Alors que l’assemblée générale d’Ubisoft arrive à grands pas, Yves Guillemot s’est confié aux Échos sur son inquiétude vis-à-vis de Vivendi.
“Regardez bien ce qui est dans l’intérêt de tous les actionnaires et des salariés”
Dans une interview menée par Les Échos, Yves Guillemot a eu le champ libre pour exprimer le fond de sa pensée à propos de Vivendi, qui pourrait tenter — dans un futur proche — de prendre le contrôle de la société bretonne pour de bon. Alors que Vivendi a voix au chapitre sur certaines décisions au conseil d’administration, ces derniers auraient saboté des résolutions pour l’amélioration de la condition de vie de certains employés, et la culture de certains talents. Le pire, c’est que les deux interlocuteurs ne communiquent pas.
Cette année, Vivendi doit se comporter en actionnaire responsable. Ubisoft n’est pas un jouet, mais une équipe olympique. Quand les collaborateurs se dépassent pour faire les meilleurs jeux de l’industrie, ils doivent être associés aux performances à moyen et long terme de l’entreprise. C’est normal et c’est un élément majeur dans la croissance des entreprises. […] Nous ne nous parlons pas. Nous attendons toujours la réponse au courrier envoyé il y a plus d’un an, pour qu’ils nous précisent les synergies qu’ils disent imaginer.
Malgré le discours des grandes pontes d’Ubisoft pour expliquer à Vivendi que “le jeu vidéo, c’est sérieux, faut pas en faire n’importe quoi”, Vivendi continuerait son opération de taupe agressive dont le conseil d’administration d’Ubisoft en serait le jardin. Si Yves Guillemot se dit confiant sur le fait que Vivendi n’aura jamais vraiment de poids dans les décisions des différents partenaires, et qu’il espère augmenter le nombre d’administrateurs indépendants de 6 à 11 membres. Vivendi aurait pu en faire la demande.
Ils avaient jusqu’au 28 août pour en faire la demande officielle. Mais ils ne l’ont pas faite. Je pense qu’ils ont compris que les actionnaires d’Ubisoft n’y seraient pas favorables, parce qu’ils savent que Vivendi a l’habitude de prendre le pouvoir dans les entreprises par un contrôle rampant.
Sur une éventuelle OPA de Vincent Bolloré sur Ubisoft en novembre, Yves Guillemot déclare que la meilleure façon de contrer ça, c’est de performer.
Nous avons transformé le modèle d’Ubisoft pour allonger la durée de vie de nos jeux et qu’ils apportent des revenus plus récurrents et plus rentables. Depuis un an, le cours de bourse d’Ubisoft a progressé de plus de 60 %. Si quelqu’un arrive et propose une prime de 30 %, je ne pense pas que beaucoup d’actionnaires seraient intéressés, car notre potentiel de création de valeur est largement supérieur.
Après s’être autocongratulé sur les performances d’Ubisoft depuis quelque temps et qui expliqueraient l’intérêt de Vivendi pour la société, le PDG d’Ubisoft confirme que ça serait la mort de la boite si Vivendi en prenait le contrôle.
La question c’est que Vivendi serait alors obligé de s’adapter au monde du jeu vidéo. Or, je ne suis pas sûr qu’il le comprenne. Nous, depuis trente ans, nous essayons de trouver la bonne voie. Ce n’est pas facile, c’est exigeant, il faut prendre des risques et être mobilisés à 100 % sur ce segment. Cela ne serait plus une priorité dans un grand groupe. […] Je n’ai pas du tout envie d’être dirigé par un conglomérat.
Il met d’ailleurs un taquet à Vivendi en expliquant qu’Activision n’a jamais aussi bien performé que depuis que la société française ai revendu toutes ses parts. Pour terminer, il lance alors un appel à ses actionnaires :
Regardez bien ce qui est dans l’intérêt de tous les actionnaires et des salariés. Et votez ! Nous sommes montés au capital pour donner les meilleures chances de succès à l’entreprise, et pour confirmer notre engagement et notre confiance. 50 % de nos salariés sont également actionnaires. Plus il y aura de votes à l’AG, plus nous pourrons protéger l’intérêt de tous les actionnaires et de nos talents.
Les semaines qui vont suivre risquent d’être mouvementées pour la société de jeux vidéo française. Alors que beaucoup de jeux d’envergure sont au tournant comme le nouveau Assassin’s Creed, Vivendi a raison de s’intéresser à morceau de plus de 6 milliards d’euros. Seulement, l’acquisition de la boite fondée par Yves Guillemot et son frère dans leur garage en Bretagne risque alors de perdre de son identité et de sa superbe, tentant d’allier alors créativité et productivité avec un certain talent… n’en déplaise aux détracteurs.