Véritable anomalie de la ludothèque Wii, Xenoblade Chronicles premier du nom revient sur Nintendo Switch sous sa forme ultime qui ne démérite pas son statut “d’édition définitive”. Vieux briscards du JRPG ou néophytes, tout le monde devrait y trouver son compte.
Il était une fois, une console populaire mais que personne n’aimait…
Quand on parle des années Wii, on se concentre souvent sur les curiosités que la console de Nintendo a apporté dans le monde du jeu vidéo, comme le motion gaming bancal des Wiimotes et Wii Fit, achetée en masse par une population soudainement passionnée par le Yoga avant d’être mis au placard aussi sec. De ce fait, il est parfois difficile pour certains joueurs de s’en remémorer comme une console de jeux pour G@M3RS, à jamais associée aux gamins qui découvraient Mario aux côtés de Sonic (sans avoir connu la Grande Guerre des années 90), et les après-midi jeux dans les EHPAD.
Pourtant, la ludothèque de la console a eu son lot de chef-d’œuvre dont Xenoblade Chronicles en est sûrement le plus fier représentant. JRPG extrêmement ambitieux pour 2010, son univers particulier, son monde ouvert organique et son histoire plus profonde qu’en apparence lui ont permis de rentrer au panthéon des jeux du genre, malgré la sale réputation (injuste) de la plateforme.
J’avoue avoir été bluffé par l’ambition de ce remaster.
Après un portage sur 3DS en 2015 qui a permis à plus de joueurs de découvrir le titre (dans des conditions… brouillonnes), Xenoblade Chronicles débarque sur Switch dans une “édition définitive”. J’avoue avoir été bluffé par l’ambition de ce remaster, à tel point qu’on pourrait croire qu’il s’agit d’un titre original.
Remaster Sword
Comme tout bon JRPG, le joueur suit les péripéties d’un ado sans histoire au destin extraordinaire (choisi par une épée légendaire, tant qu’à faire) : Shulk. Ce dernier vit dans un microcosme posé sur le dos d’un titan, inerte depuis des millénaires, de quoi faire réfléchir les adeptes de la théorie de la Terre plate. Enfin “microcosme” d’une certaine manière, puisque ce sont bien ses panoramas grandioses qui font partie de la réputation de Xenoblade Chronicles.
Si certains remasters se contentent d’affiner quelques textures et de monter la résolution, cette Definitive Edition ne fait clairement pas les choses à moitié. En comparant avec la version Wii, les personnages et créatures ont été entièrement remodélisés et le chara-design a été modernisé pour s’approcher de celui de Xenoblade Chronicles 2 sorti en 2017. Certes, délaisser sa direction artistique originale pour quelque chose plus “animesque” peut faire grincer les dents de ceux qui l’ont connu à l’époque, mais le changement passe plutôt bien, surtout que la mise en scène (point fort de l’original) a été mise à jour en conséquence.
Comme tout bon JRPG, le joueur suit les péripéties d’un ado sans histoire au destin extraordinaire : Shulk.
Certes, la géométrie du terrain est restée bloquée en 2010 : 3 polygones se battent en duel, mais le lifting global suffit réellement, surtout que les grands espaces et les paysages qui en découlent permettent de passer outre ce petit souci d’enfant pourri gâté de 2020. De plus, l’ajout intelligent de shaders supplémentaires permet de rendre l’aspect du jeu bien moins terne, avec des couleurs plus vibrantes et de nouveaux effets spéciaux bienvenus.
Le seul gros reproche que je pourrais faire est l’utilisation d’un antialiasing temporel un peu trop puissant qui peut rendre l’image imprécise en plein mouvement, voire floue. Mais ce souci est finalement contrebalancé par un framerate agréable, parfois très fluide et qui ne descend jamais sous les 30 FPS, ce qui est surprenamment agréable jusque dans les cinématiques.
Le plus gros du travail a sûrement été réalisé sur l’interface.
Toutefois, on reste étonné de lacunes techniques difficilement explicables, comme une résolution TV bloqué à 720p (540p en mode portable), avec même une résolution dynamique qui peut plonger jusqu’à… 378p. Même la Wii tournait en 480p ! Je vous rassure, ça ne se ressent pas trop grâce aux techniques de lissage améliorés depuis Xenoblade 2 et les grands espaces aident pas mal à garder le jeu lisible, mais je ne saurais trop vous recommander de privilégier les sessions sur la télé, parce que le mode portable devient parfois assez brouillon. Heureusement que l’interface reste adaptée à l’affichage de la console.
Justement, parlons de l’interface. On y pense rarement, mais le plus gros du travail a sûrement été réalisé sur cette dernière, devenue à la fois moderne tout en restant fonctionnelle dans le contexte du jeu. Bon, il y a toujours ce côté pastilles pour application mobile aux couleurs très plates, mais le titre n’a jamais été aussi communicatif, ce qui ravira sûrement les vieux joueurs tout en permettant aux jeunes de ne pas être rebutés par une présentation qui aurait mal vieilli. Certains ajustements ont même été faits pour aider le joueur au mieux, comme mettre en avant des coups qui réagissent avec ceux des coéquipiers.
Toutefois, on reste étonné de lacunes techniques difficilement explicables.
Et comment ne pas aborder Xenoblade Chronicles sans parler de la bande originale composée par Yoko Shimomura et Manami Kiyota ? Pour l’occasion, toute la musique a été soit réenregistrée (avec les vrais orchestres qui vont bien), soit remastérisée. C’est parfois léger, car les musiques d’origines étaient déjà très bien produites, mais certains thèmes déjà très marquants en deviennent réellement sublimés. Le plus beau, c’est qu’il est possible de passer de la bande-son d’origine aux nouveaux arrangements à la volée.
Si vous ne supportez pas les voix britanniques devenues — malgré elles — une signature de l’univers de Xenoblade qui lui donne un certain charme (je trouve), vous aurez tout le loisir d’opter pour la V.O en japonais. C’est la moindre des choses, de nos jours.
Rétrofuturisme
Après ce lifting artistique et technique plus que bienvenue, forcé de constater que le titre se tient toujours aussi bien du côté du gameplay, malgré ses partis pris déjà étonnants en 2010.
Très inspirées des MMORPG, les mécaniques du titre misent sur l’exploration, le grinding et les combats de longue haleine. Des auto-attaques à la gestion de la caméra en passant par la faune qui peuple les différents niveaux ouverts gigantesques ou le gameplay à base de gestion de la menace, absolument tout respire le MMO.
Très inspirés des MMORPG, les mécaniques du titre misent sur l’exploration, le grinding et les combats de longue haleine.
C’est assez déroutant parce qu’on passe le plus clair de son temps à massacrer des monstres et des animaux, et on amasse des objets à ne plus savoir quoi en faire, mais l’ergonomie en fait une expérience fluide et finalement assez agréable. J’ai l’impression de jouer à un free-to-play mobile, mais sans la sensation d’être une corvée. C’est prodigieux.
Les points de voyage rapide sont nombreux et les objectifs des quêtes secondaires (d’une simplicité extrême) sont toujours clairement visibles sur l’interface et la carte. On peut toujours trouver dommageable le manque d’implication du joueur dans ces phases de pexing, mais Monolith s’est contenté d’aller à l’essentiel, sans lourdeurs. Quitte à faire la même chose pendant des heures et répéter toujours les mêmes tâches, il était bon de faire en sorte que cela reste fluide et sans cassure dans le rythme.
J’ai l’impression de jouer à un free-to-play mobile, mais sans la sensation d’être une corvée. C’est prodigieux.
Plus les heures de jeux s’accumulent, plus le gameplay se complexifie pour une profondeur insoupçonné. Entre la gestion de l’équipement, sa personnalisation, le choix des compétences, arts et leurs améliorations, il y a de quoi inventer des orientations de gameplay intéressants, en ayant toujours la synergie du groupe et la complémentarité des membres en tête. Ajoutez à ça de nombreuses mécaniques d’optimisations via la création de gemmes et les sociopoints, et vous en aurez pour des heures à peaufiner vos compositions.
Les combats contre les monstres coriaces et boss sont des marathons qui offrent beaucoup de plaisir quand on se rend compte que le combat est enfin plié, mais un rouage qui se coince dans la machine signifie généralement un Game Over pur et simple (à moins de pouvoir fuir le combat… à la manière d’un MMO, encore une fois). Les combats semblent assez passifs au premier abord, mais garder un œil sur toutes les jauges et états forcent à prendre les bonnes décisions au bon moment, avec des dilemmes de tous les instants, notamment avec la capacité de Shulk à prévoir les plus gros dangers à l’avance. On agit peu, mais on agit bien.
Populisme
Si vous vous sentez dépassé et comptez simplement profiter de l’histoire sans trop vous prendre la tête, Monolith a pensé à vous avec un mode facile qui est bien plus permissif au niveau des erreurs. À contrario, un mode Expert parlera aux vétérans qui veulent maîtriser leur progression et s’assurer que ses personnages ne dépassent pas trop le niveau des monstres (jusqu’à optimiser la distribution de l’expérience).
Et si vous accrochez VRAIMENT au système de combat de Xenoblade Chronicles, de tout nouveaux défis sont accessibles un peu partout dans le monde, avec des récompenses à la clé en fonction des temps de complétion. Composition imposée ou libre, il faudra se creuser les méninges pour trouver les tactiques les plus efficaces. Comme quoi, il y en a pour tout le monde.
Plus les heures de jeux s’accumulent, plus le gameplay se complexifie pour une profondeur insoupçonnée.
Je déteste le principe même de grinding en règle général, mais Xenoblade Chronicles le rend assez naturel et “agréable”, tout en s’insérant parfaitement dans la boucle de gameplay (à défaut d’être fondamentalement logique, comme la plupart des JRPG), bien qu’elle soit nécessaire pour rester au niveau.
Le chemin jusqu’à la prochaine étape de quête est désormais dessinée sur la mini-carte et l’interface de l’inventaire a elle aussi été repensée, notamment grâce à une résolution qui permet de respirer. Tout n’est pas parfait et certaines infos restent cryptiques (mais ça fait quoi concrètement la “force” ?), mais rien d’insurmontable.
L’armée des 12 nopons
Parce qu’il faut quand même bien attirer ceux qui ont retourné le titre d’origine dans tous les sens en 2010, Xenoblade Chronicles: Definitive Edition leur réserve un chapitre supplémentaire, qui fait office d’épilogue avec de nouvelles mécaniques de gameplay à base de… nopons. Urgh, pourquoi faut-il toujours que le kawaï intervienne ? Nommé Future Connected, ce chapitre peut tenir le joueur en haleine pendant une petite dizaine d’heures.
Nommé Future Connected, ce chapitre inédit peut tenir le joueur en haleine pendant une petite dizaine d’heures.
La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est pas nécessaire de terminer le jeu pour en profiter, puisque cet épilogue est directement disponible dans le menu principal au premier lancement. La mauvaise, c’est que cela spoil allègrement tout le scénario du jeu de base, mais sale. Il n’y a AUCUN intérêt à lancer le chapitre supplémentaire si vous n’avez pas terminé Xenoblade Chronicles sur Wii ou 3DS.
Les événements prennent place un an après la fin de Xenoblade Chronicles. Shulk et Melia se retrouvent sur l’épaule de Bionis pour sonder une nouvelle menace qui serait en train de pointer le bout de son nez. Les deux compères seront rejoints par Kino et Nene, deux nopons qui compléteront le groupe, mais ce ne sont pas les seuls nopons que vous croiserez, ça non…
Le chapitre profite de sa propre région et de mécaniques de gameplay uniques qui viennent se greffer à des personnages déjà niveau 60.
Les enjeux sont bien plus légers que le scénario principal, et ça se sent, mais le chapitre profite de sa propre région et de mécaniques de gameplay uniques qui viennent se greffer à des personnages déjà niveau 60. Au fil de la progression, vous recueillerez jusqu’à 12 nopons qui suivront le groupe comme une petite armée terrifiante.
Selon la couleur des nopons, vous pouvez activer diverses compétences avec une couleur associée. Plus les nopons de la couleur en question sont nombreux, plus les compétences sont puissantes. Ce système remplace celui des enchaînements du jeu de base, mais voir tous ces nopons crapahuter sur le terrain a de quoi faire sourire, et c’est clairement le but de ce chapitre supplémentaire : se relaxer et s’amuser avec un jeu qui a su nous faire vibrer et transpirer pendant de très longues heures.
C’est définitif
Que vous ayez joué au titre sur Wii en 2010 ou découvert la série avec Xenoblace Chronicles 2, Xenoblade Chronicles: Definitive Edition a forcément quelque chose à vous offrir. JRPG au scénario toujours aussi prenant et aux mécaniques toujours aussi bien huilées, les nombreuses modernisations apportent le titre (presque) sans encombre en 2020. Le travail sur l’ergonomie est remarquable, les graphismes rehaussés sont réussis et les modes de jeu supplémentaires peuvent motiver les vieux de la vieille à craquer pour ce remaster et repartir pour une centaine d’heures.
Ce qu’on a aimé :
- Une histoire toujours aussi prenante
- Une mise à jour graphique intéressante
- Une durée de vie plus que conséquente
- Toujours ce sens de la mise en scène
- Une bande originale réorchestrée à la perfection
- Une bien meilleure ergonomie dans l’ensemble
- Accessible aux débutants, complet pour les vétérans
- Du contenu inédit bien intégré
Ce qu’on n’a pas aimé :
- La résolution est restée en 2010
- Le côté MMO-tout-seul flingue parfois l’immersion
- Des quêtes de remplissage à ne plus savoir quoi en faire
- Des mécaniques qui se croisent parfois cryptiques
- Peut-être trop long pour son propre bien
Ce jeu est fait pour vous si :
Si vous êtes prêt à (re)découvrir un grand JRPG marquant.
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous n’avez pas 80 heures à consacrer à un JRPG un “brin” répétitif.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Xenoblade Chronicles: Definitive Edition est disponible sur Nintendo Switch.