Tournois automatisés non présents
- Mode observateur non présent
- La dignité de Blizzard non présente
Payer plus pour gagner moins
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080
- CPU : Intel Core i7-9700K @5GHz
- RAM : 16 Go DDR4
- Installé sur SSD
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Warcraft III: Reforged est disponible sur PC.