En plein essor des Boomer Shooters, qui aurait pu prédire que la vénérable licence de Games Workshop y ferait une incursion ? Boltgun d’Auroch Digital est loin d’être parfait lorsque l’on veut apporter sa pierre à l’édifice d’un genre aussi codifié, mais… difficile de bouder entièrement son plaisir quand on a un Bolter entre les mains.
Ça, c’est mon Bolter. Il y en a beaucoup comme ça, mais lui, c’est le mien.
On ne compte plus le nombre d’adaptations de Warhammer 40,000 depuis les années 90, mais il y a tout de même une constante notable : ils se prennent grave au sérieux.
Techniquement, Boltgun est un spin-off de Space Marine paru en 2011 et il s’avère le capitaine Titus n’a pas bien fait son travail, puisque la planète Graia est à nouveau convoitée par les forces du Chaos. Mais sans vouloir citer un certain John Carmack, on s’en fout un peu : vous êtes un Space Marine, et votre divine mission vous incombe d’exterminer les hérétiques, jusqu’au dernier. C’est si simple que ça fait du bien.
Vous êtes un Space Marine, et votre divine mission vous incombe d’exterminer les hérétiques, jusqu’au dernier. Et ça fait du bien.
Vous êtes seul, votre escouade n’a pas survécu à l’atterrissage de votre barge, mais vous avez votre rage et la lumière de l’Empereur pour guider votre bras vengeur. Les hérétiques explosent sous les obus de votre arme sanctifiée, et le reste n’a pas d’importance. Enfin, Warhammer 40,000 est de nouveau métal. Et ce n’est pas la bande originale qui se permet quelques pointes de gratte bien grasses qui osera le contredire.
Warhammer 40,000 a beau avoir un lore tentaculaire où certains arcs narratifs se déroulent sur des centaines d’années, l’ancien motto de la licence encapsule pourtant bien l’essentiel : “les guerres éternelles d’un futur cauchemardesque“, et je pense qu’on a trop tendance à l’oublier. Malgré la surprise de l’annonce, un Boomer Shooter qui prend pied dans le 41e millénaire devient alors une évidence.
Et il n’y a pas plus pastiche d’un jeu bourrin qu’un bon vieux FPS à l’ancienne.
Envie de Graia
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’est pas si facile de faire un Boomer Shooter intéressant, aussi bas du front le genre puisse paraître. Les productions s’enchaînent, citant allégrement certains des plus gros succès des années 90 sur PC, mais rares sont les élus qui peuvent redéfinir un genre aussi codifié. Ion Fury et Prodeus poussent les potards à fond en maîtrisant parfaitement leur sujet, tandis que l’inventivité et les subtilités camouflées de DUSK ont pris tout le monde au dépourvu, prouvant que le genre avait encore des choses à dire, plus de 20 ans après l’âge d’or.
Malheureusement, malgré une envie de bien faire, Boltgun n’apporte pas grand-chose de croustillant sur la table, certaines de ses grandes qualités étant trop souvent sabotées par ses faiblesses. Il représentera sûrement une porte d’entrée intéressante pour les joueurs qui n’ont jamais pensé qu’un jeu aussi daté graphiquement puisse être aussi fun, surtout pour les fans de la licence, mais le titre n’impressionnera que rarement les aficionados du genre.
Boltgun n’apporte pas grand-chose de croustillant sur la table, certaines de ses grandes qualités étant trop souvent sabotées par ses faiblesses
Pourtant, on sent bien qu’Auroch Digital a révisé ses classiques, tout en voulant rendre hommage à la puissance destructrice quasi angélique d’un Space Marine : les renégats se transforment en masses de chairs sanguinolentes quand une pluie de Bolts s’abattent sur eux, et le moindre pas fait ressentir le poids de son armure en céramite, malgré une vitesse et une agilité démentielles. L’intention était clairement de toucher du doigt la violence d’un Brutal Doom dont l’influence est claire (il y a un bouton dédié pour lâcher les cris de guerre appropriés), et quand le contexte du combat s’y prête, le carnage devient un magnifique ballet mortel. Franchement, ça bouge bien.
Seulement voilà, toutes les armes ne sont pas logées à la même enseigne, et l’équilibre entre spectacle et lisibilité nécessaire pour prendre les bonnes décisions n’est pas toujours au beau fixe. L’arsenal iconique de Warhammer 40,000 est à la fois une force et une faiblesse, et si on est agréablement surpris de voir que l’arme de base, le saint Bolter, reste une valeur sûre jusqu’à la fin du jeu, le feeling général donne de mauvaises impressions sur l’intérêt de chacune.
Quand le contexte du combat s’y prête, le carnage devient un magnifique ballet mortel. Franchement, ça bouge bien.
Fuseur, lance-grenades Vengeance, Tromblon Volkite, Bolter lourd, Canon à gravitons, tout y est, mais la taille des arènes couplée à des cibles trop peu imposantes font qu’on passe bien trop son temps à faire du cas par cas, plutôt qu’à répandre la bonne parole à l’ensemble de l’auditoire. De plus, ça a l’effet pervers de frustrer par le fait qu’on manque trop souvent les cibles, à cause de hitbox des projectiles bien trop précises pour les besoins du gameplay. De même, le sound design manque cruellement de pêche par moment.
Pour forcer le jonglage entre les armes, élément essentiel d’un bon shooter old school, Boltgun introduit alors un étrange système de puissance, où chaque arme et ennemi se voient attribués d’un niveau chiffré, et si la puissance de l’arme en main est inférieure à celui de la cible, les dégâts sont baissés artificiellement. M’enfin, c’est comme ça qu’on le comprend, parce le système en lui-même n’est expliqué que très partiellement, et on se voit forcé à utiliser une arme donnée par dépit, plutôt que par intérêt tactique. Véritable intention de gameplay ou manière détournée pour pousser les joueurs novices à faire le bon choix ?
Fuseur, lance-grenades Vengeance, Tromblon Volkite, Bolter lourd, Canon à gravitons, tout y est
Et c’est sans parler que certaines font parfois doublons, tandis que d’autres ne peuvent pas être fast switch pour d’obscures raisons. Oui, c’est de toi dont je parle, Fusil plasma. Ce n’est pas l’hommage à Doom que j’attendais.
“That’s one doomed Space Marine”
Entre des renégats fragiles, des Space Marines du Chaos et ribambelles démons issues de divers Dieux noirs connus comme Nurgle ou Tzeentch, le bestiaire plutôt varié offre des situations intéressantes, et le travail sur les sprites force le respect. Les arènes grouillent, et si c’est une bonne nouvelle pour les amateurs de carnage, le moindre ennemi moyen requiert bien trop de votre temps pour être neutralisé, ce qui rend la hiérarchisation des menaces bien trop poussive.
Le problème, c’est que vous êtes sous un déluge de feu constant, et l’agression n’est pas toujours recommandée
Le problème, c’est que vous êtes sous un déluge de feu constant, et l’agression n’est pas toujours recommandée, puisqu’elle vous met systématiquement en danger… ce qui semble aller à l’encontre de la philosophie d’un jeu qui s’appelle Boltgun. Si seulement les tirs prédictifs des ennemis n’étaient pas aussi abusés et que le feedback des dégâts reçus était bien plus prononcé.
Rester en mouvement est souvent la solution la plus saine, comme tout bon jeu du genre, mais le rythme des combats s’en retrouve alors biseauté en dent de scie. Ce qui n’aide pas cette sensation de répétition qui finit par s’installer bien trop vite, en partie à cause de sacs à PV omniprésents qui mettent bien trop de temps à mourir, même avec les meilleures armes. Surtout les Aspirants champions du Chaos qui vous foncent dessus, là, sans manière réellement efficace de les arrêter. Tout le monde les déteste. Tout comme les mêmes boss qui reviennent trop souvent pour des combats bien trop longs.
Boltgun arrive à lisser certains moments tendus avec une capacité d’invulnérabilité temporaire quand la mort est proche (saleté de sauvegarde d’armure à 3+), ce qui s’apparente souvent à un aveu de défaite, en parallèle d’une charge au corps qui permet d’écraser les ennemis faibles tout en se dégageant d’une situation épineuse.
Malheureusement, on privilégiera l’utilisation de l’épée tronçonneuse pour le même principe, la charge qui la précède étant particulièrement forte. Mais dans le cas d’une volonté de réduire l’ennemi un peu coriace en charpie, son intérêt s’effondre rapidement, nous rendant bien trop vulnérable.
Dans l’ensemble, Boltgun est un jeu assez facile une fois qu’on a compris la manière la plus efficace – et contre-intuitive – de jouer, en n’omettant pas que le jeu est très généreux en ressources, presque trop, au point où les bonus à ramasser handicapent la lisibilité du gameplay (même un bonus traversé alors que notre capacité est au max provoque un effet sonore). Arrive alors une surcharge mentale subtile qui prend parfois le pas sur le plaisir de jeu.
Le level design est peut-être le plus gros point noir de Boltgun, et c’est un mec qui voue un culte backtracking à base de clés colorées qui vous dit ça
Il est des moments où l’impression qu’il n’y a pas de réelle bonne solution à une situation donnée nous force errer de longs moments dans l’arène – archi complexe – pour remettre à zéro son approche et refaire son stock de ressources avant de retourner au combat… ou dénicher les derniers ennemis planqués qui nous empêchent de progresser.
En effet, le level design est peut-être le plus gros point noir de Boltgun, et si l’atmosphère qui se dégage de l’architecture rend hommage au matériau de base, voyant les choses en grand, il est bien trop difficile de naviguer efficacement d’une arène à l’autre, et c’est un mec qui voue un culte aux niveaux labyrinthiques et au backtracking à base de clés colorées qui vous dit ça. Avec des cartes aussi grandes, une automap aurait largement lissé le problème.
Le jeu peine à diriger efficacement le joueur d’une séquence à l’autre, entre répétitions de certaines zones, boutons d’ouverture de porte difficiles à repérer et fil rouge qui ne fait pas beaucoup sens, ainsi que des pans entiers de niveaux qui ne servent en rien la progression. Même les fameux secrets chers au genre ne méritent pas leur nom, puisque bien trop mis en évidence, parfois même en plein milieu d’un corridor.
Purger, ça laisse des traces
Warhammer 40,000: Boltgun est un shooter old school étonnant qui profite à fond de la vénérable licence de Games Workshop, s’offrant une forte personnalité parmi les nombreux jeux du genre. Il est assez grisant de massacrer de l’hérétique à l’aide de l’arsenal sacré de l’Imperium, malgré un gameplay imparfait et un level design qui frustre plus qu’il ne stimule. Il est simplement dommage que le titre n’ait pas réussi à digérer correctement toutes ses influences et ses idées pour exploiter son immense potentiel. Toutes les bonnes notes d’intention sont pourtant là.
Ce qu’on a aimé :
- FPS où l’on incarne un Speuce Meurine, quoi
- Déplacements à la fois lourds et véloces
- Artistiquement réussi
- Bestiaire du Chaos varié
- Bouton dédié aux cris de guerre
Ce qu’on n’a pas aimé :
- Gunfeel mi-figue, mi-raisin
- Rythme des combats en dent de scie
- La difficulté aussi
- Arsenal bien moins complémentaire qu’il n’y paraît
- Système de niveaux de puissance obscur
- Se vautre trop souvent dans ses intentions de gameplay
- Palette de couleurs pas toujours digeste
Ce jeu est fait pour vous si :
Votre foi est votre bouclier, et que votre fureur est votre épée ; vous avez raté le train des boomer shooters.
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous ne jurez que par la la ludothèque New Blood Interactive.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080 Ti
- CPU : Intel Core i9-9900k
- RAM : 32 Go DDR4
- Installé sur SSD
Warhammer 40, 000: Boltgun est disponible sur PC, consoles Xbox, PlayStation et Nintendo Switch.