Notre consommation actuelle du jeu vidéo nous permet d’amasser des centaines voire des milliers de jeux dont la plupart ne sont jamais joués. Il faut que cela cesse.
En avoir pour son argent
Tout le monde râle à longueur de temps sur le fait que les jeux sont de plus en plus chers. Si le prix moyen d’un jeu en France est toujours de 60€ depuis un moment, ce n’est pas forcément faux. Le modèle économique de l’industrie a beaucoup évolué en même temps que l’ambition des jeux à grand budgets. Désormais, on nous harcèle à coup de DLC ou d’extensions plus ou moins pertinents. Et encore, on n’a pas parlé des microtransactions.
Pourtant, le constat est là, il y a des milliards de façons d’économiser sur l’achat d’un jeu.
De nombreux sites discount ou grandes surfaces permettent d’acheter un même titre moins cher que la concurrence, mais la vraie révolution au niveau du prix se trouve ailleurs. Si certains éditeurs se touchent sur le prix de leurs jeux dématérialisés (quand on compare avec les versions physiques), le principe a pourtant permis de sacrées évolutions du marché.
Je ne vous apprends rien non plus de ce côté, si on est suffisamment patient, il est possible d’économiser énormément en attendant quelques mois. Il n’est pas rare de payer un titre deux fois moins cher à peine 6 mois après sa sortie.
Plus un jeu est ancien, plus son prix baisse de manière spectaculaire. Les soldes Steam ont été responsables de pas mal de découverts bancaires et les Humble Bundle permettent d’acheter des packs de jeux entiers pour littéralement une bouchée de pain.
Aujourd’hui, nous n’allons pas aborder la façon optimale pour économiser un max et remplir votre ludothèque Steam jusqu’à ras la gueule. Je vais plutôt gentiment vous engueuler sur le fait qu’un bon nombre de jeux que vous achetez, vous ne les lancez jamais… même pas une fois. Et ça, amis joueurs, ce n’est pas cool.
LA TE-HON
Concrètement, le Pile of Shame, c’est quoi ?
On pourrait le traduire littéralement par “la pile de la honte”. Imaginez tous ces jeux Steam achetés en soldes, dans des packs Humble Bundle au prix variable (quand le jeu n’est pas gratuit), associez-les chacun avec une boîte à DVD et faites-en un tas virtuel au milieu de votre salon. C’est haut, hein ?
Sur mon compte Steam personnel qui a plus de 14 ans (faut comprendre, c’était pour jouer à CS 1.6), je possède 487 jeux, au moment où j’écris ces lignes. À ça, vous ajoutez une centaine de jeux issus de divers bundles dont je n’ai pas encore soumis à Steam. On peut alors arrondir le tout à 600.
À votre avis ? Sur ces 600 jeux ? Avec combien d’entre eux est-ce que j’ai joué ? En fait, je n’en sais rien moi-même, et ça m’emmerde (en plus de me déprimer).
Selon Kotaku, après avoir sondé plus de 1 400 joueurs qui achètent en moyenne entre 11 et 25 jeux par an, seulement 40% des softs possédés ont été lancés au mois une fois. 30% des sondés possèdent même une cinquantaine de jeux qu’ils n’ont jamais été joués.
Après réflexion, c’est clairement ça en fait : plus de la moitié de ma ludothèque Steam est inutile.
Si on est optimiste, on pourrait dire que ces jeux ont un mérite : assouvir une certaine envie de collectionner et d’amasser le plus possible. Et pourtant, sur 14 ans, j’ai clairement eu le temps de jouer avec mon compte.
Drogue dure
Sur le papier, tous ces jeux en votre possession, c’est du blé foutu en l’air. Pourquoi continuer d’en acheter ?
C’est les soldes Steam et vous êtes sur le point de faire un achat. Le jeu en question, vous l’avez remarqué, vous avez été aguiché par son prix attractif. Vous attendiez peut-être le bon moment pour l’acquisition. Ensuite, vous l’avez mis dans le panier et vous avez fait péter le compte PayPal. Il se peut même que vous l’ayez installé de suite sur votre disque dur. Il est là, en train de prendre de la place, et il attend (comme Cthulhu). Alors, pourquoi vous n’y jouez pas ?
Kotaku aurait peut-être la réponse encore une fois. Presque 80% des sondés ont senti une nette satisfaction lors de l’achat du titre au rabais. La plus grosse récompense que vous avez en achetant un jeu soldé, c’est simplement le kif d’avoir fait une affaire. Le fait de jouer devient totalement secondaire. C’est très subtil et on ne s’en rend pas compte sur le moment, mais c’est vrai.
Ne vous en voulez pas, c’est votre cerveau qui est en cause. C’est un vrai connard égoïste et possessif.
Si vous achetez un jeu à sa sortie au prix conseillé, le prix élevé vous donnera envie d’y jouer à fond. C’est aussi révélateur du fait que ça soit un jeu que vous attendiez tout particulièrement, mais il y a clairement une corrélation entre le prix du jeu et l’engagement du joueur dans ce dernier. Seulement 20% des joueurs paient uniquement leurs jeux plein pot.
Mais finalement, est-ce vraiment un problème ?
Faux gamer
Bah oui, il se peut que vous viviez très bien votre Pile of Shame, et pourtant, vous ne devriez pas.
Si on joue à des jeux vidéo, c’est pour les expériences qu’ils procurent. Logiquement, plus on a de jeux, plus on a la possibilité de tester différentes expériences.
Mais quand j’achète un jeu, au fond, c’est que j’ai envie d’y jouer, non ?
Le truc qui me déprime le plus, c’est que je croise vraiment des putains de jeux dans ma ludothèque. Celeste, Hollow Knight, War for the Overworld, Furi, Darksiders 1 & 2, Life is Strange, le dernier Hitman, Rise of the Tomb Raider, Pillars of Eternity… et je pourrais continuer comme ça très longtemps. On remarque que même les gros AAA ne sont pas à l’abri.
Pour être un meilleur joueur, j’ai besoin d’étoffer mon expérience avec un maximum de jeux. On ne parle pas de les finir, mais au moins de s’approprier leur boucle de gameplay afin de pouvoir dire sans se mentir : “oui, j’y ai joué”.
J’ai établi trois raisons principales pour lesquelles vous devriez vous forcer à essayer de réduire votre Pile of Shame :
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C’est de l’argent jeté par la fenêtre
- Comme dit plus haut, à quoi bon dépenser de l’argent si c’est pour rien en faire ? Mis bout à bout, même si les promos sont très attractives, le total des dépenses inutile doit piquer. Vous auriez mieux fait d’investir dans un titre plus consistant, un set de LEGO, ou payer des kebabs aux copains/copines.
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Il y a de vraies gens qui l’ont développé
- Au bout d’un moment, il faut arrêter de voir les jeux comme de simples produits de consommation. Bien sûr, il y a des AAA qui peuvent être lancés sans trop d’arrières pensés, mais certains jeux ont été développés avec la volonté de vous transmettre quelque chose. Rendez hommage au boulot de développeur et testez au moins leur jeu. Vous l’avez déjà.
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Vous pourriez passer à côté de très belles choses
- La vraie raison principale, elle est là. Non seulement vous avez acheté le jeu parce qu’il vous attirait, mais en plus, il se peut qu’il dépasse de loin toutes vos attentes (vu le prix ridicule auquel vous l’avez payé). Si j’avais su à l’avance de la claque dans la tronche que m’assènerait Undertale alors payé une misère (il coûte 10€ neuf !), je l’aurais acheté sans réfléchir à sa sortie. J’ai aussi dû me faire violence pour jouer à Dishonored: La Mort de l’Outsider, pourtant issu d’une série que j’adore. Je ne regrette pas une seule minute.
Bien sûr, si un jeu ne nous plaît pas au final, on ne va pas se forcer. On se fait rembourser si c’est possible ou on l’oublie dans un coin.
Le col de la Madeleine
Le problème, c’est que le Pile of Shame, c’est un peu comme une étape du tour de France en montagne. Ça ne cesse de grimper et on n’en voit pas le bout. Alors si en plus vous en abusez…
Voilà quelques conseils pour l’ascension de la pile (ou au moins, essayer de faire les choses bien) :
- Faites le tour de vos jeux non lancés et faites-vous une liste de vos priorités. Malheureusement, beaucoup de jeux livrés dans un bundle sont de vrais indésirables. Faites une sélection complète qui donne vraiment envie.
- Soyez dans un bon état d’esprit pour vous plonger dans le jeu. Une fois que vous avez accroché un minimum, c’est gagné.
- Si vous voulez jouer à un jeu multi — et que vous n’avez pas de potes sur le moment — jouez plutôt à un jeu de la liste. PUBG et Overwatch ne vont pas s’envoler et ne seront pas vraiment différents la prochaine fois que vous lancerez une partie. Les jeux uniquement multijoueurs sont vos principaux ennemis. Addictifs mais pas vraiment productifs.
- Ne lâchez rien. Obligez-vous à relancer le même jeu jusqu’à ce que l’intérêt disparaisse ou mieux : que vous le terminiez.
- Considérez mieux vos futurs achats (quel qu’il soit) ou alors assumez le rythme. C’est au choix. Dans les deux cas, vous êtes gagnants, mais ne restez pas inactif.
Surtout, si vous voulez rester motivé, n’allez jamais (ô grand jamais !) sur Steam Left. Un site qui calcul le temps moyen nécessaire pour finir tous vos jeux Steam.
Il n’y a pas de miracle face à une pile de la honte. Juste du temps, de la motivation, mais un sentiment d’accomplissement incomparable.
On n’est pas sorti de l’auberge
Le syndrome du Pile of Shame est une conséquence naturelle de l’industrie à l’heure actuelle. On a beaucoup, beaucoup, trop de jeux à jouer.
Ça en devient affolant, et un curieux comme moi en devient dépressif rien que d’y penser. Tellement de jeux à tester et expérimenter, et si peu de temps à disposition.
Seulement, depuis tout à l’heure, on parle de soldes Steam, de bundles, de jeux PC au rabais pour pas cher, mais on pense à vous les consoleux. On vous plaint même. Vous n’avez peut-être pas remarqué, mais vous êtes dans la même galère, voire pire.
Vous voyez les saloperies que Microsoft et Sony ont mises en place avec leur abonnement en ligne ? Du genre Gold With Xbox Live ou les jeux gratuits mensuels du PSN+ ? Eh oui, comme le dirait Ian Malcolm, c’est un beau Pile of Shame ça. Vous accumulez des jeux au fil des mois sans même vous rendre compte.
Pourtant, il y a de belles choses dans ces offres gratuites. Pas plus tard que le mois dernier, j’ai débloqué Absolver sur ma PS4. Un truc que je voulais tester depuis le jour de sa sortie, l’année dernière (un jeu français, en plus). Et vous savez quoi ? Je l’ai bien téléchargé, mais je ne l’ai toujours pas lancé.
Et encore, l’Apocalypse n’est pas encore là, même s’il est à nos portes. Il y a deux choses qui vont rendre notre vie de joueur un enfer : les jeux services et les abonnements illimités.
Les gros éditeurs sont passés d’un rythme infernal quasi annuel d’une même série à un seul gros titre, mais où vous passerez votre temps à courir après une carotte sans grand intérêt (mon avis, hein ?).
Ainsi, Destiny ou encore Assassin’s Creed: Origins ont été faits pour accaparer toute l’attention du joueur tout le long de l’année, à coups de mises à jour régulières gratuites (ou non) afin de l’empêcher de s’atteler à autre chose en parallèle.
Mais le plus vicieux restera sans doute le modèle de l’abonnement qui risque de se démocratiser, comme le Xbox Game Pass ou l’Origin Access Premier.
Vous avez déjà eu ce sentiment d’être submergé par Netflix la première fois que vous vous êtes connecté ? Préparez-vous à connaître la même chose avec vos jeux. Tellement de possibilités en un clic que vous n’oserez plus tester quelque chose de neuf, pendant que les développeurs sont payés une misère pour avoir le droit d’avoir leur jeu dans le catalogue.
Arrêtez d’avoir honte et prenez vraiment le temps de jouer à des trucs qui en valent la peine. Vous avez du choix.
A une époque je craquais pour la plus part des bundles qui me passaient sous le nez, puis je me suis rendu compte que je ne jouais pas au tiers des jeux proposés, depuis je me restreins car voir sa liste de jeux augmenter sans avoir le temps de les lancer c’est plus déprimant qu’autre chose.
Et dire qu’en étant gosse c’était la fête quand j’avais deux ou trois jeux dans l’année ! ^^
Toujours plus de jeux et toujours moins de temps pour en profiter, je crois qu’on est tous dans ce cas là une fois dans la vie active ! ;)
C’est déprimant en effet …
J’essaie pourtant de faire un jeu de ma liste de temps en temps mais entre les jeux que j’ai loupé et ceux qui sortent en parallèle, c’est compliqué !
Sans parler des jeux multi (coucou Overwatch), ça n’apporte rien mais on veut quand même y jouer !
Comme dit <a class=’bp-suggestions-mention’ href=’https://www.warlegend.net/members/Gorilla/’ rel=’nofollow’>@Gorilla</a>, on est loin du temps ou on usait les cartouches de Megadrive jusqu’à l’os.
L’industrie du jeux vidéo a évolué, notre consommation aussi.