Ça commence à faire beaucoup pour tout le monde
[mise à jour 29/06 10h15]
Eh bien, on dirait qu’Ubisoft ne fait pas semblant. Jason Schreier, désormais chez Bloomberg, rapporte que la plupart des employés visés par les différentes allégations de harcèlement ont été suspendus (“congé administratif”), le temps que des enquêtes internes soient menées. Cela comprend Maxime Béland et le célèbre ex-journaliste de Game One Tommy François, tous deux vice-présidents éditoriaux pour l’éditeur français. Ils entretiendraient à eux seuls un environnement toxique qui profiterait aux éventuels harceleurs.
Béland aurait étranglé une collègue lors d’une soirée de lancement un brin trop arrosé. Un incident passé sous silence grâce à la bienveillance de son supérieur… et sa femme qui occupait le poste de DRH. Quant à Tommy François, son comportement serait souvent déplacé avec les femmes, ce qui aurait mené au dépôt de centaines de plaintes… toutes mises de côté par l’intervention de Serge Hascoet, président de la ligne éditoriale d’Ubisoft.
Évidemment, si ces deux suspensions sont les plus spectaculaires, il ne faut pas oublier que les accusations visent un bon nombre d’employés à travers les nombreux studios et relève d’un problème bien plus grave et bien plus vaste au sein de la société, où les ressources humaines ont bien plus souvent mis en avant les intérêts de la société que celle des employé·es. C’est bien qu’Ubisoft prenne des dispositions, mais cela ressemble maintenant plus à du damage control qu’à une véritable action qui cherche à améliorer les choses. Dans tous les cas, la société ne fera pas d’autres commentaires avant la fin des enquêtes.
[article original]
Cette semaine, de nouvelles voix se sont fait entendre dans le cadre de la lutte contre le harcèlement sexuel sous toutes ses formes, et l’industrie du jeu vidéo est assez vocale sur le sujet. De nombreuses femmes travaillant dans le milieu ont joint le mouvement et osent enfin raconter leur traumatisme, quitte à accuser parfois directement leur harceleur ou agresseur sexuel, que ce soit en ligne ou sur leur lieu de travail. C’est dans ce contexte-là que le scénariste Chris Avellone a été désigné par plusieurs femmes comme prédateur sexuel.
Malgré une culture du travail unifiée à travers ses studios à l’international, il semblerait qu’Ubisoft soit particulièrement touché par de tels problèmes. De nombreux témoignages de différentes femmes mis en commun nous font bien comprendre qu’il règne un malaise au sein de l’entreprise. Il s’agit souvent d’anciennes employées, mais quelques-unes sont dans un studio de l’éditeur français.
When I say this is a systemic issue for Ubisoft, I have gathered stories from employees at UbiMassive, Ubi Montreal, Ubi Toronto, Ubi Brazil, Ubi San Fransisco, and even their North Carolina location. And of course things get worse as you head to the source in Paris.
— Denny the Villain (@DennyVonDoom) June 25, 2020
Quand je dis qu’il s’agit d’un problème systémique chez Ubisoft… j’ai réuni des histoires d’employées à UbiMassive (Massive Entertainment), Ubi Montréal, Ubi Toronto, Ubi Brazil, Ubi San Fransisco, et même dans leurs locaux de Caroline du nord. Bien sûr, les choses sont encore pires quand vous vous rapprochez de la source à Paris.
Entre blagues sexistes ou homophobes à répétition, et cas de harcèlement sexuel couvert par la DRH qui était la femme du harceleur, il y a de tout dans ces témoignages. Ces témoignages sont souvent très détaillés avec le nom et position — souvent des cadres — des accusés et font parfois froid dans le dos. C’est ce genre de témoignage qui a poussé Ashraf Ismail à abandonner son poste de directeur créatif sur Assassin’s Creed: Valhalla plus tôt dans la semaine.
Ubisoft a finalement réagi assez rapidement dans un communiqué officiel. L’éditeur ne réfute pas les accusations, mais se dit attentif à ce genre de problèmes et prêt à faire les changements nécessaires pour que cela ne se reproduise plus.
Concernant les récentes allégations formulées contre certains membres de l’équipe d’Ubisoft : nous voulons commencer par nous excuser auprès de toutes les personnes concernées – nous sommes vraiment désolés. Nous nous engageons à créer un environnement inclusif et sûr pour nos équipes, nos joueurs et nos communautés. Il est clair que nous n’avons pas réussi à le faire par le passé. Nous devons faire mieux.
Nous avons commencé par lancer des enquêtes sur les allégations avec le soutien de consultants externes spécialisés. Sur la base des résultats, nous nous engageons pleinement à prendre toutes les mesures disciplinaires appropriées. Comme ces enquêtes sont en cours, nous ne pouvons commenter davantage. Nous allons également auditer nos politiques, processus et systèmes actuels pour comprendre où se situent les lacunes et pour nous assurer que nous pouvons mieux prévenir, détecter et punir les comportements inappropriés.
Nous partagerons les mesures supplémentaires que nous mettons en place avec nos équipes dans les prochains jours. Notre objectif est de favoriser un environnement dont nos employés, partenaires et communautés peuvent être fiers, qui reflète nos valeurs et qui est sûr pour tout le monde.
Difficile à dire si les plus hauts placés d’Ubisoft sont au courant de l’ambiance qui règne dans ses locaux de puis un moment ou s’il s’agit d’incidents isolés des uns et des autres, mais c’est malheureusement bien trop courant dans l’industrie dans son ensemble. Il est important de soutenir ces femmes qui osent enfin faire face à leurs harceleurs et faire comprendre que la situation n’est pas normale.