Depuis maintenant quelques années, les fans de MMO attendent tous le Messie. L’Elu, le Sauveur, le jeu qui va réconcilier tout le monde, les WoW addicts, les fanatiques de DAoC, les techniciens d’Eve Online, les casuals de Rift, les fans de SWTOR, les gens bizarres d’Aion, les déçus de tous ces jeux, ceux qui ne jurent que par le PvP, ceux qui ne jurent que par le PvE, ceux qui ne jurent que par le roleplay, ceux qui ne jurent que devant le juge, tout ce petit monde attend un standard, une plateforme où toutes ces communautés seraient présentes et auraient leur place légitime. Hé bien aujourd’hui le Professeur Defwin vous annonce qu’il n’arrivera jamais. Vraiment ? C’est ce que nous allons voir.
« C’est ma première fois »
Oui, cette fameuse fois dont tout le monde se rappelle. Loin d’être le produit d’une fortuite chasse à la connasse hebdomadaire au Macumba, discothèque de 3ème zone choisie par votre bande d’amis déjà déniaisés, le premier MMO est quant à lui très important, c’est celui qui définit la référence pour la suite : la première expérience est toujours celle qui définit la façon dont on va aborder les suivantes. Le premier MMO est celui de la découverte, des nouvelles possibilités, de l’exploration de nouvelles contrées et de la prise de conscience d’évoluer autour d’autres joueurs comme nous. C’est le moment où l’objectivité passe au filtre magique : le côté positif du jeu est exacerbé, et le côté négatif dédaigné. Puis le temps aidant, on se rend compte des défauts au final présents, des choses qui ne vont pas, mais on s’en fout parce c’est notre premier MMO et on n’a rien connu de mieux, rien connu avant. C’est la nature humaine, un peu comme quand on se fait très mal la première fois qu’on se coince dans une porte, et qu’après se sert de son expérience pour ne jamais plus claquer de portes tout nu.
Ultima Borderline
Il était une fois Ultima Online. En cette année 1997, le premier MMO populaire devient aussi le premier MMO de beaucoup de gens, à cette époque totalement hallucinés par la richesse du jeu et les possibilités d’interaction entre joueurs qu’il proposait. C’était un peu un nouveau Far West numérique, où tout est permis. L’économie était très libre (au début), le jeu était intéressant (au début aussi), tout le monde se trucidait et se volait, c’était l’avènement d’une époque géniale, le paradis vidéoludique sans frontières. Et pourtant, très vite les problèmes sont apparus : économie tuée à cause des cheats, dupes (duplication d’objets), changements de gameplay, décisions idiotes d’Electronic Arts (oui, déjà à l’époque). Et là tout le monde se dit « on ne m’y reprendra plus », bien dégoûtés de cette première expérience saccagée. Du coup, en 1999, beaucoup de gens ont arraché leurs ruines de ce jeu et sont partis voir sur Everquest si l’herbe était plus verte. Et là, c’est le drame.
Les vieux cons contre les jeunes crétins
C’était marrant, Everquest. Le jeu en lui-même n’était pas vraiment comique, mais la communauté avait son quota de clowns. En effet, c’est alors sur Everquest qu’on a alors vu 2 groupes de gens s’affronter : le premier comporte ceux qui jouaient au jeu de SOE comme leur premier MMO, le deuxième étant les gens qui avaient déjà joué à Ultima Online avant. Vous voyez venir le truc, n’est-ce pas ? Un combat incessant dans la communauté Everquest entre ces 2 groupes, les pro-Everquest étant totalement fans de leur jeu et le défendant bec et ongles, parfois avec de la mauvaise foi, et les pro-Ultima-mais-j’ai-switch-sur-Everquest-lol qui étaient très critiques à l’encontre d’Everquest, se servant d’Ultima Online, leur première expérience et donc leur référence, comme d’un modèle de jeu parfait, avec aussi, de la mauvaise foi. Et ça Mesdames et Messieurs, ça s’appelle le début de la fin, car c’est depuis cette époque qu’on se tape des incessantes guerres de forums entre les communautés chaque fois qu’un MMO sort, tout le monde vient donner son opinion avec sa référence absolue et donne des grands coups de pelle de mauvaise foi au cas où un fou aurait l’audace de déclarer que « bof j’y ai pas joué mais ça avait l’air un peu pourri ». Oui, une très grande partie de la boue des forums de MMO actuels provient en majeure partie de ces échanges d’idées. C’est triste, surtout quand on sait que moins de 3% des joueurs d’un MMO vont sur les forums officiels. Fascinant, non ?
Non pas vraiment, et je parle à moi-même dans les intertitres
Et qu’en est-il aujourd’hui ? Aujourd’hui le produit « premier MMO de bébé » est omniprésent, on vous vend le nouveau MMO du moment comme révolutionnaire, avec une approche rappelant les « supports qui ont déjà fait leurs preuves », les « recettes qui ont déjà fonctionné » mais avec une approche moderne. Sisi rappelez-vous, c’est comme ça que Mythic a voulu nous vendre Warhammer, par exemple. Mais même si les échecs sont légion depuis un certain temps, on continuera à rester curieux sur les derniers produits. Un nouveau MMO sort ? « Ah j’espère que le RvR est aussi bien que X, ou que le craft est encore plus poussé que Y », « quoi y’a des développeurs de A et ils veulent faire un jeu comme B ? Ouah ». Tel un Gérard Depardieu courant nu derrière une voiture Ricard du Tour de France traînée par des chiens de prairie, la valse des nouveaux MMOs est un spectacle riche en ridicule, et je devrais peut-être arrêter de parler de mes rêves ici. Mais nommons quelques exemples : Ultima Online, T4C, DAoC, Everquest, WoW, tous ces MMOs ont été le premier MMO de quelqu’un, de chacun au final. Et ils ont tous été ou nuls à chier, ou géniaux, selon l’expérience de chacun. D’ailleurs il ne faut pas voir ça comme une réaction « attention jeune con en approche », il était rafraîchissant de lire sur les forums SWTOR tous ces joueurs pour qui le jeu de Bioware était leur premier MMO, et de voir leur émerveillement, tout excités et optimistes. Les cons.
Mais ça veut dire que le meilleur est derrière nous ?
Pas forcément, mais aujourd’hui il paraît peu probable de réussir à redécouvrir un jeu comme notre premier jeu : la plupart des MMOs actuels sortent dans le but de faire un maximum de clients, et ceux qui choisissent des marchés plus sélectifs (les MMOs de niche) souffrent de leur manque d’exposition. Du coup au lieu de vivre au jour le jour et de s’amuser dans l’instant présent, la plupart d’entre nous « s’occupent » sur d’autres jeux en attendant la sortie du prochain MMO de référence. Triste, non ? Mon opinion de Defwin est qu’aujourd’hui il faut se contenter de juste « s’amuser », de ne pas avoir d’attentes trop démesurées et d’être conscient qu’on ne jouera jamais à notre premier MMO deux fois, c’est une expérience unique par définition ; il serait idiot de vouloir la renouveler sans cesse. Le meilleur serait-il derrière nous ? Je vous invite à réagir dans les commentaires. Bonne nuit et bonne chance.
Spécialiste en psychologie comportementale et féru de maquettes en poisson cru à ses heures perdues, le Professeur Hengel Defwin vous livre régulièrement ses fines analyses, quand il n’est pas ivre mort en train d’insulter des chats.
un bien bel article, pas de désillusions, juste la tête sur les épaules.. je me souviens de mon premier MMO… houuu c’était il y a bien longtemps ;-)