Mais ou est passé Blazko le Barjo ? Ce sont celles qui l’appellent “papa” qui vont chercher à répondre à cette question dans Wolfenstein: Youngblood en décimant du nazi à travers Paris dans une formule revue, mais pas franchement corrigée, au contraire.
Stranger Goonies
Et puis d’abord, y’avait quoi à corriger ? Relancée en 2014 par MachineGames, la licence Wolfenstein a su raviver la flamme du FPS moderne-mais-quand-même-à-l’ancienne avec des combats dynamiques et sanglants au gunfeel endiablé. Petit atout en rab : une chouette écriture bien délirante avec un focus assez inédit sur l’histoire et la mise en scène des cinématiques. Alors forcément, on était curieux de voir ce que donnerait ce spin-off propulsant sur le devant de la scène les jumelles de BJ et Anya.
Ce bon vieux BJ, héros des épisodes précédents, a disparu. Parti acheter un paquet de clopes, jamais revenu, le coup classique. Non je déconne, en réalité on ne sait pas vraiment ce qu’il est parti faire, mais ses filles trouvent (très/trop) rapidement une piste qui les conduit à Paris où elles vont pouvoir s’en donner à cœur joie après des années à s’entraîner pour devenir des machines de guerre.
Ce bon vieux BJ, héros des épisodes précédents, a disparu.
MachineGames a souhaité nous plonger dans les 80’s pour ce nouvel opus, tout en intégrant une touche “Goonies” – des jeunes qui partent à l’aventure, comme vous pourrez le lire dans notre interview du producteur exécutif du jeu, Jerk Gustafsson.
Extinction des feux
Eeetttt… c’est là que ça commence à coincer pour Wolfenstein: Youngblood. Depuis toujours, les années 80 sont source de fantasmes, et depuis Stranger Things en particulier, on a un retour en force de cette époque sur nos écrans. Le truc avec les 80’s, c’est qu’elles sont très marquées, elles ont des codes distinctifs. Le souci se posait donc pour Wolfenstein: Youngblood de parvenir à les réutiliser, voire carrément les recycler dans un contexte nazi tendance futuriste (on rappelle que depuis Wolfenstein: The New Order, les vilains pas beaux ont accès à des armes surpuissantes comme des exosquelettes et des fusils lasers).
Mais en vérité, le problème est le même que celui qui afflige le Ville Lumière : tout cela manque de personnalité. Très peu de choses justifient cette orientation “Goonies”/80’s et c’est dommage, car il y avait pourtant beaucoup à exploiter. De même, Paris n’est reconnaissable que grâce à quelques éléments (ses célèbres bouches de métro…). En dehors de cela, on peut s’imaginer dans n’importe quelle autre grande ville sans que ça choque. Quel dommage de ne pas avoir plus exploité cette localité pourtant si iconique à tant de niveaux !
L’alchimie entre les 2 sœurs Blazkowicz ne prend à aucun moment.
À côté de ça, l’écriture a clairement morflé. L’influence très cinématographique qu’on avait adorée dans Wolfenstein II a plus ou moins disparu, ne laissant que très peu de cutscenes. Pire : l’alchimie entre les 2 sœurs Blazkowicz ne prend à aucun moment. C’est assez rare pour que je le mentionne : j’en suis rapidement arrivé au point où je souffle un “ta gueule” laconique à mon écran quand l’une d’elles ouvre la bouche, et fichtre ! cet écran est pourtant très bien ! Aucune réplique ne fonctionne, pas une fratrie n’a connu de rapports aussi niaiseux, et comme on ne croit pas aux personnages, on ne croit pas non plus à leurs réactions face aux événements qu’elles affrontent. Vraiment, quelle baisse de niveau !
On apprécie malgré tout revoir des visages familiers qui ont su nous marquer par le passé, et voir leur évolution participe à les enrichir davantage.
T’as de beaux flingues, tu sais
Là où Wolfenstein: Youngblood s’en tire bien, c’est du point de vue des graphismes. Comme pour les opus précédents, le moteur offre un chouette rendu, appuyé cette fois-ci de surcroît par la technologie RTX de Nvidia, même si elle brille moins que le superbe usage qu’en fait Control. Les décors, s’ils n’ont pas la saveur parisienne, ont néanmoins belle allure, et les personnages sont toujours aussi bien modélisés.
Comme pour les opus précédents, le moteur offre un chouette rendu.
Les armes ont toujours autant de gueule, et ça fait bien plaisir. Cette fois, MachineGames a voulu pousser un peu plus loin les choses en proposant aux joueurs de customiser leurs armes en débloquant des accessoires au fur et à mesure. Cela permet d’octroyer des bonus sympathiques, sachant qu’il existe des bonus de sets (dégâts, etc.) en fonction du nombre d’éléments d’une même marque que vous déciderez d’équiper. Cette composante est intéressante puisqu’elle permet par exemple d’ajouter des viseurs plus précis, ce qui n’est pas un mal pour des flingues comme le pistolet silencieux, par exemple.
Mais il n’y a pas que les accessoires des armes que vous pouvez modifier. Vous pouvez aussi changer leur apparence, de même que celles du casque et de la combinaison de votre personnage. Et devinez quoi ? S’il est possible de le faire avec l’argent récolté en jeu (que l’on trouve en grande quantité, il faut le signaler), Bethesda et MachineGames vous glissent l’option, l’air de rien, de payer avec de l’argent réel… On pourra me dire tant qu’on voudra que ce n’est pas un passage obligé, ça n’en reste pas moins très, très discutable sur le principe.
2000 PV dans chaque poche
Il ne vous aura sans doute pas échappé que MachineGames a travaillé avec Arkane Studios (Dishonored, Prey) pour la réalisation de ce Wolfenstein: Youngblood. Évidemment, considérant le génie du studio français en matière de level design, les espoirs étaient grands. Et ça fonctionne… en partie. On retrouve effectivement des constructions de niveaux plus ouvertes, avec quelques chemins alternatifs, mais dans le fond il n’y a bien souvent que 2 ou 3 routes, avec en fin de compte le même résultat. La faute revient aussi à l’infiltration, pour ainsi dire inexistante. Les ennemis nous repèrent bien trop facilement, ce qui conduit à ne plus considérer cette option du tout, même pour initier un affrontement. Autant foncer tête baissée et tous flingues dehors. Sauf que là non plus ça ne se passe pas comme prévu…
[La dimension RPG] ne ralentit pas [le gameplay], elle l’embourbe.
On a beau sentir que le feeling Wolfenstein est là, quelque part, il est noyé dans une dimension RPG dont on se doutait assez fortement qu’elle ralentirait le gameplay. Elle ne le ralentit pas, elle l’embourbe. Vous gagnez de l’expérience au fil de votre aventure, ce qui vous permet de débloquer des talents aussi nombreux que classiques (tuer furtivement des super soldats, manier 2 armes, etc.). Ça tourne correctement, ça permet de débloquer des compétences bien utiles, ce qui donne un certain sentiment de progression. Classique, mais efficace.
Il y avait un écueil à éviter, et malheureusement MachineGames a sauté dedans à pieds joints : les ennemis sont plein à craquer de points de vie. On se retrouve à vider des chargeurs entiers sur un seul adversaire, ce qui nuit inévitablement au rythme et donc au dynamisme. Les développeurs ont de plus décidé d’affubler les nazis d’armures spécifiques, et il faut donc un type de munition correspondant pour les dessouder. Sauf que visuellement c’est assez mal foutu aussi puisqu’en gros il faut choisir entre petit rectangle vide contour blanc et carré blanc opaque. Je vous le montre en images, c’est encore plus chouette :
Ajoutez à cela un respawn des adversaires bien trop soutenu qui fait qu’un endroit visité l’instant d’avant risque fort de grouiller à nouveau de nazillons et des zones tout bonnement interdites parce que les ennemis affichent une tête de mort (ils ne sont pas durs à buter, ils sont impossible à égratigner – on a essayé), et vous avez un bouillon qui ne prend pas.
Tuer du nazi, c’est mieux à 2
La grosse nouveauté de Youngblood réside dans son aspect coopératif. On a bien parlé de jumelles, et quoi qu’il arrive il sera question de jumelles. Il est donc possible d’entreprendre les missions à 2, en ligne ou en local. La surcouche logicielle façon Bethesda nous imposait d’avoir des profils Steam public pour pouvoir jouer, quand bien même nous étions chacun dans la liste d’amis de l’autre, mais passons.
Cela manque tout de même de réelle mécanique de gameplay coopérative.
Avec un joueur humain, les choses se déroulent correctement une fois le désagrément sus-mentionné éliminé. On est tout simplement sur un FPS à 2, avec des ennemis trop résistants. Cela manque tout de même de réelle mécanique de gameplay coopérative. En dehors de quelques portes à devoir ouvrir à 2, les coffres contenant les vies à ouvrir à 2, là encore, et la possibilité de se relever l’un l’autre, c’est tout de même très limité. Alors oui il y a les fameux gestes pour booster l’autre (donner de la santé en plus, par exemple), mais ça ne casse franchement pas 3 pattes à un amoureux transi.
Ce qu’il faut éviter à tout prix, c’est de jouer avec l’IA : celle-ci n’a aucune notion de couvert et se plante droit dans le champ de tir histoire de se faire dégommer bien vite. Sauf que son décès vous coûtera une vie commune, il vous faut donc aller la relever, et encore, et encore. Et puis si le joueur humain se retrouve à terre, parfois, de manière totalement aléatoire (ça pimente), l’IA ne va pas venir à la rescousse, ce qui peut s’avérer particulièrement rageant, vous en conviendrez.
Il nous restera toujours Paris
Il convient ici de saluer MachineGames et Bethesda pour avoir voulu proposer une approche novatrice pour ce Wolfenstein: Youngblood. Malheureusement, c’est raté sur presque tous les plans : opportunité manquée de jouer sur un recyclage des 80’s, écriture au rabais, IA foirée… Mieux vaut se refaire une partie de Wolfenstein II: The New Colossus. Wolfenstein: Youngblood intéressera plus les joueurs désireux de défourailler à 2 (évidemment), si tant est qu’ils parviennent à passer outre les sacs à PV que sont devenus les nazis. Heureusement, un “Buddy pass” est offert et permet d’inviter un autre joueur dans sa partie gratuitement.
► Points forts
- Le moteur tourne toujours aussi bien
- Le gunfeel reste celui de Wolfenstein
- Un FPS en coopération
- Buddy pass
- Des niveaux plus ouverts…
► Points faibles
- … mais des zones interdites aux bas niveaux, remplies d’ennemis invincibles
- La coop s’arrête à du dézingage à 2 en règle
- Paris dans les 80’s, même façon uchronie nazie, y’avait moyen d’y donner du cachet
- Vraiment, les sacs à PV, ce n’est pas une bonne idée pour le rythme
- L’IA a un filet de bave au coin de la bouche
- Autant ne pas mettre d’infiltration
- La relation des jumelles ne fonctionne pas du tout
Moi aussi je serais parti acheter des clopes
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080
- CPU : Intel Core i7-9700k @ 5GHz
- RAM : 16 Go DDR4
- Installé sur SSD M.2
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse PC fournie par l’éditeur de ce jeu.
Wolfenstein: Youngblood est disponible sur PC, PS4 et XB1.